Négociation interprofessionnelle sur la formation : plus que jamais en situation de blocage

Par - Le 01 décembre 2013.

La séance de négociation interprofessionnelle sur la formation du 21 novembre a été annulée, les membres
de la délégation patronale ne parvenant pas à s'entendre sur une ligne commune concernant la contribution
obligatoire au titre du plan pour les entreprises de plus de 10 salariés, que le Medef veut supprimer et la
CGPME conserver. Prévue le 5 décembre, la séance suivante est maintenue…

Les tensions qui règnent au sein de
cette négociation sont vivaces.
Pour preuve, la CGPME a envoyé
le 20 novembre une nouvelle
contribution écrite divergente de
celle de son homologue patronal. Le
président du Medef, Pierre Gattaz, et
celui de la CGPME, Jean-François
Roubaud, se sont eux-mêmes rencontrés
le 20 novembre pour faire le point sur ces
divergences, qui portent essentiellement
sur l'obligation de financement du plan
de formation (0,9 % de la masse salariale)
pour les entreprises de plus de 10 salariés.
Le Medef souhaite la supprimer, la
CGPME veut la conserver, au nom du
système de mutualisation des fonds.
Pierre Gattaz a demandé à Jean-François
Roubaud que la CGPME renonce à
présenter son propre projet d'accord. Le
refus a entraîné l'annulation de la séance
de négociation.

Mutualisation pour les TPE

Pourtant, le projet d'Ani que souhaitait
présenter le Medef − qui a sur ce point le
soutien de l'UPA − affiche une volonté de
faciliter l'accès à la formation des salariés
des TPE. Il prévoit que les Opca (il n'est
pas envisagé que la suppression de la
contribution “plan" pour les entreprises
de plus de 10 salariés puisse à terme
entraîner leur disparition) prennent
en charge les frais pédagogiques des
formations inscrites au plan de formation
des TPE de moins de dix salariés, dans
les limites et selon les priorités définies
par la branche ou, à défaut, par un
Opca interprofessionnel. D'autre part,
et sous réserve d'un accord de branche,
les organismes paritaires prendraient en
charge la rémunération des salariés des
TPE suivant une formation prioritaire,
dans la limite du coût horaire du Smic
par heure de formation.

Le FPSPP consacrerait chaque année
une enveloppe financière correspondant
à 20 % de ses ressources aux actions
contribuant à l'accès à la formation des
salariés des entreprises de moins de 10
salariés. L'enveloppe financière serait
répartie entre chaque Opca “en fonction
du poids des entreprises de moins de 10
salariés parmi les entreprises cotisantes
à l'organisme paritaire par rapport à la
totalité des entreprises cotisantes de moins
de 10 salariés", est-il précisé.

Branches et financement du CPF

Par ailleurs, le Medef demande que soit
renforcé le rôle des branches professionnelles
comme appui aux entreprises, afin
de les aider à “dynamiser leur compétitivité
en développent les compétences de leurs
salariés". À ce titre, elles devraient se doter
d'un OPQMC (Observatoire prospectif
des métiers, des qualifications et des compétences),
et seraient appelées construire, à
partir des données fournies par ces observatoires,
des référentiels de compétences.
Elles seraient chargées d'élaborer des certifications
permettant d'attester d'une qualification
ou de compétences par les salariés,
de conduire une “politique d'amélioration
de la qualité de la formation", et de garantir
la “maîtrise des coûts de formation".

C'est à elles que reviendrait de négocier
un accord portant sur l'abondement
du compte personnel de formation, et
d'élaborer la liste des formations éligibles
à ce CPF. Les politiques d'amélioration
de la qualité des formations se traduisant
par la mise en place de plans d'action,
déterminés tous les trois ans, en lien avec
les Opca.

