Acte II - les années 1980

La table ronde “Formation 80 : bilan et propositions"

Par - Le 01 décembre 2010.

Les partenaires sociaux participent du 23 au 25 juin 1980 à un colloque intitulé “Formation 80 : bilan et propositions", répondant à l'invitation de Jacques Legendre, secrétaire d'État chargé de la Formation professionnelle. À cette occasion, ils expriment l'analyse qu'ils font alors des objectifs et du fonctionnement de la formation professionnelle.

Le secrétaire d'État précise d'emblée que si la formation a pu être considérée comme un des nécessaires corollaires sociaux de l'expansion économique ou une façon de mieux répartir, à la faveur de l'expansion, autre chose que des biens matériels, la vague est retombée et a cédé la place à un combat difficile pour lutter contre la récession et préserver le pouvoir d'achat.

Georges Begot, au nom de la CFDT, commence par établir un constat pessimiste : “La formation continue se porte mal ; les chiffres sur le nombre des stagiaires et le volume financier consacré à cette activité ne sont en définitive qu'une façade, qui peut paraître impressionnante... si l'on ne regarde pas ce qu'il y a derrière. Et même, ces chiffres montrent bien que la formation est inégalitaire." La CFDT formule six propositions, parmi lesquelles : revenir aux 2 % prévus par la loi de 1971, augmenter l'enveloppe financière de l'État, mais, surtout, avancer concrètement dans la définition d'un “crédit formation", c'est-à-dire, d'un nombre d'heures disponibles pour chacun, renforcer le contrôle des travailleurs sur la formation dans l'entreprise.

Pour Jean Bornard, secrétaire général de la CFTC, il faut “simplifier, refondre, recentrer". Simplifier les circuits administratifs et financiers, “devenus d'une complexité rébarbative". Il estime que “ce serait une erreur grave et une sorte de détournement de transférer tout l'effort sur les demandeurs d'emploi et sur une simple adaptation aux nécessités économiques, en minimisant l'autre objectif de la formation, celui de la promotion humaine, personnelle, culturelle des individus".
Jean Menu, président de la CGC, expose une triple aspiration, mais également un double risque. Les salariés, explique-t-il, veulent bénéficier de la promotion sociale : il faut accorder à chacun une année de formation complémentaire à prendre au cours de sa vie, à l'époque de son choix. Ils souhaitent également se perfectionner et, enfin, “la formation doit renforcer l'autonomie du salarié vis-à-vis de son employeur en lui permettant de mieux maîtriser son métier et d'envisager lui-même ce que sera sa carrière". Quant au double risque, il s'agit du “repli de la formation dans l'entreprise" et du “détournement des fonds de la formation".

René Bernasconi, président de la CGPME, rappelle alors que les sacrifices consentis par les PME dans le domaine de la formation doivent les aider à rester compétitives et les valoriser. “De même, précise-t-il, il ne servirait à rien de promouvoir la formation professionnelle comme une fin en soi, si les bénéficiaires de celle-ci ne devaient en tirer une facilité supplémentaire d'épanouissement de leur vie professionnelle et personnelle au sein des entreprises."

Yvon Chotard, vice-président du CNPF, considère que la formation constitue depuis dix ans “une arme décisive de développement ou de survie des entreprises et de la défense de l'emploi". La formation professionnelle, “domaine privilégié de la concertation entre les partenaires sociaux" est désormais, pour lui, à la fois l'un des aspects de la politique sociale de chaque entreprise et l'un des moyens de cette politique “qui a pour ambition de développer la compétitivité de l'entreprise en respectant les finalités humaines".

André Bergeron, secrétaire général de Force ouvrière, présente la “philosophie" de sa confédération : “L'éducation permanente procède d'une finalité avec laquelle, pratiquement, elle se confond, et qui n'est autre que celle de la démocratie. Démocratie appliquée à l'étude, à la connaissance, à la compréhension du monde, à la conscience que chacun peut prendre de sa propre ambition de vivre." Par ailleurs, FO demande qu'un vaste programme d'études et d'expérimentations soit entrepris et coordonné sur l'évolution des qualifications et des filières professionnelles, et que les résultats soient traduits en contenus de formation. Enfin, André Bergeron indique que “c'est dans le cadre d'une meilleure coordination interministérielle des aides à la conversion industrielle que la formation doit jouer un rôle de préparation et d'accompagnement plus que de réparation".

Quant à la CGT, elle ne souhaite pas s'exprimer dans le cadre de cette manifestation et publie un communiqué dans lequel Henri Krasucki, secrétaire général, juge ce colloque “uniquement destiné à dresser un bilan flatteur de la politique suivie et à dégager des perspectives qui s'inscrivent dans les orientations du gouvernement et du patronat. En conséquence, la CGT ne servira pas de caution et de faire-valoir à une telle opération qui représente un support de plus au « consensus » et un moyen d'accentuer l'utilisation de la formation professionnelle comme tremplin de l'intégration idéologique, dans le cadre des nouvelles méthodes patronales".