La professionnalisation des formateurs en débat à la première Université d'été de l'Afref
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 juillet 2013.
L'hémicycle du Conseil régional d'Île-de-
France accueillait, le 9 juillet dernier, la première
Université d'été de l'Afref (Association
pour la réflexion et l'échange sur la formation).
Un campus estival axé sur les formateurs
eux-mêmes, leur métier, leur professionnalisation.
En janvier 2013, à l'occasion de la présentation
de ses voeux, Thierry Repentin – alors
ministre délégué en charge de la Formation
professionnelle et de l'Apprentissage – avait
émis le voeu de “rationaliser l'offre de formation",
proposant alors l'édition de “cahiers des
charges" pour les organismes formateurs. Las,
son départ pour les Affaires européennes, lors
au remaniement causé par la démission de
Jérôme Cahuzac, a laissé ce dossier en
suspens. Des labels concernant les formateurs
existent : la FFP, bien sûr, mais aussi la
Chambre syndicale des formateurs consultants
(CSFC) en ont instauré. Mais l'universitaire
Fabienne Maillard – professeur de
sciences de l'éducation à l'Université Picardie
Jules Verne et auteur de deux ouvrages sur
la certification professionnelle – a rappelé
le “peu d'exemplarité" d'une profession qui
emploie 21 % de CDD, 45 % de temps partiels,
où le salaire moyen est inférieur à celui
des autres branches de moins de 50 000
salariés et dont l'activité se concentre à près
de 80 % dans la seule région capitale.
Le poids de l'Histoire
Une situation due à l'absence de reconnaissance
de toute une profession, dont la
source remonte aux années 60 et 70, époque
d'une l'éducation populaire militante qui
refusait cette professionnalisation au nom
d'une instruction des adultes alors perçue
comme “la mobilisation de tous et non d'un
corps professionnel".
“Dans un éditorial de 1974, la revue éducation
permanente proclamait d'ailleurs
son refus de voir un groupe s'accaparer la
formation des adultes", a rappelé Emmanuel
de Lescure, maître de conférences à la
Sorbonne. Mais si le statut des formateurs
a connu une évolution dans les années 80 –
conséquence, notamment, du chômage de
masse et du transfert d'une partie de la formation
vers les demandeurs d'emploi, mais
aussi d'une évolution technique et sociale
qui a vu les salariés devoir monter en compétences
– l'universitaire n'en a pas moins
constaté un double mouvement qui a vu “en
parallèle leur niveau de formation s'élever
mais leur situation salariale se dégrader".
Sans compter que ces professionnels évoluent
dans un système créé par la loi de
1971 dont le modèle social peut apparaître
anachronique du fait de la désindustrialisation,
mais aussi de la chute des effectifs
syndicaux. “Malgré cela, Ani après Ani, on
persiste à rafistoler ce système", a déploré
Denis Cristol, directeur de l'ingénierie et des
dispositifs du CNFPT [ 1 ]Centre national de la fonction publique territoriale., une institution qui
désormais, tend à entrer dans une logique
de co-construction des formations avec les
collectivités territoriales afin de créer des
parcours au plus près des besoins locaux.
Le CPF contre les “boulets" ?
“De fait, la loi de 1971 a sous-estimé la
capacité de la société à s'emparer d'espaces
de formation hors institutionnels",
estimait Paul Santelmann, responsable de
la veille “emploi et qualification" à l'Afpa.
Un constat qu'il tire de l'activité des organismes
de formation dont 35 000 (sur
55 000 environ) ne font pas de la formation
leur activité principale et où “90 %
des formateurs pour adultes n'exercent
qu'occasionnellement". Michel Blachère,
membre du bureau de l'Afref n'a, pour sa
part, pas hésité à évoquer ces “trois boulets"
que tire encore la formation continue.
“La stagification – et le financement actionpar-
action ; la multiplication des dispositifs
– VAE, bilans de compétences, Dif, qui à la
base n'étaient pas conçus comme tels ; et
la nécessité de disposer de certains statuts
pour entrer en formation – salarié, jeune,
demandeur d'emploi – ont sclérosé l'environnement
de la formation… Le compte personnel
de formation à venir constituera-t-il
une solution pour échapper à cette réalité ?"
Une extrême vigilance sur un métier fragile
Et les formateurs, dans tout ça ? Évoquer
leur professionnalisation “relève d'un choix
engagé", a observé Julien Veyrier, directeur
de Centre Inffo, en conclusion des débats.
Car face à un cadre juridique et technique en
évolution, à une modification des comportements
(le public devient prescripteur de sa
propre formation), à leur rôle croissant dans
la compétitivité des entreprises et le développement
des compétences des individus
et à des rapports encore à créer avec le
monde de la formation initiale, la fragilité de
leur métier et de leur environnement exige
“une extrême vigilance quant à la pérennité
de leur profession". La prochaine Université
d'hiver de Centre Inffo sera précisément
consacrée au thème de la formation comme
facteur de croissance économique. D'une
Université, l'autre, le débat est loin d'être clos.
Notes
1. | ↑ | Centre national de la fonction publique territoriale. |