Objectif chiffré pour le Cif

Cette même proposition de texte intègre
un titre relatif au congé individuel de
formation, assorti d'un objectif chiffré :
“Aujourd'hui, seuls 45 000 à 50 000
personnes bénéficient chaque année d'un
Cif. L'objectif est d'augmenter le nombre de
bénéficiaires de 20 % en quatre ans. Il s'agit
de parvenir ainsi, à horizon 2017, à 60 000
personnes bénéficiaires chaque année." Pour
atteindre cet objectif, les fonds dédiés au
financement du Cif seraient augmentés
par deux moyens : le financement dédié,
à hauteur de 0,2 % de la masse salariale,
serait “sanctuarisé" ; et le FPSPP (Fonds
paritaire de sécurisation des parcours)
prendrait en charge, lorsqu'un salarié
accède à un Cif et bénéficie parallèlement
d'un CPF, le financement des frais
pédagogiques de ce Cif, dans la limite des
heures créditées sur son CPF

Entretien professionnel pour tous

Le projet de texte prévoit d'instaurer
un entretien professionnel pour tous
les salariés, dans toutes les entreprises.
Il devrait avoir lieu minimum tous les
trois ans, et permettrait “de vérifier que
l'employeur assure l'adaptation du salarié à
son poste de travail et veille au maintien de
sa capacité à occuper un emploi, au regard
notamment de l'évolution des emplois, des
technologies et des organisations". Il permettrait
également d'envisager, “lorsque
la structure de l'entreprise le rend possible",
les perspectives d'évolution professionnelle
du salarié, ou d'envisager une
formation. Cet entretien professionnel
remplacerait les différents entretiens et
bilans en entreprise existants (mis à part
l'entretien d'évaluation). Dans ce cas
également, cette disposition répond aux
demandes de plusieurs syndicats, et de la
CGPME. D'ailleurs, elle est également
présente dans le projet rédigé par FO.
Enfin, dans le nouveau projet, celles
prévoyant que “l'évolution et la
promotion professionnelles relèvent de
la responsabilité du salarié", ont été
totalement supprimées. Ce qui va dans
le sens de la demande des syndicats de
salariés.

Aurélie Gerlach

OBLIGATION DE RÉSULTAT
“Si les partenaires sociaux ne
réussissent pas, le gouvernement
prendra ses responsabilités en début
d'année, parce qu'il faut que les choses
changent !" C'est l'avertissement que
lançait le 20 novembre le Premier
ministre, sur l'antenne de France Inter.
Jean-Marc Ayrault évoquait “tous ces
milliards qui sont mal utilisés dans la
formation des chômeurs, des jeunes et
la formation continue". Les partenaires
sociaux ont jusqu'au 12 décembre,
date de la dernière séance officielle de
négociation

LA CGT APPELLE À SIGNER SANS LE MEDEF
Elle est en colère et le fait savoir. Alors que la négociation relative à la réforme de la formation professionnelle piétine, les récentes
déclarations du président de l'organisation patronale, Pierre Gattaz, et de son vice-président, Jean-François Pilliard, lors d'une rencontre
organisée par l'Ajis (Association des journalistes de l'information sociale), ont mis le feu aux poudres. Au cours de cette rencontre, ils ont
annoncé clairement préférer un accord limité en nombre de signatures à un “mauvais accord consensuel". Réponse de la CGT : “Un bon accord
n'est pas nécessairement signé à huit ? Pourquoi ne pas prendre le Medef au mot et aboutir à un accord signé à sept, sans le Medef ?"
La confédération avait dès l'origine émis des réserves sur l'ouverture d'une nouvelle réforme de la formation, et avait alerté sur la
“contradiction entre l'ambition d'une réforme prétendant changer profondément le système actuel de la formation professionnelle et les délais
excessivement courts imposés à cette négociation". À ses yeux, le Medef tente de “passer en force et remettre en cause les droits obtenus
dans les accords nationaux interprofessionnels de 2003 et 2009, que la CGT avait signés".

Le contre-projet de la CGPME...

Intitulé “Mieux organiser la formation professionnelle
des salariés dans les entreprises,
notamment celles de moins de 300 salariés, pour
en faire un vecteur authentique de développement",
le texte que la CGPME avait préparé pour
la séance de négociation annulée du 21 novembre
reprend les principes “intangibles" déjà posés
dans les déclarations liminaires de la CGPME.
Dont le plan de formation.

