1919, année zéro de l'apprentissage

Par - Le 16 novembre 2011.

Dans tous les pays industrialisés, après des décennies de débat sur les rôles respectifs du travail et de l'école dans l'acquisition de la qualification, s'est forgé un nouveau concept, celui de formation en alternance. Tel qu'il est utilisé aujourd'hui en France, ce terme ou celui abrégé “d'alternance" n'a guère qu'une trentaine d'années ; à peu près autant que son homologue allemand “Dualsystem", qui comme lui, met l'accent sur la dualité de lieu de formation. Le terme anglo-saxon correspondant à “alternance" n'est pas plus ancien en Grande-Bretagne et commence seulement à se répandre aux États-Unis. " Voilà ce qu'écrivaient Raymond Poupard, Yves Lichtenberger, Jean-Marie Luttringer et Christian Merlin, experts es formation professionnelle, dans un ouvrage de référence sur l'alternance publié au milieu des années 90[ 1 ]“Construire la formation professionnelle en alternance", Raymond Poupard, Yves Lichtenberger, Jean-Marie Luttringer, Christian Merlin, éditions d'organisation, 1995.

Stricto sensu, les prémisses de l'alternance à la française remontent à la loi d'Astier. Promulgué en 1919, ce texte législatif créait l'apprentissage moderne en obligeant toute entreprise du commerce et de l'industrie employant des jeunes de moins de 18 ans à les inscrire à des cours professionnels d'au moins cent heures par an, le plus souvent dispensés en fin de journée.

Mais jusqu'à la seconde guerre mondiale, la loi d'Astier eut un impact limité, l'embauche sans formation certifiée continuant à l'emporter largement sur l'apprentissage organisé. La faute au patronat français, qui “ne joue pas le jeu", selon les auteurs du livre précité. “Contrairement à l'Allemagne où existe déjà à cette époque un consensus entre directions et syndicats sur la mission formatrice de l'entreprise chacun s'accorde en France à considérer, malgré les incitations répétées du politique que leur rôle se limite à accueillir les jeunes et à assurer leur adaptation à l'emploi ", font valoir Raymond Poupard, Yves Lichtenberger, Jean-Marie Luttringer et Christian Merlin.

Quarante ans plus tard, la loi Bethouin rendant l'école obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, dispose que la scolarité s'effectue “par un travail réparti entre les diverses écoles qui donnent l'enseignement (professionnel) terminal des entreprises liées par contrat avec l'école". C'est la définition même de l'alternance, “sans que le mot n'en soit encore prononcé", comme le soulignent les quatre spécialistes susmentionnés.

Notes   [ + ]

1. “Construire la formation professionnelle en alternance", Raymond Poupard, Yves Lichtenberger, Jean-Marie Luttringer, Christian Merlin, éditions d'organisation, 1995