Négociation interprofessionnelle : aboutir, ou pas ? Le 5 décembre, la question était posée

Par - Le 15 décembre 2013.

Dépassé, l'enjeu initial
de l'actuelle négociation
interprofessionnelle sur la
formation − globalement,
le financement du compte
personnel de formation.
Le débat est monté à
un autre niveau, avec
la revendication du
Medef de supprimer la
contribution obligatoire
“plan de formation"
des grandes entreprises.
Ce serait l'un des plus
grands bouleversements
en quarante ans de FPC,
impactant la mutualisation
et − détail qui est loin d'en
être un − le financement
du paritarisme. Au soir du
5 décembre, la possibilité
d'un accord semblait
lointaine.

Nous ne sommes toujours pas
d'accord sur le système de
financement proposé dans le
projet d'Ani [accord national
interprofessionnel] qui nous
a été soumis, déclarait Geneviève
Roy, vice-présidente de la CGPME
chargée des affaires sociales, au
sortir de la séance de négociation
sur la formation professionnelle du
5 décembre. L'ajout d'une contribution
égale à 0,2 % de la masse salariale pour
les entreprises de 10 à 49 salariés ne nous
satisfait pas, car tant que le Medef reste
sur un modèle de financement global
égal à 0,8 %, cela ne suffit pas." Pour
la représentante patronale, “des efforts
supplémentaires sont nécessaires si l'on
veut améliorer l'accès à la formation
dans les TPE-PME. Il faut se donner
les moyens de ses ambitions".

Ne pas aboutir ?
Un mauvais signe, pour
la CGPME


Si les partenaires sociaux ne trouvent
pas un accord à la fin de la prochaine
réunion de négociation, c'est le
ministère du Travail qui prendra
la main. “Ce ne serait pas un bon
signe pour la démocratie sociale. La
formation professionnelle est un enjeu
considérable pour les entreprises comme
pour les salariés. Que la négociation
n'aboutisse pas ne serait vraiment pas
une bonne nouvelle", expliquait la
représentante de la CGPME. Quoi
qu'il en soit, les jeux devraient être
faits dans les jours prochains de ce
mois de décembre.

Côté Medef, on se félicitait plutôt, le
5 décembre, d'une “séance constructive",
selon les mots de la présidente
de la commission éducation, formation
et insertion, Florence Poivey. “Nous
avons pu approfondir les sujets moins
problématiques que celui du financement.
Les échanges ont été ouverts,
positifs", a-t-elle ajouté, soulignant
que “retrouver le chemin de la négociation
sur un seul texte est de bon augure".
Néanmoins, la négociatrice, qui s'est
elle-même dite “têtue", ne semblait
pas vouloir bouger les lignes du projet
sur le plan du financement, tout en
affirmant qu'il “ne faut pas se focaliser
uniquement là-dessus. C'est réducteur
par rapport à l'ambition globale de notre
réforme."

Un niveau de
mutualisation renforcé,
selon le Medef


Florence Poivey était résolue à défendre
ses positions. Le niveau de mutualisation
pour les entreprises de moins de
50 salariés a été sauvegardé, a-t-elle
assuré, et cela à la fois grâce à la nouvelle
contribution “plan de formation" pour
les entreprises de 10 à 49 salariés,
mais également à la “mutualisation
de solidarité" au profit de TPE. Par
le biais de la “fongibilité asymétrique
descendante", “les entreprises de moins
de 50 salariés reçoivent aujourd'hui
26 millions d'euros des grandes entreprises.
Avec notre système, nous faisons
passer la solidarité à 200 millions
d'euros", a-t-elle plaidé.

“Développer un investissement
accompagné"


Pour la représentante du Medef,
la formation doit aujourd'hui être
conçue comme un investissement
pour les PME. “Aujourd'hui, les
dirigeants n'ont pas la disponibilité ni
les moyens pour se projeter dans cette
démarche, car le système de formation
professionnelle est un champ de
contraintes. Il faut développer un investissement
accompagné. Et cela avec des
salariés qui vont être co-acteurs et coconstructeurs
de la démarche", a-t-elle
dit. Malgré son refus de faire bouger
les lignes, Florence Poivey espérait
encore trouver un accord avec la
CGPME.

Aurélie Gerlach

LES SYNDICATS N'ENVISAGENT PAS DE SE RANGER DERRIÈRE
L'UN OU L'AUTRE DES TEXTES PATRONAUX


Pas de prolongations. En dépit d'une négociation
qui persistait, au sortir de la séance
du 5 décembre, à faire du sur-place, l'idée
d'hypothétiques séances supplémentaires
semblait avoir fait long feu, au risque de ne
pas aboutir du tout. “La certitude d'achever
une négociation sur un accord n'est jamais
acquise", observait Marcel Grignard, négociateur
CFDT. “Accord in extremis ou échec
final… tout est toujours possible."

