Seine-Saint-Denis - Un programme pour former sans stéréotypes

Inffo formation n° 864 - 15-31 octobre 2014 - Nicolas Deguerry

Par - Le 15 octobre 2014.

“Libérez votre avenir professionnel", c'est le message
délivré en Seine-Saint-Denis par un ensemble de
partenaires qui appuient la formation de conseillers
emploi-insertion appelés à agir contre les stéréotypes de
genre, et accompagnent directement de nombreux jeunes
dans leur accès aux métiers.

En 2014, une femme peut
conduire un bus [ 1 ]L'Inffo n° 863, p. 16. et un homme
devenir auxiliaire de puériculture [ 2 ]Dans ce numéro. Question de bon sens ?
Pas seulement. Face à la persistance des
préjugés de genre, aider les jeunes à réaliser
des projets professionnels libérés
des a priori et former les professionnels
de l'insertion à l'accompagnement
s'avère aussi nécessaire qu'efficace. C'est
ce que vient de démontrer l'expérimentation
“Libérez votre avenir professionnel",
projet développé en Seine-Saint-
Denis depuis 2011 et dont les
principaux résultats étaient présentés à
Paris le 30 septembre dernier.

Formation-action de
49 conseillers


Chargée de projet au Conseil général de
Seine-Saint-Denis, Nathalie Souksavat
livrait d'emblée les données chiffrées
des deux étapes qui ont structuré le
projet. D'abord, la formation-action
de 49 conseillers emploi-insertion pour
agir sur les stéréotypes des métiers dits
“sexués" ; ensuite, l'accompagnement de
250 jeunes, dont 45 hommes, traduit par
l'élaboration de 128 projets atypiques,
dont 75 ont abouti à un emploi.

“Ineptie au regard des besoins sociétaux",
selon les termes de Françoise Fillon, chargée
de mission à Retravailler [L'association [Retravailler a été fondée en 1974 par
Evelyne Sullerot afin d'oeuvrer à l'émancipation des
femmes. [/footnote] Lorraine,
la division du travail n'en demeure pas
moins une réalité qu'il a fallu combattre.
En guise d'armes, un “kit pédagogique" a
été élaboré, pour à la fois poser les “raisons
d'y aller" et “outiller" le conseiller.

Visites d'entreprises

Également partenaires du projet, la Cité
des métiers de Paris, la fondation Agir
contre l'exclusion de Seine-Saint-Denis
(Face 93) et l'Association de la visite
d'entreprise (AVE), se sont, elles, mobilisées
pour “élargir les possibles" envisagés
par le public cible. Un objectif qui a
nécessité, au-delà des rencontres-débats
organisées dans le cadre de la Cité des
métiers, d'accompagner les jeunes au
cours de véritables visites d'entreprises.

“La mise en relation donne
des résultats"


Au-delà du caractère concret de l'expérience,
“c'est bien la mise en relation des
employeurs et des jeunes, et l'opportunité
économique du projet qui donnent
des résultats", insistait Françoise Fillon.
Même constat pour Verena Aebischer,
maîtresse de conférences à l'Université
Paris-X Nanterre, chargée de l'évaluation
de l'expérimentation, qui répétait
l'importance d'avoir des professionnels
de l'accueil information orientation
“sur le terrain", “en lien avec les entreprises
et en capacité d'accompagner les
jeunes, même quand ça va mal".

Et de souligner : pour des populations
en prise aux plus grandes difficultés
– d'emploi mais aussi de logement,
de santé ou de confiance en soi –, “le
conseiller est parfois le seul lien entre la
vie sociale et le désarroi".

La création de parcours mixtes

Du côté des professionnels, Hamid
Baïdou, conseiller emploi-formation à
la Mission locale de la Dhuys, rappelait
que les freins étaient aussi à lever parmi
les collègues. Pour ce faire, une bonne
dose de patience et un message en faveur
de la mixité, qu'il ne faut pas hésiter à
répéter, semblent porter leurs fruits.

Évoquant la mise en place de “parcours
d'orientation professionnelle mixité"
d'abord conçus séparément à l'intention
des filles et des garçons, il soulignait un
relatif échec, rapidement surmonté par
la création de parcours mixtes, sources
de “discussions riches empreintes de
bienveillance".

“Un enjeu supérieur"

Parmi les freins, Cécile Jachimowiez,
chargée d'insertion au projet de ville
RSA de Villemonble, mentionnait le
poids de l'entourage, parfois empreint
de préjugés de genre au point de s'opposer
à la réalisation du projet professionnel.
La solution ? “L'accompagnement
au long cours" et l'attention portée à
“l'assertivité" [ 3 ]Capacité à s'exprimer et à défendre ses droits
sans empiéter sur ceux des autres
., mais aussi une prise en
charge globale qui ne néglige pas, par
exemple, les problèmes de garde d'enfant.

Pour Cédric-Tarik Djebbara, conseiller
emploi à la Mission locale de
Bondy, “pas de recette miracle", mais le
souci de veiller à ce que les jeunes “ne se
sentent pas sujets d'une expérimentation"
et, surtout, la conscience d'un “enjeu
supérieur à celui de l'exercice d'un
métier atypique de genre". “La réussite,
concluait-il, c'est la liberté de choix."

Notes   [ + ]

1. L'Inffo n° 863, p. 16.
2. Dans ce numéro.
3. Capacité à s'exprimer et à défendre ses droits
sans empiéter sur ceux des autres