Un rapport du Sénat préconise le renforcement du rôle des Régions dans la formation des détenus

Par - Le 16 septembre 2012.

L'obligation d'activité constitue l'un des grands axes de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 (article 27). Cette obligation, concernant les seules personnes condamnées, implique que l'administration pénitentiaire propose un ensemble d'activités au premier rang desquelles un emploi et/ou une formation professionnelle. Or, “le bilan de cette disposition apparaît dans l'ensemble décevant". C'est ce qu'indiquent Nicole Borvo Cohen-Seat (communiste, Paris) et Jean-René Lecerf (UMP, Nord) dans leur rapport d'information présenté le 4 juillet dernier devant la commission des lois et la commission sénatoriale pour l'application des lois.

L'accès à l'enseignement et à la formation est un droit fondamental des personnes incarcérées. Plus de la moitié des détenus ont un niveau scolaire de fin d'études primaires et ne disposent pas de réelle qualification professionnelle. L'article 2 de la loi pénitentiaire dispose que le service public pénitentiaire contribue, entre autres missions “à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire". C'est dans cet objectif d'insertion ou de réinsertion que s'inscrit pleinement la formation professionnelle. En milieu pénitentiaire, cette dernière est conduite par le ministère de la Justice, en partenariat avec le ministère du Travail et de l'Emploi, et de la Santé pour les établissements en gestion publique, et par délégation des prestations auprès de groupements privés dans les établissements en gestion déléguée. Il faut noter que l'administration pénitentiaire est responsable de l'analyse des besoins, de la conception et de la mise en œuvre des programmes de formation, de leur suivi et de leur évaluation. Elle joue un rôle primordial dans la relation avec les échelons déconcentrés des différentes administrations partenaires, en leur faisant part, notamment, des besoins des personnes et des contraintes inhérentes à l'institution. Au sein de la direction de l'administration pénitentiaire (Dap), le bureau du travail, de la formation et de l'emploi (PMJ3) [ 1 ]Troisième bureau de la sous-direction des personnes placées sous main de justice. a pu, en 2010, finaliser l'un de ses chantiers techniques les plus importants : le transfert à titre expérimental de l'organisation et du financement de la formation professionnelle des personnes détenues aux régions. Une expérimentation s'est effectivement mise en place au 1er janvier 2011 dans les régions Pays de la Loire et Aquitaine. Par ailleurs, les conditions de transfert des actions de formation professionnelle des personnes détenues ont été assouplies par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration du droit. Celle-ci porte la durée de l'expérimentation de trois à quatre ans, et elle permet la mise à disposition du personnel contractuel en charge de la formation professionnelle dans les directions interrégionales du service pénitentiaire (Disp).
Dans leur rapport d'information, les deux sénateurs notent que le champ de l'expérimentation se borne aux seuls établissements en gestion publique. En effet, expliquent-ils, “l'expérimentation de ce dispositif a rencontré un obstacle imprévu : la nécessité d'indemniser les partenaires privés des établissements en gestion déléguée compétents en matière de formation" [ 2 ]Dans les établissements à gestion déléguée, l'administration pénitentiaire et son personnel gardent la responsabilité de la direction de l'établissement, de la garde, de l'insertion et du greffe. Les autres missions sont déléguées à des groupements privés : gestion courante de l'établissement (hôtellerie-restauration, nettoyage, maintenance et entretien des locaux, etc.) et certaines fonctions comme la formation professionnelle et le travail. . Cette évolution a conduit la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, initialement intéressée, à revenir sur son accord de principe. D'autres Régions, comme le Nord-Pas-de-Calais, ont estimé que le périmètre même des actions de formation transférées apparaissait trop restrictif (exclusion, par exemple, du bilan de compétences, que l'État entend se réserver). À ce jour, seules les Régions Pays de la Loire et Aquitaine se sont engagées dans l'expérimentation. Elles ont signé chacune une convention nationale avec la Dap. Ces conventions ayant fait elles-mêmes l'objet de déclinaisons régionales signées par le directeur interrégional du service pénitentiaire et les préfets des régions concernées. Au cours de l'expérimentation, l'État assure un accompagnement financier des Régions sous la forme, d'une part, d'une contribution du ministère de la Justice aux dépenses des personnels affectés à l'expérimentation et, d'autre part, du financement par le ministère du Travail et de l'Emploi des crédits de fonctionnement et de rémunération des stagiaires. Les actions de formation sont éligibles aux crédits du programme opérationnel “compétitivité régionale et emploi" du Fonds social européen (FSE). Les modalités de cofinancement communautaire sont examinées localement par le Conseil régional et le préfet de région, autorité de gestion déléguée du programme opérationnel FSE. À titre de recommandation, les co-rapporteurs souhaitent que les Régions “puissent également s'impliquer dans la formation professionnelle des personnes détenues dans les établissements en gestion privée".

Les co-rapporteurs font référence à l'article R. 57-9-1 nouveau du Code de procédure pénale. Cet article précise que “la personne détenue condamnée remplit l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 27" de la loi pénitentiaire “lorsqu'elle exerce au moins l'une des activités relevant de l'un des domaines suivants : travail, formation professionnelle, enseignement, programmes de prévention de la récidive, activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques". Ils poursuivent : “Si, par souci de pragmatisme et de souplesse, le législateur a entendu donner à la notion d'activité un sens large, il a néanmoins souhaité privilégier le travail et la formation, et, pour les personnes ne maîtrisant pas notre langue ou les connaissances de base, les apprentissages fondamentaux."

Notes   [ + ]

1. Troisième bureau de la sous-direction des personnes placées sous main de justice.
2. Dans les établissements à gestion déléguée, l'administration pénitentiaire et son personnel gardent la responsabilité de la direction de l'établissement, de la garde, de l'insertion et du greffe. Les autres missions sont déléguées à des groupements privés : gestion courante de l'établissement (hôtellerie-restauration, nettoyage, maintenance et entretien des locaux, etc.) et certaines fonctions comme la formation professionnelle et le travail.