Le contrat de professionnalisation pourrait encore être amélioré…

Par - Le 16 mai 2013.

Unanimité à gauche et à droite : le contrat de professionnalisation a fait ses preuves. Il possède une réelle utilité, “un avenir" (Gérard Cherpion, député UMP) et “c'est une bonne formule" (Jean- Patrick Gille, député PS). Mais... il pourrait être amélioré. Explications.

La tendance consistant à opposer contrat d'apprentissage et contrat de professionnalisation n'a pas lieu d'être, selon les responsables politiques chargés de la question de la formation au sein de leur mouvement. Et “fusionner les deux serait une erreur", indique Gérard Cherpion, soulignant que la portée des deux dispositifs n'est pas la même.

Ainsi, le premier est uniquement destiné aux 16- 25 ans. Le second a une double ouverture : permettre aux jeunes d'acquérir les bases d'un métier pour trouver un poste et donner la possibilité aux demandeurs d'emploi de plus 26 ans de se reconvertir. “En théorie, l'apprenti poursuit sa formation initiale, alors que le jeune en contrat de professionnalisation est stagiaire de la formation continue, écrit le Céreq (voir encadré). Les faits, eux, sont plus nuancés. Certains apprentis ont déjà une expérience de la vie active, et le contrat de professionnalisation peut être signé dans le prolongement direct des études. Ainsi, pour les jeunes de la génération 2004 [ 1 ] L'enquête Génération 2004, réalisée par le Céreq, a pour objectif d'analyser les parcours sur le marché du travail des jeunes sortis de formation initiale en 2004 à tous niveaux de formation. Construite autour d'un calendrier professionnel, elle permet de décrire toutes les séquences d'emploi et de non-emploi depuis la sortie du système éducatif., les deux tiers des contrats de professionnalisation peuvent être assimilés à des poursuites d'études."

“Une voie d'alternance, une voie d'excellence…"

En juillet 2011, auteur et rapporteur d'une proposition de loi sur “le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels" adoptée le 28 juillet 2011, Gérard Cherpion avait
proposé l'amélioration du dispositif du contrat de professionnalisation, “soit en l'augmentant, soit en le complétant". Le député des Vosges rappelle ainsi que dans certains métiers, plusieurs étapes sont nécessaires pour obtenir une qualification. Dans le secteur de la bijouterie, par exemple, un contrat de professionnalisation pour un jeune qui débute n'est pas suffisant s'il souhaite rester dans le secteur, car être bijoutier nécessite un CAP. “J'ai également reçu de nombreux témoignages positifs de jeunes qui étaient en master 1 et ont pu continuer dans la même entreprise en master 2 avant d'y être intégrés à l'issue de leur contrat." Il souligne également que c'est “une voie d'alternance, une voie d'excellence, qui n'est pas la seule… Mais en ouvrant la palette des formations, tout le monde pourra trouver la solution qui lui convient car il n'existe pas de réponse unique".

De son côté, Jean-Patrick Gille, député PS d'Indre-et-Loire et vice-président de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, reste également attaché au contrat de professionnalisation, qui “permet d'obtenir des qualifications, des titres". Il plaide pour que chaque dispositif reste en place − mais qu'il puisse être amélioré. Car à ses yeux, le contrat de professionnalisation ne répond pas à son objectif initial de former les
personnes les plus éloignés de l'emploi : selon le Céreq, ce dispositif concerne, dans 60 % des cas, des bacheliers ou des diplômés de l'enseignement supérieur. Hommes politiques et partenaires sociaux qui se disent attachés au contrat de professionnalisation vont devoir aborder son avenir lors de la conférence sociale en juin prochain et pour la future réforme de la formation et de l'apprentissage prévue fin 2013. Pour tenter de le relancer…

Claire Padych


“Apprentissage contre professionnalisation : un faux débat" (Céreq)

Selon le Céreq (Bref n° 276, juillet-août 2010, Jean-Jacques Arrighi, Virgine Mora), “contrats d'apprentissage et de professionnalisation ne sont pas interchangeables.

Malgré des points communs, ils sont plus complémentaires que concurrents. Leur répartition ciblée dans le tissu économique suggère plutôt qu'ils répondent à des besoins précis selon le secteur et la taille de l'entreprise. En nombre de contrats signés, avec environ 20 000 contrats de part et d'autre, professionnalisation et apprentissage font jeu égal parmi les jeunes actifs".

DEUX FOIS PLUS D'APPRENTISQUE DE “CONTRATS PRO"
“Le contrat de professionnalisation a encore un avenir. Il n'est pas encore moribond", assure le cabinet de Michel Sapin, le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle. Pourtant, les chiffres ne sont guère encourageants.

En 2012, le nombre de nouveaux contrats de professionnalisation a reculé de 8,6 % par rapport à l'année précédente. “Ce chiffre est à prendre avec précaution, relativise un conseiller de Michel Sapin. Rappelons qu'il y a eu des problèmes d'enregistrement ici ou là. À supposer que ce chiffre de 8,6 % soit le bon, il faut néanmoins le relativiser dans la mesure où il succède à une hausse de plus de 17 % l'année précédente."

Fin 2012, sur un total de 650 000 jeunes en alternance, 435 000 contrats apprentissage ont été enregistrés, et 215 000 contrats de professionnalisation, dont 173 000 concernaient des salariés de moins de 26 ans.

Un différentiel qui s'explique

En comparaison avec le contrat d'apprentissage, l'évolution du contrat de professionnalisation est très irrégulière. “Quand on interroge les Opca, ils disent que la proportion de contrats de professionnalisation peut varier selon les branches.

L'effet dents de scie peut aussi s'expliquer pour partie par le fait que les aides financières ne sont
pas aussi importantes que pour l'apprentissage", précise le cabinet. Ex-ministre de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage, Thierry Repentin s'est davantage exprimé sur l'apprentissage que sur la professionnalisation. “En raison de la réforme de l'apprentissage à venir", nuance le ministère de l'Emploi. Le gouvernement a fixé un objectif de 500 000 apprentis par an en 2017. L'État est en revanche moins légitime à fixer les objectifs pour les contrats de professionnalisation, qui relèvent de la responsabilité des organisations patronales et syndicales. Tandis que la gouvernance de l'apprentissage est partagée entre l'État, les partenaires sociaux et les Régions.

L'autre facteur expliquant le différentiel entre les deux types de contrats tient à l'Histoire. Les contrats d'apprentissage existent depuis
des décennies, quand les contrats de professionnalisation ont été créés en 2004. 45 % des contrats d'apprentissage sont signés dans l'artisanat. Et 78 % dans des entreprises de moins de 50 salariés. “L'apprentissage est dans l'ADN des artisans", résume notre source. Héritier du contrat de qualification né en 1984, à qui il ressemble trait pour trait dans certaines branches, le contrat de professionnalisation est nettement moins connu du grand public et des chefs d'entreprise.

Pour autant, le gouvernement n'envisage pas sa suppression. Même si Michel Sapin et son collègue de l'Économie et des Finances, Pierre Moscovici, ont commandé à deux inspections générales, l'Igas et à l'IGF, un rapport relatif à l'impact des aides d'État sur les contrat d'apprentissage et de professionnalisation.

David Garcia

Notes   [ + ]

1. L'enquête Génération 2004, réalisée par le Céreq, a pour objectif d'analyser les parcours sur le marché du travail des jeunes sortis de formation initiale en 2004 à tous niveaux de formation. Construite autour d'un calendrier professionnel, elle permet de décrire toutes les séquences d'emploi et de non-emploi depuis la sortie du système éducatif.