Quelle GPEC pour les besoins futurs de l'industrie rhodanienne ?

Par - Le 16 juillet 2013.

C'était deux jours avant l'ouverture de
la conférence sociale [ 1 ]L'Inffo n° 837,
pp. 2 à 9
et notamment sa table ronde
consacrée aux “filières d'avenir". Le
18 juin dernier, les étudiants du master 2
RHO (“Management des ressources humaines
et organisations") de l'Institut de
management des entreprises de Lyon-III
organisaient leur propre colloque consacré
au développement des “métiers de demain"
en Rhône-Alpes. Une rencontre à laquelle
étaient conviés quelques DRH d'industries
régionales de tailles et d'activités diverses
− mais toujours emblématiques des enjeux
locaux liés à la gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences (GPEC) − ainsi
que des référents venus de la Métallurgie
rhodanienne, la branche locale de l'IUMM.
“Le but de cette rencontre est de souligner
le rôle essentiel de la formation comme
outil d'accompagnement des parcours professionnels
dans la montée en gamme de
la compétitivité des entreprises", expliquait
Michel Pignol, étudiant du master 2, mais
aussi consultant − depuis douze ans − au
sein d'un cabinet de recrutement spécialisé
dans la logistique et le transport.
Un profil pas si atypique dans cette promotion
2013, puisque la trentaine d'étudiants
inscrits dans ce cursus le sont au titre de
la formation professionnelle continue et
exercent déjà, pour la grande majorité
d'entre eux, dans le domaine des ressources
humaines.

Philips recherche des “mécatroniciens"

Autant de professionnels des RH qui sont
− et seront une fois leur diplôme en poche
− confrontés aux réalités d'une industrie
rhodanienne en restructuration. Et parmi
ces entreprises, Rhône-Alpes compte Philips
qui, voici une quinzaine d'années, a installé
à Miribel sa “Cité de la lumière". à la fois
centre de production employant près de 300
collaborateurs et décor urbain de mini-ville,
destiné à présenter “grandeur nature" le
savoir-faire du groupe en matière de luminaires.
Dont l'éclairage de la “Tour Crayon"
de la Part-Dieu constitue l'une des réalisations
notables.

Ce groupe, cependant, doit faire face non
seulement à une évolution imposée par
la globalisation (la production d'appareils
électroménagers jusqu'alors réalisée sur
place se verra prochainement délocalisée
hors d'Europe), mais aussi aux nouvelles
contraintes technologiques et écologiques,
avec l'arrivée des luminaires Del (“diodes
électroluminescentes") de nouvelle génération.
Et demain, sûrement, à d'autres innovations
comme l'intégration de bornes wifi dans les
appareils d'éclairage. “Mais ces évolutions
techniques exigent des ingénieurs formés
à la mécatronique − à la fois compétents en
mécanique et en électronique. Or, de telles
formations n'existent actuellement pas",
regrettait Didier Demuyter, DRH du site de
Miribel et blogueur spécialisé dans les questions
de formation [ 2 ]http://amaformation.com.

Bobst a formé des “dépanneurs itinérants"

Évolution démographique, nouvelles technologies,
globalisation de l'économie et soucis
de développement durable constituent les
quatre principaux défis auxquels sont confrontées
les entreprises dès lors qu'elles se
confrontent à l'avenir. Bobst − spécialiste
de la conception de machines destinées à la
papeterie, qui emploie 133 personnes sur son
site de Villeurbanne, en banlieue lyonnaise
− s'est vu contrainte, non par la crise, mais
par la demande de ses clients, de modifier
radicalement la nature des compétences
de ses collaborateurs. “Nous concevons
une soixantaine de machines par an et 98 %
de notre activité se fait à l'export. Dans ces
conditions, la crise ne nous a quasiment pas
impactés", décrivait Stéphanie Carpentier, la
DRH de l'entreprise. Mais c'est le besoin de
la clientèle de disposer d'une maintenance
mobile, capable d'assurer l'entretien et la
réparation des machines sur place qui a
amené cette PME à transformer ses techniciens
de site en autant de dépanneurs itinérants
pour répondre aux attentes du marché. Une
perspective qui a nécessité le déploiement
d'une politique formation au sein de l'entreprise
tant sur les plans techniques que linguistiques
puisque la clientèle est internationale.

