Les six milliards du programme “garantie jeunesse" pour la formation

Par - Le 16 juillet 2013.

Offrir à chaque jeune européen
de moins de vingt-cinq ans et
au chômage depuis quatre
mois une offre d'emploi ou
de formation, c'est l'ambition
de la “garantie jeunesse"
adoptée par le Parlement
européen dans le cadre du
budget 2014-2020. L'Inffo
a interrogé à ce propos la
présidente et la vice-présidente
de la commission de l'emploi
et des affaires sociales.

Cette garantie, la commission de
l'emploi et des affaires sociales du
Parlement de Strasbourg l'a finalement
imposée au Fonds monétaire
international, à la Banque centrale
européenne et à la Commission européenne,
après une série de négociations
et de dépôts d'amendements. Concrètement,
ce sont huit milliards d'euros qui
seront susceptibles d'être déployés, dès
le 1er janvier 2014, par le biais du Fonds
social européen (FSE) ou du Fonds
européen de développement régional
(Feder), pour alimenter les politiques
formation des Régions de l'UE les plus
touchées par le chômage des jeunes.
Un chômage qui touche actuellement
23,7 % des Européens de moins de
25 ans en sortie de tout système scolaire
ou d'apprentissage. Et ce n'est là qu'une
moyenne car, sur le terrain, ce chiffre
peut se voir multiplié par deux. Comme
en Sicile (52 %), en Sardaigne (48 %)
ou en Irlande (33 %). Sans oublier
l'Espagne et la Grèce, fortement impactées
par la crise, et qui sont considérées
comme prioritaires dans l'attribution
des fonds [ 1 ]En tout, sept pays ont été jugés prioritaires.
Espagne, Grèce et Italie forment le trio de tête.
.
Côté français, ce sont près de 600
millions d'euros qui se verront déployés
auprès de 300 000 jeunes issus de onze
départements jugés prioritaires et répartis
sur une dizaine de Régions, dont la
première à contracter avec le Parlement
européen était le Poitou-Charentes.

Remonter le plafond d'âge à 30 ans

Pour autant, bien que le Parlement soit
parvenu à “sanctuariser" ces fonds, les
élus de la commission de l'emploi et
des affaires sociales sont
conscients que le bras
de fer n'est pas terminé.
Demeure la question de
l'extension du plafond
d'âge maximal des jeunes
concernés de 25 à 30 ans,
ce qu'actuellement la Commission
européenne refuse
encore. “Pourtant, en
passant ce seuil à 30 ans,
on toucherait presque le
double de jeunes", explique
Élisabeth Morin-Chartier,
députée PPE (UMP).

À l'en croire, la peur du
chômage pousse les jeunes Européens
à rester le plus longtemps possible dans
un cycle d'études longues, pour éviter
l'entrée sur le marché du travail. Des
jeunes qui n'attendent d'ailleurs pas une
entrée en formation immédiate pour
sortir de leur situation précaire. “Il faut
tenir compte de leur très faible appétence
pour la formation, puisqu'ils sont
sortis du système initial sans qualification…

D'abord, ils doivent se
reconstruire et retrouver une image
positive d'eux-mêmes avant d'envisager
de retourner sur les bancs
d'une salle de classe." L'Europe propose
d'ailleurs plusieurs programmes
à destination de ces jeunes : séjours
à l'étranger ou possibilités de s'investir
dans des projets à vocation socioéducative,
qu'il s'agisse de développer
un club de football à Thessalonique ou
de participer aux activités d'une Maison
de l'emploi à Madrid, afin de retrouver
l'envie d'un avenir professionnel passant
par un cycle de formation. “Une
volonté de rendre mobile la jeunesse
européenne qui s'est,
notamment, traduite
par l'extension du programme
d'échanges
universitaires « Erasmus
pour tous » en
un « Erasmus Plus » [ 2 ]L'Inffo n° 837, p. 42.,
étendu aux stagiaires
de la formation professionnelle
continue à
l'échelle de l'Union",
explique l'eurodéputée.

Le seuil minimal de chômage des jeunes sur les territoires

L'autre sujet qui fâche
encore, c'est le taux de
chômage des bassins
d'emploi ciblés par la
“garantie jeunesse".
Si à l'heure actuelle
toutes les régions
“Nuts 2" [ 3 ]Nomenclature of territorial units for statistics,
nomenclature d'unités territoriales statistiques.
− c'est-à-dire
celles où le taux
de chômage des jeunes
s'élève à 20 % − sont
éligibles au dispositif,
la Commission européenne souhaiterait
remonter ce plafond, pour cibler
uniquement les territoires où il s'élève
à 25 % et plus.
“Si elle venait à se concrétiser, cette
décision induirait un effet pervers :
celui de voir des jeunes quitter leur
territoire pour aller tenter leur chance
ailleurs et, donc, contribuer à désertifier
certaines Régions", redoute l'eurodéputée
PS Pervenche Bérès.

D'autant qu'au sein de l'Union, certains
pays – tels l'Allemagne, avec le
dispositif Job of my life [ 4 ]L'Inffo n° 836, p. 19. – contribuent
déjà à attirer la jeunesse des pays en
crise (Portugal, Grèce, Espagne, mais
aussi ceux de l'aire “mitteleuropéenne")
pour leur promettre un avenir professionnel
sur le sol allemand, avec toutes
les conséquences sur la démographie
des pays d'origine, mais aussi sur le
dumping social que cela entraîne. “Il
est dommage que lorsqu'il s'agit de voter
ce genre de textes, les eurodéputés
allemands raisonnent en termes d'appartenance
nationale plutôt que de
couleur politique…", soupire l'élue.

Une première harmonisation des qualifications

En dépit de la “négociation musclée"
qui oppose encore le Parlement
à la Commission européenne, les deux
eurodéputées s'accordent sur la nécessité
d'une harmonisation des systèmes
de formation continue à l'échelle de
l'Union, à l'image de ce que le système
universitaire à su faire avec la
réforme LMD (licence, master, doctorat).
Un vrai défi, quand on pense, par
exemple, à la situation de l'apprentissage
en Allemagne ou en Autriche,
alors que cette voie d'accès à l'emploi
est quasi-inconnue dans d'autres pays.

Mais Pervenche Bérès l'assure : cette
question est au coeur des débats de la
commission de l'emploi et des affaires
européennes. Et quelques éléments de
cette nécessaire harmonisation, notamment
en matière de reconnaissance des
qualifications, pourraient voir le jour
d'ici au mois de mai 2014, c'est-à-dire
la fin de la mandature.

Notes   [ + ]

1. En tout, sept pays ont été jugés prioritaires.
Espagne, Grèce et Italie forment le trio de tête.
2. L'Inffo n° 837, p. 42.
3. Nomenclature of territorial units for statistics,
nomenclature d'unités territoriales statistiques.
4. L'Inffo n° 836, p. 19.