Malgré les difficultés, l'Afpa espère réussir sa mutation

Par - Le 16 novembre 2013.

“Un an après le début du projet de refondation, globalement, nous sommes sur la trajectoire prévue",
se réjouissait Yves Barou, le président de l'Association nationale pour la formation professionnelle des
adultes, le 24 octobre dernier, lors d'un point d'étape au cours duquel il exposait la situation ainsi que
les grands chantiers de son organisme. Sans lever toutes les inquiétudes et critiques des syndicats.

Les prévisions étaient pour
l'Afpa d'atteindre un chiffre
d'affaires de 784 millions
d'euros en 2013 et 798
millions d'euros en 2014. “Pour
2013, nous serons un peu en dessous,
mais avec un chiffre d'affaires estimé à
760 millions d'euros, et un prévisionnel
de 798 millions pour 2014, l'activité de
l'Afpa retrouve des couleurs", a indiqué
Yves Barou. Expliquant ces chiffres
par un glissement du “plan 30 000"
sur 2014. En effet, l'Afpa a accueilli
5 000 stagiaires supplémentaires dans
le cadre de ce plan lancé en septembre
à la suite de la conférence sociale de
juillet. Le “plan 30 000" représente
pour l'organisme un chiffre d'affaires
de 22 millions d'euros, dont seulement
5 millions d'euros pourront être perçus
cette année.

Une explication que réfute François
Duval, délégué syndical central Sud
“Un an après le début du projet de refondation, globalement, nous sommes sur la trajectoire prévue",
se réjouissait Yves Barou, le président de l'Association nationale pour la formation professionnelle des
adultes, le 24 octobre dernier, lors d'un point d'étape au cours duquel il exposait la situation ainsi que
les grands chantiers de son organisme. Sans lever toutes les inquiétudes et critiques des syndicats.
Le centre Afpa de Marne-la-Vallée
de l'Afpa : “Ce n'est pas exact de mettre
la baisse du chiffre d'affaires de l'Afpa
sur les dérives du plan formation 30 000
demandeurs d'emploi 2013 sur 2014.
La réalité est que l'Afpa est confrontée à
de nombreux problèmes, qui plombent
son avenir !"

Aux difficultés liées à ce “plan 30 000"
s'ajoutent le report de nombreux appels
d'offres émis par les Direccte, ainsi que
le “changement de règles" concernant la
préparation opérationnelle à l'emploi
collective (POEC). Ceux-ci ont, selon
Yves Barou, contribué à faire de 2013,
“une année blanche pour l'activité de
l'Afpa". Qui a également évoqué comme
cause de difficultés le double transfert
par l'État de la responsabilité de la
formation des personnes handicapées
à l'Agefiph, puis aux Régions. Le
nombre de stagiaires de cette catégorie
accueillis par le “principal opérateur de
la formation de ces publics" est passé
de 10 239 en 2011 à 4 630
en 2013. Conséquence :
une baisse d'activité
de 6 millions d'euros
pour l'Afpa. L'impact de
l'ensemble de ces éléments
constitue “un trou d'air de
30 à 35 millions d'euros"
pour le chiffre d'affaires de
l'Afpa, a estimé Yves Barou.
Qui a indiqué : “Cela, le
pool bancaire l'a compris."

Miser sur les
entreprises


Côté entreprises, les
commandes destinées aux
salariés, ou les Cif devraient
progresser dès 2014. Car,
selon le président de
l'organisme public, “le
développement de l'Afpa
se fait et se fera par les entreprises.
Le segment entreprise ne faisait pas
partie des gènes de l'Afpa, mais c'est un
potentiel de croissance qui se confirme".
163 millions d'euros de commandes
sur les 760 millions d'euros en 2013
proviennent des entreprises. D'ailleurs,
a annoncé Yves Barou, l'un des grands
chantiers lancés par l'organisme de
formation est d'“intensifier considérablement
son action sur le marché des
entreprises". Pour mieux les séduire, il “a
missionné 200 ingénieurs qui assurent
une veille permanente pour que les
propositions de formation soient en
adéquation avec leurs besoins, l'évolution
de leurs métiers et des technologies". Il
a d'ailleurs nommé, fin 2012, un
directeur du développement entreprises
et international, en la personne
de Lionel Rouillon. Résultats : des
conventions-cadres sont en cours de
négociation ou de signature et seront
concrétisées par des contrats à partir de
2014. Le polytechnicien et président
du [Cercle des DRH européens pour
la responsabilité sociale->http://european-hrd-circle.org] Yves Barou
espère faire grimper cette part, pour
l'instant minoritaire à 50 %. Le
développement de partenariats, y
compris à l'international, constitue
une piste stratégique importante pour
l'organisme. Mais les organisations
syndicales sont sceptiques. “Yves Barou
n'est pas le premier président qui nous
tient ce discours. Il n'y a rien de concret
ni de rassurant", aux yeux de François
Duval.