Le programme “Idée"

De telles conduites du changement sur
des dossiers aussi techniques découle la
constitution de “clusters" mêlant branches
industrielles, Universités, écoles d'ingénieurs
(Centrale Lyon) et entreprises dans le cadre
d'une politique de GPEC cohérente susceptibles
de donner naissance aux compétences
de demain. C'est dans cette perspective que
la Métallurgie rhodanienne a lancé, en collaboration
avec le fonds F2i (Fonds pour l'innovation
dans l'industrie) un programme à l'acronyme
ambitieux : “Idée", pour “Innovation et développement
endogène des entreprises", un
programme de soutien aux PME innovantes.
“Un outil destiné à la recherche et au
développement de nouveaux profils adaptés
aux besoins d'avenir de l'industrie de
Rhône-Alpes", résumait Thierry Barrandon,
directeur du Pôle “développement et environnements
industriels" de la Métallurgie
rhodanienne.

La Raffinerie des Flandres et l'enjeu de la mobilité

Et la dimension régionale compte énormément.
Didier Demuyter, ancien DRH de la
Raffinerie des Flandres, à Dunkerque, se
souvient de la difficile reconversion du site
industriel nordiste en école de formation
et en centre d'assistance technique pour le
groupe Total, en 2010. L'idée, à l'époque,
était de faire évoluer les salariés vers des
métiers de formateurs et de techniciens
mobiles, destinés à instruire à leur tour les
autres collaborateurs du groupe en matière
d'énergies renouvelables. “L'échec rencontré
s'explique en partie par les réticences de
ces salariés à occuper des postes exigeant
d'eux une importance mobilité." De fait, les
salariés les moins formés (du CAP au bac + 2)
sont également les plus hostiles à quitter
leur département, voire leur commune pour
exercer un emploi ailleurs. Sans compter
que l'information concernant les possibilités
de formation, de reconversion ou de filières
d'avenir circule mal, particulièrement auprès
des PME. “La Métallurgie rhodanienne est à
l'origine de la création d'un certain nombre
de parcours professionnels et même de
CQP, mais malheureusement, ces dispositifs
restent méconnus", déplorait pour sa part
Thierry Barrandon. Une méconnaissance
que la fédération rhône-alpine de l'UIMM a
tenté de contourner par la création d'un site
internet, “[Les industries technologiques.
fr->www.les-industries-technologiques.fr], recensant les qualifications et emplois
existant dans le domaine industriel.
“Aujourd'hui, malheureusement, seules les
grandes entreprises disposent des moyens
et de la visibilité à long terme pour entamer
de vraies politiques de GPEC", concédait
Christine Ranc, experte RH. “Certains
groupes ouvrent leurs politiques prévisionnelles
à leurs PME et TPE sous-traitantes,
mais cette situation demeure encore trop
rare. Les branches professionnelles restent
encore les mieux placées pour identifier les
besoins sur les territoires et élaborer des
plans de formation adaptés aux compétences
futures."

Le passeport-compétences, outil pertinent

À ce titre, le Dif − dont la disparition semble
programmée − apparaissait comme un dispositif
trop limité pour permettre la montée
en gamme des compétences des salariés et
donc la garantie de leur employabilité de
long terme. Quant au compte personnel de
formation qui devrait naître de la future réforme,
il est attendu, mais avec une certaine
circonspection.

“Le meilleur outil adapté à cette ambition
demeure le passeport-compétences, qui
permet de suivre un salarié et son évolution
tout au long de sa vie professionnelle",
estimait Didier Demuyter. Un outil qui existe
déjà, notamment dans la branche de la
métallurgie, mais que le DRH de Philips souhaiterait
voir étendu. C'était également le
souhait de Pierre Gattaz lorsqu'il n'était que
candidat à la présidence du Medef. Reste
à savoir si, à présent installé dans l'ancien
fauteuil de Laurence Parisot, il contribuera à
en réclamer la démocratisation.

Notes   [ + ]

1. L'Inffo n° 837,
pp. 2 à 9
2. http://amaformation.com.