Un projet de loi sur la formation professionnelle est en préparation
Un projet de loi sur le développement de l'apprentissage et la formation professionnelle devrait être présenté en conseil des ministres en juin, a annoncé Thierry Repentin le 21 janvier. Perspectives.
Par Béatrice Delamer - Le 01 février 2013.
Le ministre délégué chargé de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage avait expliqué le 7 décembre dernier que les dispositions financières de la décentralisation, y compris celles relatives à la taxe d'apprentissage, ne seraient pas dans le projet de loi sur la décentralisation attendu pour le mois de mars.
Ce texte sera le fruit des concertations avec les partenaires sociaux et différents acteurs actuellement en cours et devant encore se poursuivre environ un mois, et non faire l'objet de la conclusion d'un accord national interprofessionnel, comme ce fut le cas de la précédente réforme. Le projet de loi sera essentiellement consacré au développement de l'alternance et de l'apprentissage, et portera notamment sur une amélioration de la gestion et de la répartition de la taxe d'apprentissage, avec comme objectif de préserver des financements pour les niveaux IV et V.
“Rationalisation des financements" et “réduction du nombre d'organismes collecteurs"...
Le président de la République, à l'occasion de ses vœux aux entreprises et aux syndicats, le 17 janvier, a confirmé que deux sujets préoccupaient le gouvernement : la formation des demandeurs d'emploi et celle des jeunes sans qualification. S'il s'est félicité de “l'accord trouvé entre le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) et l'État", il souhaite “aller au-delà, en faisant en sorte que le système de formation professionnelle soit plus efficace en termes d'orientation, de qualité des formations et de développement de l'apprentissage, avec une rationalisation des financements et une réduction du nombre d'organismes collecteurs".
Et de poursuivre : “Les fonds de l'apprentissage doivent aller dans des lieux où ce sont les apprentis qui sont formés. Et notamment ceux qui ont les plus basses qualifications." Ces évolutions, a-t-il déclaré, s'appuieront sur une concertation qui associera les collectivités locales, “et notamment les Régions, d'autant qu'elles se verront confier de nouvelles compétences dans les lois de décentralisation sur ces sujets".
Il a annoncé que se tiendrait en juillet un nouveau rendez-vous de la conférence sociale, à laquelle seront conviés, notamment, les partenaires sociaux. Celle-ci portera en particulier sur les thèmes de “la qualité de vie au travail, l'égalité professionnelle hommes-femmes, l'amélioration [du] système de formation professionnelle", a déclaré François Hollande. Elle aura, selon le chef de l'État, le même objectif que la conférence d'Iéna, tenue en juillet 2012, à savoir préciser l'agenda gouvernemental, “ouvrir les discussions, les négociations nécessaires entre partenaires sociaux et indiquer le programme législatif du gouvernement".
Aurélie Gerlach et Béatrice Delamer
Commentaire
“Je ne comprends pas cette précipitation." C'est la réaction de Paul Desaigues, conseiller confédéral à la CGT, au lendemain de l'annonce de la présentation d'un projet de loi sur l'apprentissage et la formation en juin, avant même la tenue d'une nouvelle conférence sociale, en juillet. “Une réforme de l'apprentissage ne peut pas se faire à la va-vite. Il y a un énorme travail de fond à faire au préalable, un état des lieux de la situation", dit-il. “Or, même le CNFPTLV n'arrive pas, à ce jour, à disposer de chiffres exacts et précis sur le sujet." Pour le représentant CGT, “le sujet de l'apprentissage est, et sera, le terrain de rapports de force. Les chambres consulaires, les grandes écoles, notamment, vont tout faire pour continuer à bénéficier de la taxe. Ce rapport de force risque de polluer la réflexion fondamentale que nous devrons avoir sur l'usage et le financement de l'apprentissage". Or, selon Paul Desaigues, de nombreuses questions se posent, telles que “le rétablissement d'une certaine égalité entre CFA riches et CFA pauvres, ou le problème de l'apprentissage dans le supérieur et de son financement par la taxe". Interaction avec la formation professionnelle, notamment via les fonds de la professionnalisation (qui peuvent parfois bénéficier à l'apprentissage), avec l'acte III de la décentralisation, conséquences sur les lycées professionnels… L'abondance des problématiques fait que Paul Desaigues, s'il est heureux que s'amorce un débat, s'inquiète du peu de temps laissé à celui-ci. Quant au sujet de la formation professionnelle stricto sensu, il considère que le système est encore en période de “stabilisation" depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 novembre 2009. “L'Ani du 5 octobre 2009 n'est toujours pas étendu et l'on vient nous demander de réformer encore le système ! C'est incroyable !", s'exclame-t-il.
