L'“affaire Opcareg Île-de-France", première escroquerie de grande envergure dans la formation professionnelle

Par - Le 16 février 2014.

L'affaire avait fait grand bruit dans le landerneau
de la formation professionnelle. En 2002, pour
la première fois, on découvrait − officiellement,
du moins − un vaste réseau de détournement des
fonds de la formation professionnelle.

L'ARFP, organisme délégataire

En 2001, l'explosion de certaines formations
avait alerté des membres d'Opcareg Île-de-
France. [ 1 ]Le réseau des Opcareg (“Opca régionaux"), fondé à la suite de la loi
quinquennale de 1993 (grande réforme de la collecte des fonds de
la formation), a cédé la place en 2007 à Opcalia, Opca interbranches..
En effet, “le nombre de contrats de
formation tutorale pris en charge par l'Opcareg
avait augmenté de manière phénoménale, passant
de 723 en 1999 à 6 517 en 2000 et à 19 000
en 2001". Ce qui avait mis en doute l'intégrité
de David Olivier, directeur de l'Association
régionale de la formation professionnelle
(ARFP). Cette association créée par le Medef
était délégataire de l'organisme collecteur francilien
pour “collecter les contributions des entreprises
au titre de la formation professionnelle et
promouvoir les actions de formation, notamment
les actions de formation tutorale ayant pour objet
de former au sein des entreprises des salariés responsables
de l'encadrement des jeunes en contrat
d'insertion en alternance".

Six années de procédure

Pendant six années, pas moins de quatre juges
d'instruction se relayeront sur ce dossier. Et les
investigations judiciaires permettront alors de
découvrir une vaste escroquerie “au moyen de
conventions de formation tutorale fictives conclues
entre des sociétés prétendument bénéficiaires de formation,
dites formées, et des sociétés censées avoir
délivré des formations, dites formatrices, les conventions
étant accompagnées de documents mensongers,
notamment de fausses feuilles d'émargement
de stagiaires et de fausses factures, pour déterminer
l'Opcareg à payer le montant de formations qui
n'avaient jamais eu lieu, soit aux sociétés formées,
soit aux sociétés formatrices. Certaines de ces sociétés
étaient sans activité réelles et avaient été créées pour
la mise en oeuvre du système frauduleux", précise
l'arrêt rendu le 16 décembre 2011 par la Cour
d'appel de Paris.

“Escroquerie en bande organisée"

Un constat corroboré par les inspecteurs du travail
du service régional de contrôle (SRC) d'Îlede-
France, qui avaient, en mai 2003, mis en évidence
de “très nombreuses prestations fictives auprès
d'entreprises, d'organismes de formation ou d'individus".
Dans son rapport, le SRC avait reproché
à l'Opca d'avoir eu recours, entre 1999 et 2001,
à “des pratiques souvent contraires aux principes de
base de fonctionnement des Opca" et, dans certains,
“frauduleuses et illégales" pour “accroître le volume
de collecte et corrélativement celui des dépenses".
L'escroquerie impliquait 21 personnes “agissant
selon une organisation structurée", avait précisé la
justice. Qualifiant l'affaire d'“escroquerie réalisée
en bande organisée" et d'“abus de biens sociaux".
Elle avait profité aux sociétés et à leurs dirigeants
qui se faisaient non seulement rembourser auprès
de l'Opca, mais bénéficiaient également de
cadeaux ou de commissions versées par certains
salariés de l'ARFP. Ces derniers, “outre l'augmentation
de leurs salaires calculés en partie sur les performances
de l'organisme, se voyaient reverser entre
20 à 30 % du produit de la fraude perçu par les
sociétés concernés". Préjudice pour l'organisme collecteur
: 20 millions d'euros.

Des peines de prison ferme

En première instance, le tribunal correctionnel de
Paris avait prononcé, le 30 juin 2009, des peines
allant jusqu'à quinze mois de prison ferme : trois
ans de prison, dont six ferme, contre Olivier
David, quatre ans, dont quinze mois ferme,
contre deux autres protagonistes. Du sursis, des
relaxes et des dommages et intérêts à l'Opcareg et
à l'ARFP en tant que parties civiles.

Certains protagonistes, considérés par le tribunal
comme les “principaux", n'avaient pas fait appel.
Mais cinq autres avaient comparu devant la Cour
d'appel de Paris puis avaient été condamnés, le
16 décembre 2011, à leur tour, à payer plusieurs
millions d'euros de dommages et intérêts. Leurs
peines passeront de dix-huit mois de prison avec
sursis à dix-huit mois dont seulement douze avec
sursis, soit six mois ferme.

Un domaine aussi exposé que d'autres

Depuis ce verdict, Opcareg Île-de-France devenu
entretemps Opcalia Île-de-France, a opéré
un important travail de restructuration interne.
Contacté par L'Inffo, ils n'a pas souhaité commenter
la décision de justice, “ancienne affaire" et
“mauvais souvenir". Cependant, la condamnation
par le tribunal correctionnel de Bordeaux, en juin
2013, de l'ex-directeur du Fongecif Aquitaine,
Thierry Ansaldo, à quatre ans de prison, dont
deux fermes, pour avoir détourné pendant six
ans (de janvier 2007 à mars 2012) 1,65 million
d'euros pour son bénéfice personnel [ 2 ]L'Inffo n° 841, pp. 32-33., a rappelé
que malgré la vigilance des services de contrôle, la
formation professionnelle reste un domaine aussi
exposé que d'autres aux pratiques frauduleuses. Il
est possible d'espérer que la loi issue de l'Ani du
14 décembre 2013 permettra d'éviter les nombreux
dossiers de détournement dont on évite −
encore souvent − de parler dans les milieux de la
formation professionnelle continue.

Notes   [ + ]

1. Le réseau des Opcareg (“Opca régionaux"), fondé à la suite de la loi
quinquennale de 1993 (grande réforme de la collecte des fonds de
la formation), a cédé la place en 2007 à Opcalia, Opca interbranches..
2. L'Inffo n° 841, pp. 32-33.