Gabriel Mouesca : “La formation fait figure de carotte pour préserver la paix sociale en prison"

Par - Le 16 septembre 2012.

“Il est évident que si la prison a bien une utilité, elle doit dégager du temps carcéral à la formation scolaire et professionnelle. Le réel souci est que cela ne constitue pas une priorité pour l'administration pénitentiaire et le ministère de la Justice", considère Gabriel Mouesca, membre actif de l'Observatoire international des prisons (OIP), section française.

Ancien leader de l'organisation séparatiste basque Iparretarrak, Gabriel Mouesca a passé 17 années en prison. Il est ensuite devenu président de l'OIP, section française (2004-2009). “Dans les prisons françaises, la formation professionnelle, tout comme l'enseignement, sont des leviers sur lesquels s'appuie l'administration pénitentiaire pour gérer la paix sociale. La formation professionnelle, l'accès à l'enseignement et au travail, font donc figure de carotte pour obtenir et préserver cette paix sociale dans les établissements. Il y a bien sûr des personnes détenues motivées et désireuses d'entrer en formation. Mais elles sont l'otage de cette culture pénitentiaire non axée sur la connaissance et la formation", pointe-t-il.

Au sujet des bénéficiaires d'une formation en milieu carcéral, “il y a une guerre des chiffres et des statistiques, et ceux affichés par l'administration pénitentiaire sur la formation professionnelle ou la formation en général font partie d'une politique d'affichage, dénonce Gabriel Mouesca. La culture propre aux établissements pénitentiaires est totalement contraire à l'idée d'un lieu de socialisation et de formation. Il faut tout de même tenir compte de rares cas d'exception, puisque certains détenus, une micro minorité, accèdent à la formation avec des résultats encourageants. À l'OIP, nous sommes favorables à l'application du droit commun pour l'ensemble des détenus. En outre, pour des questions budgétaires, les moyens mis en œuvre sont de plus en plus insuffisants". En demandant l'application du droit commun en prison, l'OIP cherche à “combattre l'arbitraire qui caractérise le fonctionnement de toute institution pénitentiaire".

“Nous connaissons la prison en France à travers toutes les activités liées à la vie carcérale, dont la formation. Nous ne nous inscrivons pas dans une relation de partenariat avec l'administration pénitentiaire, mais nous sommes là pour faire en sorte que le droit s'applique en prison", affirme Gabriel Mouesca. La difficulté, conclut-il, “est que la prison intéresse peu de gens et elle est considérée comme un lieu de relégation. De plus, un des scandales actuel est que les personnes détenues souhaitent bénéficier d'une formation pour obtenir un aménagement de peine. Par ailleurs, le timing de l'appareil judiciaire ne correspond pas à celui d'un organisme de formation. Le temps que la juridiction de l'application des peines décide d'envoyer un détenu en formation, le délai d'entrée dans un cursus est dépassé !"