Lorraine - Au pays des 30 000 reconversions accompagnées

Par - Le 01 novembre 2013.

L'ambiance se voulait jazzy, le 10 octobre
dernier, à l'occasion des 30 ans du Fongecif
Lorraine, célébrés à Nancy. Raccord avec l'ambiance
générale de la ville, d'ailleurs, puisque
deux jours plus tôt s'était ouvert le festival
Nancy Jazz Pulsations, à quelques centaines
de mètres de là. Trente ans et presque autant
de milliers en reconversion accompagnées par
le Fongecif Lorraine, voilà qui méritait bien une
petite fête… avant d'envisager les perspectives
d'avenir.

L'occasion de revenir sur l'histoire d'un
Fongecif, né dans une Lorraine alors en pleine
reconversion industrielle, où la négociation
paritaire ne faisait pas vraiment partie du
corpus social de l'époque. “Les premières
discussions entre représentants syndicaux
et patronaux relatives à la création de ce qui
deviendrait le Fongecif Lorraine furent rudes !",
s'est souvenu le syndicaliste Guilhem Royer qui
siégeait alors à la table des négociations. “Les
représentants du CNPF – ancêtre du Medef – et
de la CGPME en Lorraine étaient particulièrement
durs. À l'époque, notre principale crainte
était que les branches de la sidérurgie et des
mines refusent d'intégrer un fonds interprofessionnel
et fassent le choix de conserver leur
argent pour elles. Nous avons connu quelques
fâcheries… mais la bonne volonté a fini par
l'emporter."

Des fâcheries, il y en eut d'autres, depuis,
mais l'idée d'un congé de formation destiné
à la reconversion professionnelle a d'autant
plus facilement fait son chemin dans les esprits
lorrains qu'elle entrait en résonance avec les
travaux sur la formation continue entamés vingt
ans plus tôt à l'Institut national de formation
des adultes (Infa), fondé précisément à Nancy
par Bertrand Schwartz.

Et aujourd'hui encore, les résultats de l'efficacité
du Fongecif Lorraine sont là. D'après une
LORRAINE Au pays des 30 000 reconversions accompagnées
étude “Ipsos Observer" portant sur ces trois
dernières années, le taux de satisfaction des
Lorrains ayant bénéficié d'un Cif s'élève à près
de 75 % et 92 % des bénéficiaires s'affirment
prêts à recommander ce mode de reconversion.

Cif et CPF, “des cousins qui s'ignorent"

Mais célébrer le passé n'était pas l'unique
objet de la soirée du 10 octobre. Car si, depuis
trente ans, l'activité des Fongecif repose sur
les trois lettres C-I-F, elles pourraient, dans un
avenir proche, relever d'un nouveau triptyque :
C-P-F. Pour compte personnel de formation,
celui-là même, dont, le matin même, les partenaires
sociaux discutaient dans le cadre de
la négociation sur la réforme de la formation
professionnelle. “Le CPF ? Un objet juridique
non identifié à ce jour et qui n'est pas certain
de réussir son atterrissage dans un espace
juridique déjà très construit !", a plaisanté
Jean-Marie Luttringer, expert en droit de la
formation et grand témoin de la soirée.

“Un système très séducteur sur le papier",
donc, mais dont le caractère universel ne
saurait, à ses yeux, faire abstraction du congé
individuel de formation en le noyant dans ce
nouveau compte. “Si l'on prenait l'ensemble
des fonds des Fongecif tels qu'ils existent
aujourd'hui pour abonder le futur CPF, il serait
impossible d'assurer le financement de ce
compte à vocation universelle", a résumé
l'expert, qui a cependant estimé “réaliste"
qu'à l'avenir, les Fongecif puissent se voir
missionnés pour gérer le CPF comme ils gèrent
aujourd'hui le Cif, “à l'image de la gestion
paritaire des systèmes de prévoyance".

Et, bien entendu, il y a cette possible réforme
du 0,9 % issu de la cotisation obligatoire des
entreprises au titre du plan de formation. “Une
boîte de Pandore ouverte par Michel Sapin",
selon Jean-Marie Luttringer, qui cependant
optimiste, veut continuer à voir le Cif et le CPF,
non comme des dispositifs antagonistes, mais
plutôt “comme deux cousins qui s'ignorent".

Le financement n'est pas tout...

L'avenir du Fongecif Lorraine, enfin, ce sont
aussi les deux partenariats signés le 10 octobre.
Un premier avec l'Agence nationale de lutte
contre l'illettrisme (ANLCI) visant à renforcer
le dispositif “Clé pour l'emploi" [ 1 ]Version locale du dispositif Compétences-clés de
l'ANLCI.
déjà déployé
auprès de 79 Lorrains, et un autre − engageant
le Conseil régional, celui-là − destiné à
expérimenter un système d'accompagnement
renforcé des demandeurs d'emploi en Lorraine.
Une expérimentation inscrite dans le cadre du
contrat de plan régional de développement des
formations (CPRDF).

“Les relations entre le Conseil régional et le
Fongecif ne doivent pas relever uniquement
du financement", a estimé Laurence Demonet,
vice-présidente de Région en charge de l'action
régionale relevant de la formation et de l'accompagnement
des parcours de vie, au moment
du paraphe. “Ce que nous recherchons, c'est
avant tout une vraie relation partenariale
s'inscrivant dans la durée et susceptible de
s'adapter à l'évolution de la carte des formations
en Lorraine."

Trente ans. Déjà une histoire bien remplie pour
le Fongecif Lorraine, alors que sur scène, les
acteurs de la compagnie théâtrale Crache-
Texte s'amusaient à imaginer ce que pourrait
être le Fongecif de 2043…

Notes   [ + ]

1. Version locale du dispositif Compétences-clés de
l'ANLCI.