Michel Haristoy, groupe IGS : {“L'avenir passe par des co-investissements entre entreprises, OF et stagiaires"}

Par - Le 16 novembre 2011.

Nanti d'un CV comprenant une dizaine d'années passées dans les ressources humaines du groupe Lagardère (Matra), cinq autres au sein de France Télécom et, depuis 2008, d'un poste de directeur de la formation continue intergroupe au sein de l'Institut de gestion sociale (IGS), Michel Haristoy se révèle un homme particulièrement bien placé pour dresser un panorama des pratiques liées à la formation professionnelle. Pratiques qu'il a pu observer tant du point de vue des entreprises acheteuses que des salariés stagiaires ou, désormais, des organismes formateur.

“La plupart des organismes de formation qui occupent le secteur sont sortis de terre grâce à la loi Delors de 1971", admet-il avant, cependant, de tempérer les excès d'enthousiasme suscités par la commémoration de ce texte. À ses yeux, en effet, cette loi s'est révélée à une chance pour les entreprises… mais aussi un handicap. “Une chance, évidemment, parce qu'elle a créé un marché administré de la formation jusqu'alors inexistant. Un marché qui a dû se montrer compétitif et a donc réalisé de nombreuses innovations dans ce domaine. Un handicap, aussi, car pendant une vingtaine d'années, les entreprises n'ont dépensé qu'en ayant en tête l'accroissement de leur productivité, sans réellement penser au développement des compétences ou des savoir-faire de leurs collaborateurs." Un style de formation que Michel Haristoy va même jusqu'à qualifier de “bête et méchant", puisque jamais réellement réfléchi dans sa globalité. Jusqu'aux années 1990-1995 prédominait, dans les esprits des responsables de formation, l'idée qu'il fallait quoi qu'il arrive, “former ou payer", explique-t-il. La tentation était donc grande de “piocher" dans les catalogues des organismes de formation, sans se soucier de l'efficacité réelle des dispositifs mis à disposition des salariés. “Pire : inscrire un collaborateur en formation pouvait apparaître comme une rémunération déguisée, voire, a contrario, comme l'annonce sous-entendue d'un licenciement imminent !"

Projet de vie et mutation personnelle

Il aura donc fallu près de vingt ans de tâtonnements pour que les entreprises commencent à penser la formation continue en termes de stratégie de développement. “L'internationalisation des activités des grands groupes a été déterminante, poursuit Michel Haristoy. Les collaborateurs ont commencé à se former à l'anglais pour se perfectionner sur les marchés internationaux, puis, tout naturellement, la formation a glissé vers la conduite de projets ou le développement de métiers nouveaux." Une “révolution copernicienne", puisque stagiaires et services RH ont commencé à repenser le développement des compétences non plus en termes de simple apprentissage technique ciblé, mais de parcours de formation général. “Aux alentours de cette période charnière sont apparues les premières formations lourdes, en alternance, dispensée sur plusieurs années. Cette évolution implique que les publics qui choisissent de s'y inscrire raisonnent en termes de projet de vie et accomplissent une véritable mutation personnelle."

Néanmoins, en dépit des bénéfices en termes de droit à la formation induits par la loi Delors, cette dernière a également suscité un état d'esprit “consumériste" que Michel Haristoy juge, aujourd'hui, sévèrement : “Beaucoup de salariés considèrent la formation comme un service que leur entreprise doit naturellement leur offrir. La qualité de leur investissement s'en ressent. C'est flagrant lorsque l'on compare les taux d'absentéisme des individus inscrits au titre du plan de formation de leur entreprise par rapport à ceux des publics qui s'autofinancent et dont l'assiduité est remarquable. Certains méritent un zéro pointé !"

L'avenir de la formation continue ? Pour le dirigeant de l'IGS, il ne peut que se développer qu'à partir d'une politique volontariste de co-investissements entre entreprises, organismes de formation et stagiaires, “seule susceptible de garantir l'implication et l'investissement de tous les acteurs".