La Région Aquitaine prête à poursuivre l'expérimentation du transfert au-delà de 2013

Par - Le 16 septembre 2012.

La Région Aquitaine s'est engagée depuis le 1er janvier 2011 dans l'expérimentation du transfert de l'organisation et du financement des actions de la formation professionnelle des personnes détenues et ce, afin de porter l'enjeu de l'accès à la qualification de ces dernières. La Région, la Disp (Direction interrégionale des services pénitentiaires) de Bordeaux et la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) œuvrent ensemble à l'élaboration et au financement des dispositifs de formation des établissements pénitentiaires situés en Aquitaine.

“Nous avons mené une réflexion en 2010 de manière à construire la convention de transfert dont l'effectivité a débuté en janvier 2011. La mise en œuvre opérationnelle s'étend ainsi jusqu'au 31 décembre 2013. Cela n'a pas été une décision facile à prendre au regard de la situation complexe entre l'État et les Régions en matière de décentralisation. Nous avions des incertitudes financières concernant ce transfert, d'où la réticence de la part des Régions à s'engager dans cette expérimentation", souligne Catherine Veyssy, vice-présidente du Conseil régional d'Aquitaine en charge de la formation professionnelle. L'engagement de la Région Aquitaine atteste de sa “volonté de mettre à plat les conditions précises de mise en œuvre de la décentralisation".

“L'évolution budgétaire pour la Région est importante, mais nous avons souhaité faire mieux et plus. La formation professionnelle est l'une de nos compétences majeures et nous avons l'expérience dans ce domaine", commente Catherine Veyssy. À ce titre, la collectivité a recruté une chargée de mission à temps plein pour suivre ce dossier. “Elle intervient auprès de la personne en charge de la formation au sein de chaque établissement pénitentiaire. Le programme des formations est déterminé lors des commissions locales de formation de chaque établissement. Il s'attache à mettre en exergue les attentes en formation des personnes détenues. De plus, le comité de pilotage régional, que je préside, composé de la Disp de Bordeaux, de la Direccte, et des représentants des établissements (direction et responsable local de formation), se réunit deux fois par an (juin et décembre) pour établir un bilan à six mois. En juin dernier, nous avons également défini les actions à mener pour le 1er semestre 2013", explique la vice-présidente.

Pour quels métiers ?

Dans les sept maisons d'arrêt et centres de détention publics de la région, les détenus peuvent se former aux métiers de la propreté, du bâtiment ou encore de la restauration. Des activités qu'ils peuvent mettre en application en repeignant leurs cellules, les espaces communs, ou en donnant un coup de main à la cantine. La maison d'arrêt de Gradignan propose une formation “agent de propreté et d'hygiène" et une formation “peintre en bâtiment". “Celle de Bayonne possède une cuisine pédagogique et celle de Mauzac, une ferme pédagogique consacrée aux métiers de l'horticulture. La maison d'arrêt de Pau dispose même d'une formation de tissage haute couture unique en France. Ces programmes connaissent un véritable succès. Les volontaires se pressent pour participer à ces activités", assure la vice-présidente de la Région. Les actions de formation permettent aux stagiaires de valider leurs compétences par un jury professionnel, et de mener une recherche d'emploi concrète à l'issue de l'incarcération sur un métier “appris" en maison d'arrêt. “Les conditions d'obtention des diplômes sont les mêmes que celles réalisées hors univers carcéral. Certains, une fois libérés, poursuivent leur parcours qualifiant ou souhaitent compléter leur formation et, dans ces cas, la Région prend le relais par le biais d'une formation de droit commun. D'autres ne nous donnent aucune nouvelle après leur sortie et il est donc difficile d'avoir un retour en matière de réinsertion", fait remarquer Catherine Veyssy.

Trouver les bons formateurs

“L'organisation des formations prend en compte les contraintes inhérentes aux maisons d'arrêt. On ne peut donc pas y réaliser n'importe quel type de formation. Jusque fin 2012, nous travaillons avec des organismes de formation qui sont coutumiers de l'univers carcéral. Il faut en effet trouver les bons formateurs, en capacité d'appréhender cet univers et d'entrer en relation avec des personnes dont le comportement est différent des stagiaires classiques de la formation", ajoute-t-elle. Outre leur utilité pour la réinsertion, ces formations permettent aux détenus de briser la monotonie du quotidien et de subvenir à leurs besoins. “Les personnes formées ont le statut de stagiaire et, en conformité avec le droit du travail, sont rémunérées 2,26 euros plus 10 % d'ICCP (indemnité compensatrice de congés payés) soit 2,49 euros net de l'heure", indique Catherine Veyssy.
La Région Aquitaine agit sur deux plans à la fois : la construction d'une action de formation avec chaque établissement pénitentiaire et le financement des parcours de formation. “La commission locale de formation de chaque établissement examine les profils des détenus et leur situation respective (en préventive, détention de courte durée) pour déterminer leur positionnement sur les actions de formation. Nous travaillons en effet à partir de parcours globaux de formation par rapport auxquels les personnes sont positionnées en fonction de leur parcours individuel, leur personnalité… et non l'inverse. À partir de là, il s'agit de constituer des groupes dont les membres vont vivre ensemble huit heures par jour et cette alchimie n'est pas évidente".

Pour l'année 2013, les actions de formation professionnelle des personnes détenues relèvent d'un appel à projet auquel peuvent répondre les organismes de formation agréés par l'État. Cet appel à projet s'inscrit “dans la volonté commune de prise en compte globale des questions de prévention de la délinquance et de la récidive, et permet de garantir par une pédagogie adaptée les mêmes conditions d'accès à la qualification au même titre que dans le droit commun". Et Catherine Veyssy conclut : “Après 2013, soit la loi de décentralisation aura tranché et il n'y aura plus de convention à signer avec la direction de l'administration pénitentiaire, soit la formation des détenus sera laissée à l'appréciation des Régions. Dans ce dernier cas, compte tenu de la volonté politique du président Alain Rousset, nous poursuivrons l'expérimentation. Nous nous tenons d'ailleurs à disposition des autres Régions pour témoigner à ce sujet."

L'expérimentation concerne les détenus des sept maisons d'arrêt et centres de détention en gestion publique, à savoir Agen (Lot-et-Garonne,47), Bayonne (Pyrénées-Atlantiques, 64), Eysses (Lot-et-Garonne, 47), Gradignan (Gironde, 33), Mauzac (Dordogne, 24), Pau (Pyrénées-Atlantiques, 64), et Périgueux (Dordogne, 24). En 2011, le budget dédié à cette expérimentation s'élevait à 1 329 759 euros, dont 1 072 593 euros de l'État (avec pour moitié de crédits FSE) et 257 166 euros du Conseil régional. En 2012, le budget s'élève à 1 572 593 euros, dont 1 072 593 euros de l'État (50 % de crédits FSE) et 500 000 euros du Conseil régional.