Entretien avec Fouzi Fethi, chargé d'études à la direction juridique-observatoire de Centre Inffo

Par - Le 01 septembre 2012.

“Il est désormais de jurisprudence constante de sanctionner le manquement à l'obligation de formation"

Qu'est-ce que la loi du 24 novembre 2009 a changé dans l'élaboration du plan de formation ?

La loi opère désormais une distinction nette entre les actions de formation qui relèvent des obligations de l'employeur et celles qu'il peut proposer à titre facultatif. Elle apporte ainsi une cohérence juridique, dans le sens où désormais l'employeur présente au comité d'entreprise deux catégories d'actions soumises à un régime distinct :

  les formations obligatoires, qui visent à adapter le salarié à son poste de travail ou qui veillent à maintenir sa capacité à occuper un emploi. Étant donné que ces actions entre dans le champ du contrat de travail et sont imposées par l'employeur, le temps de formation est nécessairement du temps de travail effectif et, lorsque la formation dépasse la durée légale ou conventionnelle de travail, elle est génératrice d'heures supplémentaires [ 1 ]Articles L. 6321-1 et L. 6321-2 du Code du travail.  ;

  les formations facultatives, qui visent à développer les compétences du salarié et qui vont au delà de sa qualification. Elles peuvent être proposées au salarié, qui n'est jamais obligé de les accepter. Son refus ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Mais si ce dernier accepte, la formation peut être suivie en dehors de son temps de travail, en contrepartie d'une allocation de formation [ 2 ]Articles L. 6321-1 et de L. 6321-6 à L. 6321-12 du Code du travail. .

Des évolutions possibles sont-elles à envisager ?

Quelle que soit l'ardeur réformatrice du législateur, ce n'est pas la loi qui fonde le champ des obligations de gestion des compétences, mais le contrat de travail lui-même. Donc, concernant les évolutions possibles, il faudra plutôt regarder du côté de la jurisprudence.
Il faut se rappeler que, dès 1992, le juge a posé en principe que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, doit adapter les salariés à l'évolution de leur poste de travail [ 3 ]Cf. l'arrêt de la Cour de cassation sociale du 25 février 1992 (Expovit c./ Dehaynain). . Cette obligation d'adaptation n'a été introduite que huit ans plus tard dans le Code du travail, par la loi Aubry. Elle figure aujourd'hui à l'article L. 6321-1 du Code du travail, qui dispose que l'employeur doit assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail, mais également veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.

Concernant cette deuxième obligation, là encore, le juge est sur le point, depuis 2007, de lui conférer une valeur juridique dont les employeurs devront tenir compte dans l'élaboration de leur plan de formation [ 4 ]Cf. l'arrêt de la Cour de cassation sociale du 23 octobre 2007 (Synd. professionnel Udo c./ Soulies et a.). . En effet, il est désormais de jurisprudence constante de sanctionner le manquement de cette obligation par des dommages et intérêts, en considérant qu'il s'agit de réparer un préjudice distinct de la rupture du contrat de travail. Ainsi, le juge considère qu'il existe bien deux obligations juridiques distinctes : celle d'adapter le salarié à son poste de travail et celle de veiller à sa capacité à occuper un emploi. D'ailleurs, la loi du 24 novembre 2009, en regroupant ces deux obligations dans la première catégorie du plan de formation, ne fait que conforter ce raisonnement, puisqu'elle leur applique, pour souligner leur caractère contraignant, le même régime juridique en matière de temps de travail et de rémunération.

En définitive, il est donc important de bien comprendre que, pour toute réforme relative au plan de formation, c'est toujours la jurisprudence qui sert de point d'appui, à la fois aux partenaires sociaux et au législateur, et non l'inverse. D'où la nécessité pour une entreprise d'être attentive aux dernières évolutions jurisprudentielles qui continuent à structurer le plan de formation, et que la loi accompagnera davantage qu'elle ne les suscitera.

Notes   [ + ]

1. Articles L. 6321-1 et L. 6321-2 du Code du travail.
2. Articles L. 6321-1 et de L. 6321-6 à L. 6321-12 du Code du travail.
3. Cf. l'arrêt de la Cour de cassation sociale du 25 février 1992 (Expovit c./ Dehaynain).
4. Cf. l'arrêt de la Cour de cassation sociale du 23 octobre 2007 (Synd. professionnel Udo c./ Soulies et a.).