Michel Clézio, président de la Fédération nationale des Urof

“La gouvernance du système s'est complexifiée"

Par - Le 01 novembre 2009.

Votre fédération a toujours souhaité une simplification
du paysage de la formation.

La nouvelle loi vous satisfait-elle sur ce point ?

La Fédération des Urof [ 1 ]Unions régionales des organismes
de formation
est globalement déçue sur ces points : l'architecture est loin d'être simplifiée et, plus grave, la gouvernance du système nous semble, au contraire, complexifiée. Le contrôle de l'État sur les orientations du FPSPP et sur l'utilisation de ses fonds ne me paraît pas illégitime, mais fallait-il alourdir à ce point sa tutelle ?

De même, la mise sous tutelle des Régions par un document contractuel, donc de compromis, signé par le préfet et le recteur d'académie – qui est aussi le patron d'organismes de formation (les Gréta) – ajoute à la confusion et ne facilitera pas l'adaptabilité de ce contrat de plan. On a décidément du mal en France à aller au bout de la décentralisation et à admettre que l'État n'est pas le seul porteur de l'intérêt général.
Il y a de bonnes choses dans ce texte, notamment en ce qui concerne la volonté partagée de mieux cibler les fonds de la formation vers ceux qui en ont le plus besoin, mais il est probable que les difficultés de gouvernance nuiront à l'atteinte de ces objectifs.

En tant qu'acteurs territoriaux de la formation, quel rôle pourriez-vous jouer dans l'élaboration de ce CPRDF ?

Ce contrat de plan sera élaboré au sein des CCREFP, où nous ne sommes pas représentés, sauf de façon informelle dans les Régions qui ont à cœur d'intégrer dans la réflexion l'ensemble des acteurs qui concourent aux dispositifs de formation.

On nous renvoie donc dans un rôle de “boutiquiers" qui ne seraient pas capables de sortir de la défense de leurs intérêts particuliers pour porter des analyses d'intérêt général, alors qu'en tant qu'acteurs des politiques publiques, nous sommes souvent bien placés pour éviter des pertes d'efficience de l'effort public par l'anticipation de difficultés à venir. Dans les faits, nous espérons que cela n'empêchera pas la concertation en amont, mais c'est un obstacle de plus.
Si nous avions été intégrés dans les instances de concertation, nous aurions pu alerter sur les enjeux liés aux réflexions européennes sur les SSIG, faire valoir la nécessité de traiter tous les acteurs dans un même cadre juridique, afin d'éviter des contentieux qui se multiplient, et nous exprimer sur la nécessité de prendre en compte les publics les plus en difficulté, en réhabilitant la notion de parcours pour ceux qui en ont le plus besoin.

Quel impact la création du FPSPP pourrait-elle avoir sur les activités
des Urof ?

Outre le champ du qualifiant où nous sommes très présents, il est certain que la majorité de nos adhérents ont des compétences anciennes et fortement professionnalisées sur des champs dont on s'aperçoit qu'ils conditionnent fortement l'accès ou le maintien dans l'emploi. Je pense en particulier à l'accès aux savoirs de base ou aux compétences-clés, aux compétences langagières et de nombreux domaines concernant souvent “les oubliés de la formation".

Mais nous savons par expérience qu'un tel effort doit s'inscrire dans le temps, il faudra modifier en profondeur des comportements, car ces publics ne sont pas forcément demandeurs de formation, et ne constituent pas plus la priorité des employeurs. Pour que cet effort s'inscrive dans le temps, il faudra que l'État résiste à la tentation d'utiliser le FPSPP comme outil de gestion conjoncturel quand il sera tenté de le faire !

Comment avez-vous réagi à l'intervention de Laurent Wauquiez, lors des débats, lorsqu'il a affirmé que, selon les experts, la notion de SSIG était “vide de sens" et que la formation était soumise au droit de la concurrence ?

En confondant le droit des marchés publics et le droit de la concurrence qui, je le rappelle, permet de faire primer la mission d'intérêt général dans des conditions très précisément définies par la Cour de justice européenne, Laurent Wauquiez fait un choix politique que le droit communautaire ne lui impose pas.

Pour preuve, il l'utilise parfaitement quand il s'agit de Pôle emploi, et de nombreux autres exemples attestent que l'État recourt régulièrement aux dérogations prévues par le droit communautaire pour des acteurs économiques. Mais ici, le gouvernement ne veut pas lâcher la bride à des Régions qui ont pour beaucoup déjà qualifié le champ de la formation des demandeurs d'emploi comme un service d'intérêt économique général (Sieg). L'État est même capable d'octroyer des droits exorbitants à certains acteurs, comme les Écoles de la deuxième chance, alors que les dispositifs de la seconde chance existent depuis très longtemps, sans s'encombrer des contraintes du droit communautaire qu'il invoque par ailleurs comme impératif. Je regrette que sur des sujets qui devraient faire consensus, les enjeux politiques aient pris le pas.

Notes   [ + ]

1. Unions régionales des organismes
de formation