Premier volet de la nouvelle réforme : la transcription de l'Ani “sécurisation"
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 mars 2013.
Le projet de loi visant à transposer l'accord national interprofessionnel (Ani) du 11 janvier dans le droit du travail a été présenté le 6 mars par Michel Sapin au conseil des ministres. Le débat parlementaire qui doit
s'ouvrir tiendra compte des derniers changements éventuellement introduits dans le texte par le Conseil d'État
Sur la formation, l'article 2 de l'avant-projet de loi prévoit la création d'un compte personnel de formation et d'un conseil en évaluation professionnelle – conformément aux articles 5 et 16 de l'Ani. Il devrait être alimenté à raison de 20 heures par an dans la limite de 120 heures utilisables par le chômeur.
Selon les préconisations du gouvernement, le futur “conseil en évolution professionnelle" aurait vocation à se mettre en œuvre localement dans le cadre du service public de l 'orientat ion.
L'Ani quant à lui prévoyait “une articulation avec les pouvoirs publics
et les dispositifs tels que le service public de l'orientation".
En matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), le projet de loi pose les bases d'une négociation triennale. L'article 9 (article 14 de l'Ani) concerne la consultation du comité d'entreprise sur les orientations stratégiques de l'entreprise et sur leurs conséquences sur l'évolution des
métiers et des compétences. Est prévue une négociation sur la mobilité interne (article 10 du projet de loi), et sur la politique de formation professionnelle de l'entreprise, en particulier sur le plan de formation, qui s'inscrira dans le cadre des orientations qui
devront être menées tous les trois ans dans l'entreprise. Quant à la
politique de lutte contre la précarité, les perspectives de recours aux différentes formes de contrat de travail seront intégrées à la GPEC.
L'article 18 du texte (article 22 de l'Ani) prévoit que les entreprises de moins de 50 salariés appartenant à trois secteurs (et notamment à celui de la formation professionnelle) pourront expérimenter le recours direct au contrat de travail intermittent.
Une opposition syndicale et politique réelle
Ce texte ne rencontrera pas d'unanimité. Le 5 mars, veille de la présentation du texte au conseil des ministres, les syndicats non signataires de l'Ani (CGT et FO), avec la FSU et Solidaires, ont manifesté pour protester contre “l'accord de la honte". Certains députés socialistes (Marie-Noëlle Lienemann, Emmanuel Maurel, Jérôme Guedj ) s'y sont également déclarés opposés. Avec d'autres
personnalités comme Jean-Luc Mélenchon (coprésident du Parti de gauche) et Pierre Laurent (secrétaire national du PCF).
Leur opposition se focalise sur les mesures concernant l'emploi. La volonté du gouvernement d'aller très vite se retrouve dans le calendrier. À l'Assemblée nationale, la commission des affaires sociales a commencé ses auditions des organisations syndicales et patronales : CGT et CFDT le 13, organisations patronales le 19 et FO le 20. Le texte sera débattu par les députés dès le 2 avril, puis au Sénat deux semaines plus tard.
Claire Padych
ENTRER “DANS L'HISTOIRE DU DROIT SOCIAL FRANÇAIS"
Le 12 mars, c'est pour la cinquième fois que Michel Sapin et Thierry Repentin se présentaient devant les députés dans le cadre des auditions relatives au projet de loi sur la sécurisation de l'emploi. À en croire le ministre du Travail et de l'Emploi, cette loi “ne sera pas un simple recopiage de l'accord", mais le texte final “restera dans l'histoire du droit social français". Notamment car il induira pour la première fois la notion de compte personnel de formation, individuel, universel et transférable, que le ministre a qualifié de “réponse par le haut à la nécessaire évolution des salariés" dans une démarche “gagnant gagnant" avec leur entreprise.
La “concertation tripartite"
Une fois cette loi “sécurisation" votée, donc au printemps, l'État, les
Régions et les partenaires sociaux vont s'asseoir autour d'une table de discussions pour “assembler les briques opérationnelles" du compte personnel de formation. Un outil qui ne se substituera ni au Dif ni au Cif, charge à ces interlocuteurs de déterminer les articulations à ces trois dispositifs. Avec une attention particulière portée aux plus fragiles, puisqu'il est déjà prévu que le premier tour de concertation soit l'occasion de déterminer les dotations spécifiques destinées aux
publics sortis du système scolaire sans qualification. L'achèvement de
cette concertation tripartite devrait coïncider avec la prochaine conférence sociale, en juillet.
Benjamin d'Alguerre
UNE AUTRE NÉGOCIATION INTERPROFESSIONNELLE ?
Le 5 mars, en visite au siège de la FNTP (Fédération nationale des
travaux publics), le ministre délégué à la Formation professionnelle et à l'Apprentissage a annoncé la possible ouverture d'une nouvelle négociation interprofessionnelle sur la formation professionnelle (qui donnerait lieu à un nouvel Ani). Même si, le 12 mars devant les députés, il a précisé qu'il ne souhaitait pas qu'elle débute “avant que le compte personnel de formation n'ait été inscrit dans nos textes législatifs".