Un nouvel accord formation pour poursuivre le virage technologique de la vente à distance

Inffo formation n° 865 - 1er-14 novembre 2014 - Benjamin d'Alguerre

Par - Le 01 novembre 2014.

Révolution numérique.
En dix ans, le nombre de sites
marchands a été multiplié par
dix. Et le nombre d'entreprises,
par deux. Des structures souvent
très petites, face à de grandes
entreprises “historiques"
de la vente à distance, qui
accélèrent leur mutation.
C'est dans ce contexte que
vient d'être signé un accord
pour le développement de
l'emploi et des compétences
(Adec). Formations, mais aussi
ingénierie, sont au programme.

Pour le coup, il pourra légiti
mement être dit de l'accord
pour le développement de l'em
ploi et des compétences (Adec)
paraphé le 17
octobre qu'il fut signé sur
un coin de comptoir. Pas n'importe le
quel, cependant
: celui de la réplique
d'un authentique comptoir de bar, ins
tallé dans les locaux parisiens de la
Nespresso Academy, où sont formés
in
situ
les conseillers-clients de la marque
aux dosettes colorées.
Une marque qui, bien qu'aujourd'hui
présente en boutiques, a fondé l'essen
tiel de sa stratégie commerciale sur la
vente à distance. Hier au bout du fil
(100
% de sa relation client était télé
phonique en 2000), essentiellement sur
le web aujourd'hui (la page Facebook
de l'enseigne affiche plus de 3
millions
d'abonnés et son compte Twitter dé
passe les 59
000
“followers").

Virage technologique

Illustration d'un secteur bouleversé par
un virage technologique qui a vu les vieux
catalogues rejetés au profit des sites de
vente en ligne et où les champions d'hier
se sont vus sérieusement concurrencés
par des
“pure players"
(Vente-privée.com,
Rue du commerce, etc.) au modèle éco
nomique plus léger, puisqu'entièrement
fondé sur internet.

Concurrencés... voire détrônés par ces
anciennes
start ups
qui représentent désor
mais 70
% de l'activité de la vente à dis
tance. Si La Redoute relève aujourd'hui la
tête −
le 17 octobre, jour de la signature
de l'Adec, l'enseigne dévoilait sa nouvelle
collection de prêt-à-porter à Lille
– c'est
au prix d'une réorganisation drastique de
ses effectifs et d'un plan social qui prévoit
la suppression de près de 1
200 postes
d'ici à 2017. D'autres “vépécistes" ont dû
mettre la clé sous la porte. C'est le cas de
La
Maison de Valérie, dont le site inter
net affiche toujours l'épitaphe.

2 610
entreprises, 31 000
salariés...


“Les acteurs historiques –
La Redoute, les
Trois Suisses, la Camif, Damart...
ont
pris de plein fouet le changement de para
digme imposé par les nouvelles technolo
gies"
, explique Patrick Seghin, PDG de
Damartex et président de l'Upecad, l'or
ganisation patronale des entreprises de
vente à distance, adhérente du Medef.
“Mais parallèlement, la branche a vu le
nombre d'employeurs du secteur doubler
en dix ans. Nous comptons aujourd'hui
2
610 entreprises et près de 31
000 sala
riés dans le domaine de la vente à distance.
La nouveauté, c'est aussi la part croissante
de très petites entreprises de moins de dix
salariés dans le secteur."

... 138 000 sites marchands

Petites, mais pas nécessairement ame
nées à le rester. En 2001, lors de sa
création par Jacques-Antoine Granjon,
Vente-privée.com n'était qu'une PME
spécialisée dans le destockage. Treize
ans plus tard, l'enseigne est devenue une
référence de la vente en ligne, forte de
2
000 salariés.

“En faisant dès le départ le pari du e-com
merce, ces entreprises ont grossi très vite
,
analyse Hélène Van Waes, déléguée
générale de l'Upecad.
Aujourd'hui, c'est
toute la branche qui a dû faire sa révo
lution numérique."
138
000 sites mar
chands en France en 2014 (pour com
paraison, ils n'étaient que 15
000 en
2005), 34
millions d'acheteurs en ligne
rien que dans l'Hexagone, un chiffre
d'affaires national de 51
milliards d'eu
ros par an (dont 11,5 pour les seules
entreprises françaises) et un marché eu
ropéen pesant quelque 360
milliards
:
la révolution de la vente à distance a
mis moins de vingt ans à s'opérer grâce
à la démocratisation du web.