En avril dernier, l'Afpa a décroché un
contrat avec PSA Peugeot-Citroën pour
la création du centre de reconversion
des opérateurs et des techniciens de
la désormais ex-usine d'Aulnay-sous-
Bois, dans le cadre de l'accord sur la
transition professionnelle. Ce qui, selon
Yves Barou est le signe que l'organisme
de formation public apporte des
réponses aux besoins des entreprises
et se concentre sur ses métiers − de
qualification.

Dialogue restauré avec les
Régions


Autre segment du marché de
l'organisme public : les territoires.
“Après les nombreux sujets d'incompréhension,
le dialogue est restauré entre les
Régions et l'Afpa." Dans le cadre de la
mise en concurrence, l'organisme de
formation avait perdu d'importantes
parts de marché. Il essaie aujourd'hui
de les reconquérir, en adaptant son offre
avec les besoins locaux de formation. Le
président de l'Afpa espère obtenir des
résultats encourageants. Il a d'ores et
déjà remporté un appel d'offres d'un
montant de 52 millions d'euros de la
Région Nord Pas-de-Calais. Ce qui
“illustre la dynamique de croissance de
l'Afpa", croit Yves Barou, qui attend
le résultat de l'appel d'offres d'une
cinquantaine de millions d'euros de
la Région Île-de-France. Ces bons
signes n'éclipsent cependant pas
“quelques difficultés" avec certaines
Régions, notamment Pays de la Loire,
Rhône Alpes et Auvergne. L'organisme
dialogue avec ces Conseils régionaux
pour trouver des solutions, a annoncé
le président.

Réductions d'effectifs

L'Afpa espère, “grâce à des efforts
de gestion et de maîtrise de ses coûts",
compenser le retard des recettes
escomptées et rendre les résultats 2013,
“moins dramatiques". En effet, dans le
cadre du plan de refondation adopté
en décembre 2012 et dont l'objectif
essentiel est de “conduire l'association
vers un retour à l'équilibre financier",
les instances de l'Afpa ont “réussi" à
réduire les effectifs de 4 % au total
entre août 2012 et août 2013 grâce à
des départs à la retraite (notamment
parmi le personnel du siège [ 1 ]Il s'agit de passer de 516 personnes à 402 en 2015.
Un objectif qui sera sûrement atteint à fin 2013.
, et à
un plan de départs volontaires. Les
coûts de fonctionnement ont quant
à eux été réduits de 5 %. Les salaires
ont été gelés depuis deux ans. Ce
qui, selon le président, “n'est pas un
plaisir en soi, mais une nécessité" pour
l'avenir de l'organisme de formation.
Tout en reconnaissant que cela puisse
déclencher des tensions, alors que le
“dialogue social est de très bonne qualité",
il rassure : “2013 est une année de
transition." Et l'“adhésion des salariés
pour faire réussir le plan de refondation"
est, selon lui, encourageante.

Les syndicats parlent
d'“asphyxie"


Évidemment, les organisations
syndicales dénoncent l'impact négatif
de ces mesures sur les conditions de
travail des salariés de l'Afpa. Pour
François Duval, de Sud FPA, “la mise
en oeuvre du plan ne se passe pas bien.
Une des conséquences de la réduction des
effectifs est que les services sont de moins
en moins bien rendus". À la suite du CCE
extraordinaire du 21 octobre 2013, la
CGT Afpa (qui n'a pu répondre à nos
sollicitations) avait déclaré : “Les centres
de formation sont au bord de la rupture.
Les restrictions budgétaires et la poursuite
du non-remplacement des départs sont
en train de tout asphyxier. La charge de
travail des personnels d'appui a atteint
un niveau insupportable. D'autant que,
dans le même temps, nos commanditaires
(les Conseil régionaux, Pôle emploi) n'ont
jamais été aussi exigeants en matière de
comptes-rendus."

Sud FPA critique également une
“hiérarchie encadrante pléthorique. En
dix ans, l'Afpa a perdu 3 000 salariés
alors que le personnel encadrant est
passé de 12 % à 15 % des effectifs.
L'encadrement représente à lui seul 23 %
des rémunérations. Il faut remettre les
emplois là ou ils sont nécessaires (postes
d'acheteurs, d'ouvriers d'entretien,
d'appui technique pour les formateurs,
etc.) et réduire la hiérarchie", soutient
François Duval.

Une “logique d'offre à bas
coût" ?


La CGT Afpa avait imputé la
“responsabilité écrasante" des difficultés
de l'organisme public à l'État, qui
“pendant des années nous a rendus
malades". Yves Barou a rappelé que
l'État a investi 110 millions d'euros en
2013 et soutiendra l'association, avec
un pool bancaire, à hauteur de 430
millions d'euros d'ici 2017. C'est selon
la présidence, “une mesure qui, couplée
au règlement du patrimoine immobilier
de l'Afpa, va lui permettre de disposer de
fonds propres et donc de pouvoir emprunter
pour financer cette refondation".
Tout en exprimant sa solidarité avec les
instances dirigeantes, la CFDT Afpa
rappelle : “Notre problème n'est pas de
faire de l'anti-direction (ou anti-présidence)
mais de rechercher des solutions
réalistes et durables pour les salariés
et l'Afpa. Notre axe, depuis plusieurs
années, est de sécuriser l'Afpa, pour
pérenniser la situation de ses personnels
et de ses stagiaires."