Afin d'éviter de fortes oppositions, la question
controversée de la part de la cotisation obligatoire
des entreprises affectée au financement
du CPF (compte personnel de formation)
n'avait pas été inscrite à l'ordre du jour. Du
reste, face aux désaccords entre la CGPME et
le Medef, les syndicats de salariés n'étaient
pas, pour leur part, prêts à se ranger derrière
l'un ou l'autre des textes patronaux. “Entre
le modèle libéral-autoritaire du Medef et la
version conservatrice de la CGPME, il reste
de la marge !", ironisait Stéphane Lardy, chef
de file pour Force ouvrière. “Nous avons donné
trois jours aux employeurs pour s'entendre sur
les problématiques de financement, mais en
attendant, il existe d'autres sujets centraux,
sur lesquels les syndicats ne peuvent s'aligner
sur les positions patronales."

Des sujets parmi lesquels l'introduction dans
le texte présenté par le Medef d'un entretien
professionnel dans chaque entreprise destiné
à permettre aux salariés d'évoquer leurs
perspectives d'évolution professionnelles.
Dispositif qui, selon FO, risquerait – bien que
Florence Poivey, la négociatrice du Medef,
s'en soit défendue dans son propos liminaire –
de faire porter sur le salarié seul la responsabilité
de son évolution et, à terme, de son
employabilité… “Ces entretiens ont vocation
à constituer des moments de co-construction
utiles pour mobiliser les dispositifs de
formation au service de la qualification du
salarié et certainement pas un outil que l'employeur
utiliserait pour se décharger de son
obligation légale de formation sur le salarié",
a averti le négociateur Force ouvrière.
La qualification des salariés : une priorité sur
laquelle a insisté l'ensemble des syndicats,
afin que le compte ne se transforme pas en
simple outil d'adaptation des compétences
au bénéfice exclusif des entreprises.

La future gouvernance du CPF
fait encore débat


Le mise (provisoire) de côté de la question du
financement a également permis aux négociateurs
syndicaux d'évoquer la future gouvernance
nationale du CPF. L'intersyndicale
tenue le 2 décembre a permis à la CFE-CGC de
suggérer la création d'une instance nouvelle,
le “Comité paritaire national pour la formation
professionnelle et l'emploi" (CPNFPE), fusion
du Comité paritaire national de la formation
professionnelle (CPNFP) et des Commissions
paritaires interprofessionnelles régionales
de l'emploi (Copire), chargé de définir les
politiques paritaires en matière de formation
professionnelle répondant aux évolutions de
l'emploi, missions dans lesquelles s'inscrirait
l'élaboration des listes de formations
éligibles au CPF.

Si l'idée a séduit tant FO que la CGT ou la
CFDT, la CFTC, pour sa part, en a imaginé
une version alternative, qui pourrait naître
du regroupement sous une bannière unique
du CPNFP et du Fonds paritaire de sécurisation
des parcours professionnels (FPSPP),
dont l'exécutif serait confié à un comité
exécutif qui intégrerait un représentant du
“hors-champ" et dont l'action auprès des
Conseils régionaux se verrait renforcée,
particulièrement en matière de GPEC territoriale.
“Quelle que soit la forme qu'elle
prendra, cette gouvernance devra reposer sur
une gestion paritaire efficace basée sur une
mécanique d'évaluation forte et d'indicateurs
solides, estimait Marcel Grignard, surtout si,
à l'usage, la réforme ne produit pas les effets
escomptés…"

Compromis de la dernière
chance ?


“Le problème de tous ces sujets hors financement,
que nous aurions dû creuser lors de
cette séance, c'est que nous n'avons fait
que les balayer, et de nombreux désaccords
subsistent", a regretté pour sa part Catherine
Perret, la négociatrice CGT. Des désaccords
sur la gouvernance, certes, mais aussi le
Cif, que le texte patronal prévoit encore de
mobiliser sur les crédits du CPF dès lors qu'il
vise la formation sur le temps de travail.
Mais déjà, certaines organisations syndicales
évoquaient la possibilité de voir la négociation
échouer, et le législateur reprendre en
main la réforme pour la mener à terme. Une
situation qui, aux yeux de Marcel Grignard,
“constituerait tout de même un coup de canif
dans le dialogue social…"

Benjamin d'Alguerre

UN VOLET HANDICAP
DANS LA NÉGOCIATION


Le lancement de la Semaine du
handicap, fin novembre, avait été
l'occasion pour la ministre Marie-
Arlette Carlotti de rappeler la nécessité
– comme l'exigeait la feuille de route
gouvernementale – d'incorporer un
volet handicap à la négociation sur la
formation. C'était chose faite dans la
version du texte proposé par le Medef
le 5 décembre. La CFE-CGC était
porteuse de cette revendication, en
proposant divers dispositifs spécifiques,
comme la possibilité d'accès à des
formations pré-qualifiantes au titre du
CPF, ou la création d'un abondement
de l'employeur au compte au titre de la
compensation du handicap. Le Medef,
de son côté, a suggéré la possibilité d'un
abondement du compte par l'Agefiph,
complété par un autre abondement – de
l'employeur, cette fois – offrant une
possibilité pour ce dernier de déduire
à hauteur de 20 % son éventuelle
contribution à l'Agefiph.