France : à chacun son tutorat

L'apprentissage est très réglementé en France : les procédures et les outils sont là. Toutefois, dans le secteur de la construction, 40 % des contrats d'apprentissage sont rompus au cours de la première année. Les études de CoPilote montrent des écarts importants, voire contradictoires, entre les perceptions de la fonction tutorale.

Par - Le 01 octobre 2008.

Le terme de “tuteur" ou “maître d'apprentissage" est défini par le Code du travail français. Le maître d'apprentissage (le chef d'entreprise ou un salarié) déclare sur l'honneur remplir les conditions requises et, en particulier, présenter des compétences pédagogiques et professionnelles de nature à permettre une formation satisfaisante de l'apprenti. Plusieurs référentiels de formation, de certification ou d'activités des tuteurs d'entreprise existent. Dans le bâtiment et les travaux publics, des accords paritaires portent sur la formation, la certification comme “maître d'apprentissage confirmé" (MAC), une charte professionnelle et l'indemnisation des maîtres d'apprentissage. Les textes rendent obligatoire une formation sur mesure prenant en compte les acquis de l'expérience. La mise en œuvre de ces accords est progressive et les systèmes d'accompagnement des maîtres d'apprentissage ne sont pas jugés suffisants.

Le contrôle en cours de formation de la progression de l'apprenant est mené conjointement par son centre de formation et son entreprise. Certaines Directions régionales du travail ou Conseils régionaux ont mis en place des livrets de tuteurs et des primes pour les entreprises formant des tuteurs, avec toutefois un succès très limité.

Le CCCA-BTP a, pour sa part, créé un dispositif en vigueur dans son réseau de CFA qui comprend en particulier un entretien d'évaluation du jeune et un livret d'apprentissage. Celui-ci est un document de liaison pédagogique entre l'entreprise et le CFA, confié à l'apprenti dès le début de sa formation. Par ailleurs, chaque formateur de CFA est tenu d'effectuer au minimum deux “visites en entreprise" qui permettent d'assurer un suivi concerté de la formation.

De grands écarts

Contrastée. C'est ainsi qu'apparaît la fonction tutorale dans l'étude sur sa perception dans les PME du BTP en France. Par exemple, former à la pratique du métier est la mission la plus importante d'un tuteur pour 95 % des chefs d'entreprise, également tuteurs, alors qu'à peine plus d'un tiers des apprentis pensent que leurs tuteurs la considèrent ainsi. Une grande majorité d'apprentis (83 %) pensent que, pour leurs tuteurs, ils sont en entreprise avant tout pour travailler.

Autre réponse qui mérite réflexion : alors que le centre de formation est un partenaire incontournable de l'apprentissage et assure un quart du temps de formation, seulement 15 % des tuteurs déclarent le considérer comme appui à leur mission. Quant aux relations centre de formation-entreprise, 13 % seulement des tuteurs déclarent s'appuyer sur le livret d'apprentissage et sur les visites des formateurs du centre de formation en entreprise pour piloter l'apprentissage du jeune. 7 % seulement participent à des réunions de tuteurs organisées au centre de formation.

Ce choc des représentations s'explique en grande partie par le déficit de communication entre apprentis, tuteurs et chefs d'entreprise. Un tiers des chefs d'entreprise estiment qu'être tuteur est un avantage, mais 28 % pensent le contraire. L'absence de concertation frappe aussi au sein même des entreprises.

Quant aux formateurs des centres de formation d'apprentis, ils se déclarent tous convaincus de l'importance de la complémentarité et de la concertation avec l'entreprise. Certaines réponses révèlent cependant une forme de désarroi provoqué par la coexistence de deux mondes qui se connaissent mal, amenés à travailler ensemble mais qui n'ont pas les mêmes objectifs, les mêmes logiques, les mêmes responsabilités, les mêmes obligations et les mêmes moyens.
L'enquête révèle aussi que 75 % des jeunes se déclarent satisfaits de leur situation d'apprenti et 62 % de leur tuteur, même si plusieurs aspects dans cette relation peuvent être améliorés, surtout “pour travailler dans de meilleures conditions". Ces réponses sont à relativiser, car dans les faits, la grande majorité des ruptures de contrat d'apprentissage est due à des problèmes relationnels dans l'entreprise.

[(Formation des maîtres d'apprentissage et de tuteurs

Certains centres de formation des apprentis (CFA) du BTP mettent en place des actions de formation pour les maîtres d'apprentissage. Le CCCA-BTP a travaillé sur les contenus de telles formations que les CFA adaptent ensuite à leur contexte. Les actions peuvent être financées par la profession et les maîtres d'apprentissage sont indemnisés pour le temps passé en formation.
Les partenaires sociaux du BTP ont décidé que la formation des maîtres d'apprentissage est désormais obligatoire. Mais, en France comme dans aucun autre pays, le caractère obligatoire d'une action ne devient pas automatiquement une garantie de qualité. En effet, la formation des maîtres d'apprentissage est, certes, indispensable, mais, pour être efficace, elle doit être intégrée dans un système d'accompagnement plus global. Par ailleurs, les enquêtes CoPilote démontrent clairement que ces actions de formation doivent être différenciées en fonction de l'expérience et des besoins individuels des maîtres d'apprentissage.)]