Les enjeux de la concertation relative à la réforme de l'apprentissage
Par Knock Billy - Le 16 septembre 2013.
La concertation relative à
l'apprentissage, décidée à
l'occasion de la conférence
sociale des 20 et 21 juin
derniers, a débuté le
11 septembre. Daniel
Vatant, conseiller technique
en charge de l'apprentissage
et de l'alternance au
ministère du Travail, est
revenu sur les enjeux de ce
dossier, qui doit être partie
intégrante de la prochaine
réforme de la formation.
Les échéances se rapprochent. Sur le
volet purement formation professionnelle,
les partenaires sociaux
devraient entamer leur négociation
le 24 septembre prochain,
afin que puisse être présenté un projet de
loi avant la fin de l'année." Car si une
négociation est nécessaire en matière
de formation − domaine qui relève du
champ des partenaires sociaux −, ce
n'est pas le cas en ce qui concerne l'apprentissage.
Un document de cadrage
a récemment été envoyé aux parties
concernées (voir ci-contre), afin de poser
les thèmes de discussion. “Nous nous
sommes fixé pour délai la fin du mois",
a déclaré Daniel Vatant, le 10 septembre,
lors de la quatrième assemblée
du réseau des CFA de l'hôtellerie et de
la restauration, organisée par le Fafih,
Opca de cette branche.
Une “vraie concertation"
Le dossier “apprentissage" est sur la table
depuis plusieurs mois. Thierry Repentin,
lorsqu'il était encore ministre délégué
à la Formation professionnelle et à
l'Apprentissage [ 1 ]Du 21 juin 2012 au 19 mars 2013., avait déjà rencontré
les différents acteurs. Si bien qu'il
avait été envisagé de présenter
un texte de loi portant uniquement
sur l'apprentissage à l'été 2013. Selon
Daniel Vatant, cependant, la messe est
loin d'être dite, et la concertation qui
commence est bien une “vraie concertation".
“Le cabinet a des délais serrés
et ne peut rencontrer l'intégralité des
acteurs de l'apprentissage. Cependant,
nous sommes preneurs de contributions
écrites, concrètes et synthétiques sur ce
qu'il conviendrait de changer dans le
domaine de l'apprentissage, a-t-il expliqué.
La seule réserve, c'est que nous
mettons des thématiques et des objectifs
sur la table. Le grand objectif sur lequel tout
le monde est d'accord, c'est de développer
l'apprentissage. Cependant, chacun peut
avoir son propre avis sur la manière d'y
parvenir !"
Pour rappel, le gouvernement souhaite
que le nombre de contrats d'apprentissage
en cours passe de 435 000
aujourd'hui à 500 000 en 2017. Mais
“rien n'est arrêté". D'autant qu'en parallèle,
sur ce dossier, se tiennent des discussions
entre les différents ministères
concernés, parmi lesquels l'Enseignement
supérieur, l'Éducation nationale,
l'Artisanat ou encore l'Agriculture.
Un sujet central : la répartition de la taxe
Le conseiller du ministre a toutefois
profité de l'occasion pour détailler
plus en profondeur certaines des thématiques
déjà citées dans le document
de cadrage. L'une des questions
les plus épineuses est celle de la taxe
d'apprentissage et de sa répartition.
“Un souhait exprimé par le président de
la République est que la taxe aille plus
vers les formations en apprentissage elles mêmes.
Nous allons prendre l'avis de tout
le monde pour opérer un nécessaire rééquilibrage
de la répartition à un niveau
global. Revoir la part de TA devant aller
aux Régions, qui ont la compétence de
l'apprentissage, bouger le curseur entre la
partie quota et la partie barème [ 2 ]La taxe d'apprentissage se divise en deux
fractions : le “quota", obligatoirement consacré
à l'apprentissage, représente 52 % de la taxe ; le
“barème" bénéficie aux autres formations technologiques
et professionnelles. Le quota doit passer
progressivement à 59 % d'ici 2015, en vertu de la loi
de finances rectificative du 29 juillet 2011.… Tout
cela pourrait se faire sur une assiette élargie
par une fusion entre TA et CDA (contribution
au développement de l'apprentissage).
Il semblerait que sur ce dernier
point, il y ait un consensus assez large…"
Par ailleurs, le cabinet du ministre est
souvent interrogé au sujet de la libre affectation
de la taxe par les entreprises [ 3 ]Les entreprises peuvent choisir de flécher leur taxe
vers un organisme de formation de leur choix. Si elles
ne le font pas, les Octa s'en chargent, on parle de
“fonds libres"..
Or, si Thierry Repentin avait déclaré
en février dernier que ce principe de
libre affectation ne serait pas remis en
cause (L'Inffo n° 828, p. 3), désormais
“rien n'interdit de réfléchir aux modalités
d'attribution de cette libre affectation".
Une formule qui a quelque peu fait
grincer des dents dans l'assistance…
“Il faut mener une réflexion sur les
règles qui régissent le barème", a poursuivi
le conseiller, imperturbable. “Les
catégories A, B et C, sont-elles pertinentes ?
Doivent-elles être fongibles ou non ? Cela
devra être discuté…" Le mode de répartition
des fonds libres de la taxe doit
également être abordés. “Aujourd'hui
un CFA a deux ressources principales : les
Régions et la TA. Selon les caractéristiques
du centre de formation, celui-ci récupère
plus ou moins de taxe. En moyenne on est
sur 60 % de fonds provenant des Régions
et 40 % provenant de la taxe. Cependant
ce n'est qu'une moyenne, et les proportions
peuvent beaucoup varier. Il faut
rééquilibrer les choses."
