Marie Ducastel, une dirigeante énergique

Par - Le 16 novembre 2013.

Ses pommettes saillantes et son
sourire évoquent l'actrice Cameron Diaz. En
live, dans son bureau du 35, rue du Louvre,
c'est plutôt ambiance Charlie et ses drôles
de dames. Quoi de plus normal dans un
groupe comme Abilways – encore baptisé
EFE voici un peu plus d'un an – dont 70 %
des entités sont dirigées par des femmes. Et
ici, le “Charlie" dont il est question, le grand
manitou invisible du Groupe, c'est Patrice
Bougon, ancien avocat et expert-comptable,
à la tête de Grande Armée Investissement,
holding-mère d'Abilways. Celui-là même qui,
en 2000, a confié la direction d'EFE France à
Marie Ducastel, qui n'avait alors que huit ans
de boîte au compteur.

Retour en arrière. En 1992, diplôme de
Sciences Po et DESS de marketing en
poche, Marie Ducastel, qui avait un temps
hésité à se présenter au concours de l'Éna,
choisit de rentrer dans la vie active. Chez
EFE, organisme de formation qui, à ce
moment, cherchait à développer son offre
en direction des marchés publics. Vingt-etun
ans plus tard, Marie Ducastel s'y trouve
toujours. Mais entretemps, elle y aura grimpé
quelques étages pour s'installer tout en
haut, à la tête de l'entreprise, de ses filiales
dans l'Hexagone ou à l'étranger (CFPJ,
ISM-IDCC, ACP Formation, Learning Time,
IFE Benelux, IFAES Espagne, etc. Quasiment
toutes des entreprises rachetées dans le
cadre du développement du groupe) et de
ses trois-cent collaborateurs. Une ascension
que sa biographie officielle, publiée sur le
site d'Abilways, attribue à “son talent, ses
intuitions, sa polyvalence, sa vivacité d'esprit
et son goût des défis".

“Elle est brillante, mais c'est une tueuse !"

Ces qualités, plusieurs témoins de son
parcours en attestent bien volontiers.
D'autres, à l'image de cet ancien salarié
d'EFE, qui l'a connu au début des années
2000, n'hésitent pas à évoquer une femme
Marie Ducastel,
une dirigeante énergique
à la tête d'Abilways
d'affaires redoutable.
“Elle est brillante,
c'est vrai, mais c'est
une tueuse !" confiet-
il, en dénonçant
“son absence d'états
d'âme quand il s'agit
de trancher dans les
effectifs d'une filiale
qui présente des
résultats inférieurs
à deux chiffres". Il
est vrai que dans
son histoire, EFE
a pu se montrer
particulièrement
offensive en matière
d'acquisitions. Chez Cegos, on se souvient
encore des deux “raids" boursiers menés
par l'alliance EFE-Demos en 2005 et 2006.
“C'étaient surtout nos fonds propres qui
les intéressaient alors !", se rappelle une
ex-responsable de Cegos, organisme qui
“pesait" près de 90 millions d'euros et qui,
pour échapper aux tentatives d'OPA, dut
mettre en place une procédure de leverage
management buy out (LMBO, ou “rachat
par le management avec effet de levier") et
abandonner sa structure associative pour
devenir une société anonyme.

“Tueuse ? Bof. N'importe qui arrivant à un
poste de direction se verra toujours qualifié
de flingueur à un moment ou à un autre.
Moi-même, j'ai dû subir cet épithète alors
que rien dans mes actions ne l'a jamais
justifié", tempère pour sa part Christophe
Deloire, directeur général de Reporters
sans frontières, qui occupa la direction du
Centre de formation des journalistes (CFJ,
filiale d'Abilways) de 2008 à 2012. Lui se
souvient plutôt “d'une femme énergique
auprès de qui j'ai beaucoup appris". Et des
critiques à son encontre, il en aura entendu
durant ces quatre années. “On nous disait
que la pédagogie allait être altérée, que
Marie Ducastel allait intervenir sur les
programmes et faire perdre son âme au
CFJ… Il n'en a rien été. Elle a toujours
respecté notre identité de journalistes et
son management créatif a au contraire
permis à l'école de se renforcer".
Et c'est précisément cette volonté de
maintien du contact humain qui ne la fait
pas tomber tête baissée dans la mode de
l'enseignement virtuel. “Nous faisons du
e-learning, bien sûr, mais je ne crois pas
que la formation peut uniquement reposer
sur les nouvelles technologies, comme
les Mooc. On nous disait, voici quelques
années, que nous allions tous nous former
sur Second life… ça a fait pshit !". Mais là,
en guise d'onomatopée, c'est son portable
qui fait “dring". “Pardon, l'une de mes
deux filles me prévient qu'elle a terminé
l'école pour aujourd'hui", s'excuse Marie
Ducastel qui, toute patronne du n° 3 de la
formation privée qu'elle soit, n'en reste
pas moins mère et avoue consacrer deux
vendredis par mois au bénéfice exclusif
de sa seule famille. Réussir à concilier vie
professionnelle et vie privée, ce n'est pas
le choix qui se pose à Cameron Diaz dans
The Holidays, au fait ?