A. G.
Mieux mettre “la formation professionnelle au service de l'emploi", “donner toute sa place à la jeunesse" et “ouvrir plus largement le droit à la formation et veiller à une plus grande égalité d'accès". Lors de ses vœux à la presse, en compagnie du ministre du Travail, le 21 janvier, le ministre délégué en charge de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage, Thierry Repentin, a tracé les objectifs de son ministère pour l'année qui vient de s'ouvrir.
L'action qu'il entend conduire avec Michel Sapin “s'inscrit pleinement dans le cadre de la feuille de route tracée par le président de la République : mener la bataille de l'emploi, donner la priorité à la jeunesse et préparer l'avenir".
À ses yeux, “la formation est un élément de compétitivité hors-coût pour la maison France et c'est pour cela qu'elle est stratégique". Thierry Repentin s'est notamment réjouit de ce qu'un “dialogue renoué" avec les partenaires sociaux ait permis d'aboutir à un accord entre le FPSPP et l'État.
Métiers d'avenir
Le ministre s'est félicité de la “contribution historique" du FPSPP à la lutte contre l'illettrisme. Il a d'ailleurs rappelé que l'ANLCI (Agence nationale de lutte contre l'illettrisme) avait engagé avec un collectif d'une soixantaine d'associations une démarche auprès du Premier ministre afin de qualifier la lutte contre l'illettrisme de “grande cause nationale" en 2013 et a dit souhaiter que celle-ci trouve un “écho favorable".
Par ailleurs, Thierry Repentin a appelé de ses vœux un développement de la formation aux métiers identifiés par le “pacte de compétitivité" comme cibles du programme d'“investissements d'avenir" : à savoir “les éco-industries, les métiers verts, les métiers de l'énergie renouvelable, les métiers du traitement et de la valorisation des déchets, du traitement de l'eau, de l'agroalimentaire, des services à la personne, du secteur médico-social et dans le tourisme". C'est pour travailler sur ce chantier qu'il a programmé un déplacement en Isère et en Savoie à la fin du mois de janvier, avec Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur, et Delphine Batho, ministre de l'Écologie, “afin de montrer que le gouvernement est pleinement mobilisé, dans toutes ses composantes, pour soutenir les filières émergentes".
Par ailleurs, il a considéré que c'était par le dialogue social que passerait l'amélioration de l'accès à la formation dans les entreprises : “Je souhaite, par exemple, une lecture partagée des orientations du plan de formation, de sorte que les représentants des salariés soient associés à l'évolution des besoins de compétences", a indiqué Thierry Repentin.
Service public de l'orientation
“Tout doit être fait pour qu'aucun jeune ne sorte du système scolaire sans aucun diplôme ni aucune qualification", a martelé le ministre. C'est la raison pour laquelle le gouvernement veut créer un “service public de l'orientation", intégré dans le texte de décentralisation actuellement en préparation. “S'orienter, nous le faisons tout au long de notre vie professionnelle et cela passe autant par l'emploi que par la formation ou la création d'activité. Et c'est bien ainsi que sera positionné ce service public de l'orientation dont nous entendons confier l'animation aux Régions", a-t-il indiqué, ajoutant que les jeunes seront une cible prioritaire de ce nouveau service.
“Faire évoluer le cadre légal de l'apprentissage"
L'intégration de la jeunesse passe aussi, pour Thierry Repentin, par le développement de l'alternance. Il a ainsi confirmé la présentation d'un projet de loi au Parlement à la fin du mois de juin. “L'outil législatif sera nécessaire pour faire évoluer le cadre légal de l'apprentissage et de la taxe. L'objectif est d'aboutir à la mise en œuvre d'un grand plan de développement de l'apprentissage qui doit nous amener à l'objectif de 500 000 apprentis en 2017."
Le ministre souhaite ainsi se concentrer sur “les freins qui nuisent à l'apprentissage". Son ministère travaillera avec les acteurs de l'apprentissage aux contours de ce projet de loi, la première étape consistant à augmenter l'offre de contrats d'apprentissage. Prendre des mesures pour mobiliser des secteurs et des entreprises qui ont encore trop peu recours aux apprentis, lever les freins au développement de l'apprentissage dans le secteur public, mieux mettre en relation l'entreprise et le candidat apprenti… Tels sont notamment les objectifs du gouvernement.
“Ouvrir le droit à la formation"
Le ministre a appelé de ses vœux une formation “bien utilisée, à un coût abordable pour la nation et assurée par des organismes de qualité". Son action se dirigera dans deux directions : “Ouvrir plus largement le droit à la formation et veiller à une plus grande égalité d'accès." Il a salué la création, souhaitée par les partenaires sociaux dans l'Ani du 11 janvier, d'un compte personnel de formation. “Nous y reviendrons, pour donner de la chair à cette avancée et en préciser les modalités ainsi que le financement. Nous le ferons en lien étroit avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires", a-t-il souligné.
A. G.