Rationaliser le système de collecte
Autre sujet crucial : la question de
la collecte de la taxe. “Tout le monde
s'accorde sur le fait que le système actuel,
avec plus de 140 collecteurs, n'est
pas rationnel. Il est morcelé, complexe
et concurrentiel. En effet, quand une
entreprise reçoit 30 bordereaux de collecte
de la part de 30 Octa, elle peut
légitimement se poser la question de
l'efficacité de tout cela !", juge Daniel
Vatant. Se voulant cependant rassurant,
devant les représentants de l'hôtellerierestauration
: “Nous n'envisageons pas
un système exclusivement régional. Les
branches doivent continuer de jouer un
rôle. Là encore, la réflexion est en cours."
Bien qu'ils soient parmi les plus délicats,
la répartition de la taxe d'apprentissage
et sa collecte ne seront pas les seuls
thèmes abordés. Quota d'alternants
dans les entreprises, élargissement du
périmètre des entreprises assujetties
à la taxe, revalorisation des filières en
alternance, notamment grâce au futur
service public de l'orientation prévu
dans le cadre du deuxième volet de
l'acte III de la décentralisation… Ces
thèmes feront également l'objet de
débats.
Aurélie Gerlach
LES PARTENAIRES DE LA CONCERTATION
Participent à la concertation
apprentissage les partenaires sociaux
(CGT, CFDT, FO CFE-CGC, CFTC, Medef,
CGPME et UPA), la FSU, la FNSEA,
l'Unsa, l'Udes (Union des employeurs
de l'économie sociale et solidaire,
ex-Usgeres), l'UnaPL, les trois réseaux
consulaires (CCI France, APCMA, APCA),
l'Association des Régions de France,
ainsi que d'autres organismes comme
l'Anaf (Association nationale des
apprentis de France).
LES ARTISANS ATTENDENT DES MESURES CONCRÈTES
Alain Griset, président de l'Assemblée
permanente des Chambres de métiers et
l'artisanat (APCMA), interrogé par L'Inffo,
se félicite de la volonté du gouvernement
de faire progresser le nombre d'apprentis
de 435 000 aujourd'hui à 500 000 en 2017.
Cependant, “les mesures prises jusqu'à
aujourd'hui ne permettent pas d'aboutir aux
résultats escomptés !".
À ses yeux, “l'ensemble des acteurs reconnaît
qu'il y a un problème de financement de
l'apprentissage. Les Chambres de métiers,
qui gèrent en direct la formation de plus
de 180 000 apprentis, ne perçoivent pas
de taxe d'apprentissage proportionnelle
à leurs investissements. Nous proposons
donc que celle-ci soit répartie au prorata du
nombre d'apprentis formés." Concrètement,
insiste-t-il, “la taxe d'apprentissage doit
être flêchée vers les structures qui forment
réellement des apprentis. Le gouvernement
doit arbitrer en sorte que la répartition des
montants soit égale et équitable".
Ce que coûte à une entreprise
de former un jeune
Par ailleurs, pour “aboutir à une vraie
réforme de l'apprentissage, il faut une
réflexion de fond sur ce que coûte à une
entreprise de former un jeune à un vrai
métier", pointe Alain Griset. Il espère que
les entreprises artisanales auront assez
de moyens pour accueillir davantage de
jeunes. Grâce à une meilleure utilisation des
“investissements d'avenir" ? Dans son courrier
du 23 juillet (L'Inffo n° 839, p. 3), Michel
Sapin assurait que “les investissements
dansl'apprentissage seront amplifiés". En
effet, le Premier ministre a annoncé une
enveloppe de 550 000 millions d'euros
consacrée à la jeunesse et à la formation,
qui bénéficiera notamment à l'alternance. Le
président de l'APCMA espère une mise en
œuvre rapide de ces déclarations.
Knock Billy
LA LETTRE DE CADRAGE
Développement de l'apprentissage, collecte de la taxe et sécurisation des parcours…
tels sont les trois axes de concertation définis. Le document de cadrage qui est
parvenu aux intéressés liste les thèmes à aborder.
Le gouvernement veut que les participants trouvent le moyen de mobiliser davantage
les entreprises, les branches et la fonction publique (qui est loin d'employer les
4 % minimum d'apprentis dans ses effectifs). Ils doivent examiner la pertinence de la
construction de l'offre (élaboration des diplômes et gouvernance régionale des filières)
et prévoir l'amélioration de la promotion de l'apprentissage en s'appuyant sur le
service public de l'orientation. Au programme également, une “meilleure répartition
de la taxe", la place des Régions, la libre affectation des entreprises, la pertinence du
mode de calcul du quota.
Deuxième axe : la rationalisation et la simplification du réseau de collecte, riche de
140 Octa (organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage), aux plans régional et
national, avec une meilleure articulation entre les deux niveaux. Le document insiste
sur la nécessité de développer le paritarisme dans la gestion, mais aussi de conforter
le positionnement des réseaux consulaires.
Enfin, le troisième axe concerne la sécurisation des parcours des apprentis, avec trois
préoccupations centrales : les difficultés à trouver un employeur, la qualité du parcours
(rôle des tuteurs et maîtres d'apprentissage, validation d'acquis préalables, etc.), et
les conditions d'insertion.
Notes
1. | ↑ | Du 21 juin 2012 au 19 mars 2013. |
2. | ↑ | La taxe d'apprentissage se divise en deux fractions : le “quota", obligatoirement consacré à l'apprentissage, représente 52 % de la taxe ; le “barème" bénéficie aux autres formations technologiques et professionnelles. Le quota doit passer progressivement à 59 % d'ici 2015, en vertu de la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011. |
3. | ↑ | Les entreprises peuvent choisir de flécher leur taxe vers un organisme de formation de leur choix. Si elles ne le font pas, les Octa s'en chargent, on parle de “fonds libres". |