Pacte de responsabilité : les branches encore peu engagées sur les contreparties

Inffo formation n° 864 - 15-31 octobre 2014 - Benjamin d'Alguerre

Par - Le 15 octobre 2014.

Officiellement, 33 branches
professionnelles
ont entamé les
négociations
visant à fixer les
contreparties au pacte
de responsabilité.
Officiellement, car
pour l'heure, ces
négociations se limitent
à l'établissement d'un
agenda de travail…
quand elles ne sont
tout simplement pas
reportées sine die.
Tour d'horizon.

Comment négocier des engagements
sur trois ans, quand l'état des carnets
de commande des entreprises ne
leur donne pas de visibilité à trois
mois ?" Dans la branche du transport,
ce patron de PME est loin d'être le
seul à contester l'idée de contreparties
aux abaissements de charges sur les entreprises,
promises dans le cadre du pacte
de responsabilité.

Difficile d'imposer un calendrier de
négociations à une branche qui peine à
retrouver ses marges financières, après
avoir subi la crise de plein fouet, et où les
modalités d'application du futur compte
de pénibilité constituent une autre cause
d'inquiétude. D'ores et déjà, à l'occasion
des Assises du transport, qui se
tenaient à Paris le 16 septembre dernier,
la Fédération nationale des transporteurs
routiers (FNTR) faisait savoir qu'elle ne
s'engagerait sur aucune embauche en
contrepartie de la baisse des charges sur
les entreprises. Et pour la formation ?

Des contreparties contestées,
puis renvoyées aux branches


Si l'idée du pacte de responsabilité – assortie
de 41 milliards d'euros d'allégements
d'impôts sur les entreprises – avait
plutôt recueilli un écho favorable dans
le patronat, lorsque François Hollande
l'avait évoquée en janvier dernier, ce
sont plutôt des grincements de dents qui
avaient accueilli l'idée de “contreparties
chiffrées" en termes d'emploi, de formation,
d'apprentissage, d'investissement
ou de dialogue social.

Pierre Gattaz, le président du Medef,
était d'ailleurs monté au créneau pour
écarter d'emblée l'idée d'un “observatoire
des contreparties" – il devrait finalement
voir le jour en ce mois d'octobre.
Son organisation, ainsi que la CGPME
et l'UPA, ont finalement signé, en mars
2014, le “relevé des conclusions" au pacte,
renvoyant aux branches le soin de négocier
les contreparties aux baisses de charges.

Un “relevé des conclusions" fragile,
puisque signé, côté syndical, par les seules
CFDT et CFTC, et rejeté d'emblée par
FO et la CGT, rapidement rejoints dans
leur refus par la CFE-CGC qui en retira
son paraphe.

La branche chimie s'engage

Seules les branches de la chimie et de
la métallurgie se sont engagées dans un
cycle de discussions, qui devait aboutir à
une conclusion écrite durant l'été.
La chimie a finalisé son “accord relatif
à l'emploi et au contrat de génération",
en lui fixant des objectifs précis sur
trois ans : embauche de 47 000 salariés,
développement de l'alternance via le
recrutement de 5 000 jeunes par an d'ici
2017 et développement des contrats de
génération pour aider au maintien dans
l'emploi des seniors, tout en facilitant
l'embauche de jeunes.

Un accord toutefois fragile, en dépit des
ambitions affichées, car approuvé seulement
par la CFDT et la CFTC : “En
dépit de l'absence de garanties fortes, nous
voulions tout de même impulser le pacte au
sein de la branche et voir si les entreprises
jouent le jeu. Si nous constatons que non,
je ne m'interdis pas, à titre personnel, de
revenir sur la signature de ma fédération",
prévient Francis Orosco, président de la
CMTE-CFTC.

“Sur l'emploi, l'engagement du patronat
correspond ni plus ni moins qu'au renouvellement
des départs en retraite. Sur l'alternance,
il ne s'agit que de la transcription
des volumes déjà déterminés dans le cadre
du comité stratégique de filière de la chimie
et des matériaux", note Philippe Jaeger,
le président de la Fédération CFE-CGC
chimie.

La métallurgie propose
un accord alternance


Dans la métallurgie, seule la CGT s'est
abstenue de parapher le “complément à
l'agenda social 2014 en vue d'un pacte
pour les industries de la métallurgie"
proposé par l'UIMM (fédération patronale),
qui reprenait les objectifs fixés par
l'accord de branche sur le contrat de
génération, en date de 2013.

Sachant que les entreprises du secteur accueillent
déjà près de 39 000 alternants
en leur sein, l'objectif
d'atteindre le seuil des
40 000 à l'horizon 2016 apparaît peu
ambitieux. “En présentant une déclaration
d'intention vague, mais finalisée, le patronat
veut donner des gages au gouvernement
et montrer que la branche s'implique dans
le pacte", décryptait début septembre
Frédéric Sanchez, secrétaire général adjoint
de la fédération CGT de la métallurgie.