Montée en compétences

En 2009, la branche avait déjà signé un
premier Adec triennal –
prorogé d'un
an en 2013 pour y intégrer les contrats
de génération
– destiné à répondre aux
changements structurels des métiers de
la vente à distance.
“Un accord de très
grande ampleur"
, se souvient Philippe
Vanhoenacker, syndicaliste CFE-CGC.
19
millions d'euros furent alors posés
sur la table. Dont 15 pour le seul vo
let “formation", destiné à financer les
actions de formation de 11
000 salariés
de la branche, dans les domaines de la
logistique, de la relation client et des
métiers du web.

“Il a également permis aux grosses socié
tés «
historiques
», au personnel souvent
âgé et peu qualifié, de réussir leur trans
formation vers le e-commerce"
, juge
Alexandre Lemahieu, négociateur
CFTC. Et la montée en compétences
des salariés, au travers des trois certi
ficats de qualification professionnelle
industrielle (CQPI) de la branche,
portant sur les métiers d'agent logis
tique, de conseiller de vente et d'ani
mateur d'équipe.

Nouveau panorama des emplois

Un travail sur la montée en qualification
des salariés qui entre en résonance avec
la négociation sur les classifications des
emplois de la vente à distance engagée
en 2011 et dont les arrêtés d'extension
ont été publiés début
2014.
“Ce nouveau
panorama des emplois de la branche était
indispensable
: nos métiers changent et il
était nécessaire d'identifier ceux tombés
en désuétude et de les remettre au goût
du jour"
, assure Catherine Deffrennes,
négociatrice pour la CFE-CGC.

Le précédent accord ayant expiré en
2013, le nouvel Adec lui emboîte le pas.
Signé par trois organisations syndicales
(CFDT, CFE-CGC, CFTC), le texte se
structure en trois volets
: la réalisation
d'une étude prospective sur l'évolution
du modèle social de la branche, l'accom
pagnement à la mise en œuvre d'un pro
jet “qualité de vie au travail" expérimen
té au sein de 11
entreprises du secteur
et, surtout, un travail sur l'accompagne
ment de la montée en compétences des
salariés les plus fragilisés, des managers
de proximité, mais aussi des salariés
d'entreprises en difficulté présents sur
les mêmes bassins d'emploi que les em
ployeurs de la vente à distance, pour les
guider vers les métiers du e-commerce.

Former 4 750 salariés

Cette fois, ce sont 6,5
millions d'euros
qui ont été mobilisés (à raison d'un
tiers par l'État, un tiers par les entre
prises de la branche et le dernier tiers
par le Fonds paritaire de sécurisation
des parcours professionnels) avec l'am
bition de former 4
750
salariés.

“Ce nouvel Adec s'ins
crit dans la logique
de l'Ani sur la sécuri
sation de l'emploi du 11
janvier 2013.
Il a permis de créer un nouveau contexte
pour réfléchir à l'accompagnement du
changement, au développement des com
pétences de nos collaborateurs et à la
recherche de la performance économique
pour nos entreprises"
, souligne Hélène
Van Waes. Et même un moyen pour
raccrocher la branche de la VAD aux
négociations sur le pacte de respon
sabilité qu'elle n'a, pour l'heure, pas
entamées.
“L'accord n'est pas directement
connecté au pacte, mais les dispositifs
qu'il contient s'inscrivent dans son esprit"
,
reconnaît Philippe Vanhoenacker.

Des actions d'ingénierie

Ouvert vers les évolutions du secteur,
l'Adec prévoit de rendre éligibles des
actions d'ingénierie visant à doter la
branche d'un arsenal formation plus
étendu, qu'il s'agisse de nouvelles cer
tifications, de référentiels métiers,
d'actions de formation inédites, d'outils
visant à favoriser la mobilité interne ou
de dispositifs e-learning.

Un travail de conception pédagogique
pour lequel la branche compte sur
l'appui du Forco, son Opca, lui aussi
signataire de l'accord.
“Nous attendons
de l'innovation de leur part",
annonce
la déléguée générale de l'Upecad.
Particulièrement lorsqu'il s'agira de
savoir articuler les besoins collectifs
des employeurs de la branche avec le
nouveau compte personnel de forma
tion dont ses salariés seront titulaires
au 1
er
janvier 2015.