Pour Sud FPA, “cette politique de
réduction des coûts et des effectifs nous
conduits inexorablement vers une logique
d'offre à bas coût". Ce que soutient
d'ailleurs la CFDT, qui craint elle aussi
que la situation actuelle n'“encourage
la dérive vers les formations à « coûts
bas », conduisant irrémédiablement à
la baisse de la qualité et aux solutions
d'adaptations ponctuelles au poste
de travail plutôt qu'à des formations
qualifiantes certifiées et donc reconnues
par les conventions collectives". Yves
Barou s'est dit farouchement opposé
au “low cost en formation".

Une “nouvelle offre
pédagogique" en janvier 2014


Le projet de “nouvelle offre
pédagogique" de l'organisme répond
d'ailleurs aussi à cette préoccupation.
En effet, un des enjeux majeurs du
plan de refondation
est de proposer cette
nouvel le offre en
remettant “l'ingénierie
au coeur de l'Afpa"
pour “mieux répondre
au double impératif de
l'efficience économique
et de l'utilité sociale".
Il s'agit, a rappelé Yves
Barou, de transformer
l'approche pédagogique
de l'organisme de
formation de manière
à ce qu'elle soit “à la
fois plus souple, plus en
phase avec les besoins
en compétences des
entreprises, tout en
maintenant la « qualité
Afpa »". Avec cette
offre, qui sera dévoilée
en janvier 2014, l'Afpa
proposera donc des
“solutions plus nombreuses
pour construire des parcours personnalisés
tout en répondant aux mêmes exigences
de qualité et aux mêmes promesses
qu'aujourd'hui : celles de former tous
les publics, à commencer par les plus
éloignés de l'emploi, d'élever le niveau de
qualification des actifs et de former pour
l'emploi et l'insertion professionnelle".
Mais, maintient François Duval, la
modularisation des formations “n'est
rien d'autre que la porte ouverte à une
offre de formation low cost. Comment
peut-on faire de la qualification en
collant aux demandes des Conseils
régionaux et des entreprises qui, en cette
période de crise, veulent des formations
de plus en plus courtes et de moins en
moins chères ?"
Cette nouvelle offre pédagogique est
“une mutation considérable pour l'Afpa",
persiste Yves Barou. Qui se réjouit :
“Aujourd'hui, plus de 60 % des stagiaires
Afpa connaissent un accès à l'emploi six
mois après leur formation. Nous entendons
faire encore progresser cette offre."

“Rayonnement national"

Un autre chantier tient à coeur Yves
Barou : “Assurer la pérennité des
formations d'avenir à rayonnement
national en facilitant la mobilité
géographique pour la formation." Ces
formations, souvent liées aux filières
d'avenir, ne sont plus assez proposées
aux chômeurs. Le président de l'Afpa,
qui propose des formations pour 27
des 34 filières identifiées, a rappelé que
“pour certains métiers, il n'existe que peu
de centres de formation en France, car les
plateaux techniques sont chers". Ainsi, par
exemple, pour former des techniciens
d'intervention du froid industriel,
il n'y a que trois centres en France.
Les besoins en main-d'oeuvre sur ces
métiers sont limités, mais essentiels
pour faire tourner les entreprises.
Pour que ces formations-clés vivent,
il faut permettre aux personnes de se
former facilement ailleurs que dans
leur région. Le président de l'Afpa a
regretté la “baisse des mobilités interrégionales
des stagiaires" et la non-prise
en compte de la question dans la loi
de décentralisation à venir. “Il faut
trouver une solution dans le cadre
de la réforme de la formation professionnelle.
Il faut organiser par une
concertation quadripartite, comme
c'est fait actuellement pour le « plan
100 000 » [évolution en cours du “plan
30 000"], une commande nationale afin
d'assurer la pérennité de ces formations
critiques pour les filières d'avenir, que ces
formations soient dispensées par l'Afpa ou
par d'autres organismes", a-t-il défendu.

L'“outil que beaucoup nous
envient"...


Selon Yves Barou, “la formation n'est pas
en France comme un levier stratégique,
alors même que chacun veut miser sur elle
pour sa propre employabilité. L'accès égal
à la formation est un droit, mais il reste à
construire. C'est tout l'enjeu de la réforme
qui s'amorce : redonner à la formation sa
capacité de remplir son rôle premier, celui
de produire les compétences nécessaires
aujourd'hui et demain au développement
économique, en donnant à chacun une
véritable chance. C'est dans ce sens que
l'Afpa envisage sa transformation".
Pour rester l'“outil que beaucoup nous
envient…", comme le soulignait Thierry
Lepaon, secrétaire général de la CGT
le 23 octobre, lors d'un petit-déjeuner
organisé par “[Réalités du Dialogue
social->www.rds.asso.fr]".

Notes   [ + ]

1. Il s'agit de passer de 516 personnes à 402 en 2015.
Un objectif qui sera sûrement atteint à fin 2013.