Presque un mois plus tard, l'UIMM a
renforcé ses propositions, en mettant sur
la table un nouvel accord alternance proposant
de porter leur nombre à 46 000
dans la branche d'ici 2020. Un objectif
sur lequel les partenaires sociaux se prononceront
le 21 octobre prochain, mais
qui reste réalisable au vu de la structuration
de la métallurgie.

Le bâtiment réorganise
ses outils de calcul


Ailleurs, on cherche d'abord à se reconstruire
après la crise. Dans le bâtiment,
secteur majoritairement composé de
PME, où le nombre d'apprentis frôlait
les 100 000 aux alentours de 2010,
avant de chuter de 20 % du fait de l'état
morose des carnets de commande, la négociation
qui s'ouvrait le 25 septembre
visait en premier lieu à déterminer la
nouvelle part des contributions formation
à consacrer à l'apprentissage.

“La loi du 5 mars a profondément modifié
le mode de calcul des cotisations sur
l'apprentissage dans nos entreprises. Et
avant de fixer des objectifs chiffrés, il faut
d'abord travailler avec les syndicats sur une
réorganisation de nos outils de calcul", explique
Jacques Chanut, le président de la
Fédération française du bâtiment.

Des fédérations quasiment
à l'arrêt


Le Medef l'assurait le 10 septembre, à
l'occasion de la journée de mobilisation
initiée par le ministère du Travail [ 1 ]L'Inffo n° 863, p. 6. : rassérénées
par le discours de Manuel Valls
à l'Université d'été de l'organisation
patronale [ 2 ]L'Inffo n° 862, p. 11. et par l'octroi des 8 premiers
milliards au titre du pacte, les branches
allaient désormais entamer les négociations
en vue de conclusions rapides.

Alors que trente-trois sur les cinquante
qui représentent près de 12 millions de
salariés en France avaient initié leurs
discussions, on tablait, dans les couloirs
du Medef, sur des signatures effectives
fin octobre pour une vingtaine d'entre
elles, à commencer par les “locomotives"
que sont, outre l'UIMM, les fédérations
des banques et des assurances (récipiendaires,
à elles deux, de 2 milliards au titre
du pacte). Excès d'optimisme ? Les syndicats,
eux, se montraient dubitatifs.

Finance et banque :
une négociation formation


“Si le Medef considère que fixer l'agenda,
c'est s'engager dans les discussions, alors, oui,
nous sommes engagés...", résume Régis
dos Santos, président de la fédération des
métiers de la finance et de la banque CFECGC,
alors que les négociations n'ont
réellement débuté que le 26 septembre,
se télescopant avec le renouvellement de
l'accord formation de la branche.

Cette branche perd 2 % de ses effectifs
par an au rythme des départs en retraite
et de l'informatisation croissante des
prestations bancaires, ses budgets formation
tendent à diminuer (0,1 % par
an) et se sont recentrés sur les problématiques
d'adaptation au poste de travail.
Aujourd'hui, la banque rencontre un
problème de surqualification de ses
personnels, avec des recrutés à bac + 5
qui occupent des postes ouverts à des
niveaux BTS. Autant de sujets à poser
sur la table et qui ne se résoudront certainement
pas dans les délais avancés par
le Medef. “Au mieux, nous parviendrons à
un texte ouvert à signature en décembre",
prédit Régis dos Santos.

Assurances : objectifs
“améliorables"


Et côté assurances, où les débats (qui
mêlent là encore deux négociations
distinctes, fondues en une seule) n'ont
débuté que le 22 septembre, ce n'est
guère mieux. “Les employeurs s'engagent
sur 10 % d'alternants supplémentaires,
indique Luc Mathieu, secrétaire général
de la fédération CFDT des banques
et assurances. Pour nous, c'est un objectif
timide, largement améliorable." Et ce ne
sont ni les 400 contrats de génération
supplémentaires ni les 20 % d'effectifs
handicapés en plus promis par la partie
employeurs qui seront de nature à
convaincre les organisations syndicales
de terminer les discussions rapidement,
dans un secteur où l'emploi est lui aussi
grandement impacté par les transformations
numériques.

Comité de suivi

Pour autant, à l'ouverture des travaux
du comité de suivi promis par François
Rebsamen, et qui doit veiller à l'utilisation
des aides publiques aux entreprises
engagées dans le pacte, toutes les
branches devront avoir initié des négociations
et autant que possible avoir
conclu des accords.

Notes   [ + ]

1. L'Inffo n° 863, p. 6.
2. L'Inffo n° 862, p. 11.