Pour les entreprises d'au moins dix salariés,
la contribution resterait à 1,6 % de la masse
salariale, dont 0,8 % pour le plan (et non plus
0,9 %), 0,5 % pour la professionnalisation
(inchangé), 0,15 % pour le Cif (au lieu de 0,2 %),
et 0,15 % pour le Fonds paritaire de sécurisation
des parcours professionnels (FPSPP), qui utiliserait
ces fonds pour le financement du compte personnel
de formation (CPF), notamment. En
ce qui concerne le versement au titre du plan,
la CGPME veut verrouiller la mutualisation : les
sommes pourraient toujours être dépensées directement
par les entreprises, mais un versement
minimum à un Opca serait prévu par accord de
branche. Pour les entreprises de moins de dix
salariés, la contribution passerait à 0,5 % (actuellement
0,55%) dont 0,4 % pour le plan et
0,1 % pour la professionnalisation (actuellement
0,15 %).

“Mutualisation descendante"

Le texte prévoit des dispositions spéciales pour
obliger les entreprises de plus de 300 salariés à
participer à la mutualisation. Qu'elles décident de
financer la formation directement et de ne pas
verser le 0,8 % , ou qu'elles le remplacent par une
contribution conventionnelle telle que définie par
un accord d'entreprise, elles devraient en tous les
cas abonder à hauteur de 0,3 % à la “participation
à la mutualisation TPE-PME", des sommes
qui prendraient en charge la rémunération des
salariés suivant une formation au titre du plan
dans les entreprises de moins de 300 salariés.

Les sommes non utilisées au 30 juin (une fois la
participation des Opca pour le compte des entreprises
au FPSPP déduite) pourraient contribuer à
des actions de formation définies par le Comité
paritaire national pour la formation professionnelle
(CPNFP), notamment la gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences territoriale (GPECT).

Béatrice Delamer

.... et celui de FO

Le financement du compte personnel de
formation (CPF) devait être au centre de la séance
du 21 novembre. Le contre-projet de texte de
Force ouvrière est particulièrement disert sur ce
point [ 1 ]Pour l'organisation, le CPF resterait comptabilisé en
temps : 30 heures par an, plafonnées à 180 heures
, et propose notamment une obligation de
dépense minimale pour les entreprises de plus de
10 salariés, distincte de la contribution versée à
l'Opca. Par ailleurs, une proportion de la collecte
serait dorénavant attribuée au FPSPP.

Les entreprises de moins de 10 salariés devraient
verser chaque année à leur Opca une contribution
équivalente à 0,4 % (0,15 % pour la profession
nalisation, 0,25 % pour le plan). Celles employant
entre 10 et 19 salariés y consacreraient chaque
année 1 % de leur masse salariale : 0,5 % versés
à l'Opca, et justification de l'affectation du solde.

L'Opca affectant 0,25 % à la professionnalisation,
0,2 % au CPF, et envoyant 0,05 % au FPSPP.
Pour les plus de 20 salariés, la contribution se
monterait à 1,45 % de la masse salariale, dont
0,95 % versé à l'Opca et 0,5 % qu'elles affecteraient
elles-mêmes. Le 0,95 % irait pour 0,2 %
au Cif, 0,35 % à la professionnalisation, 0,5 %
au CPF et 0,1 % au FPSPP. Cependant, pour les
entreprises de 50 à 499 salariés, la contribution
au Fonds paritaire se monterait à 0,15 % , et pour
celles de plus de 500, à 0,2 %.

Selon les projections de FO, ce système de
financement rapporterait en tout 1,6 milliard
d'euros au titre du CPF, 1,7 milliard au titre de
la professionnalisation, 796 millions aux Opacif
et 686 millions au FPSPP.

A. G.

Notes   [ + ]

1. Pour l'organisation, le CPF resterait comptabilisé en
temps : 30 heures par an, plafonnées à 180 heures