Le numérique peut-il accompagner les adultes en situation d'illettrisme ?

Par - Le 01 février 2013.

Avec l'avènement du numérique, les sachants pontifiant du haut de leur chaire ne sont plus à la fête. Il leur faut désormais composer avec les apprenants, y compris les moins diplômés… C'est peu ou prou l'idée-force des rencontres régionales du [Centre de ressources illettrisme Auvergne, qui portent traditionnellement sur les enjeux, réalités des pratiques de la formation ouverte et à distance, pour des adultes faiblement qualifiés. Au programme de la troisième édition, qui s'est déroulée au siège du Conseil général du Puy-de-Dôme, à Clermont-Ferrand, le 11 janvier dernier : “Savoirs, numérique et territoire".

Comment le numérique va-t-il permettre d'accompagner les adultes en situation d'illettrisme ? C'était le titre de la conférence de Jean Vanderspelden. Consultant FOAD chez ITG formation, il accompagne depuis 2010 le Centre de ressources illettrisme Auvergne. “Les adultes faiblement qualifiés ont à nous apprendre sur le numérique", a assuré ce militant de choc de la formation ouverte et à distance. Car la génération dite numérique se comporte différemment de ses devancières. “Le numérique concerne tous les publics, y compris ceux en situation d'illettrisme. On n'agit plus en individu, mais en communauté, avec un autre rapport au savoir", a-t-il affirmé, avec un certain enthousiasme.

Fini le temps où les formateurs déversaient leur savoir ex cathedra à des apprenants réputés ignorants. Les nouvelles technologies sont passées par là. Les ignares en savent assez pour questionner les sachants… “Quel que soit notre niveau de qualification, nous allons tous devenir des apprenants. Les adultes faiblement qualifiés utilisent internet chez eux, chez McDo. Notre travail consistera à structurer leurs usages pour accompagner leur apprentissage. Il convient de s'inscrire dans une logique de délégation assumée. On n'apprend plus seulement par soi-même. Les apprenants ne sont plus seulement dans une logique de compétition."

“L'instabilité positive"

Voici venu, selon Jean Vanderspelden, le temps de “l'instabilité positive". Et d'expliquer : “Les connaissances ne sont pas stables, elles se co-construisent en réseau. Elles sont remises en cause, l'école n'est plus le lieu de savoir unique, tout est relatif, l'enseignant n'a plus le même statut."

Fragmenté, le savoir est de plus en plus complexe et éclaté, et nécessite une mise en lien. Les industriels ne se mettent-
t-ils pas en réseau pour développer des connaissances collectives ? “Ces compétences sont hautement demandées en entreprise. Il faut prendre en compte ces évolutions. Elles concernent tous les apprenants qui ont en main ce type d'outil." À en croire le consultant, la fracture numérique a déjà changé, elle ne concerne plus la question : “Est-ce que je peux me connecter ?" Selon Jean Vanderspelden, “l'enjeu, pour les acteurs du savoir, enseignants, bibliothécaires, n'est plus de se centrer sur le contenu, facilement accessible à tous, mais bien sur la manière dont le contenu va être assimilé par l'apprenant".

Les modèles changent. Du modèle classique, “mémoriser pour hiérarchiser", nous serions passés à un modèle innovant, “explorer pour structurer". Illustration de ce choc des modèles : “En France, on travaille à repérer les décrocheurs, au Québec, à renforcer la persévérance !", a souri le consultant. Autrement dit, le modèle français diagnostiquerait les problèmes à défaut d'essayer d'éviter leur apparition en amont. Le consultant n'en a pas pour autant préconisé le rejet des méthodes traditionnelles. À condition qu'elles soient mâtinées d'“aide à la persévérance". Finalement, “pour des adultes faiblement qualifiés, il faut travailler sur les deux modèles".