Le cas Egilia : quand les juges “cassent" le contrôle

Par - Le 16 février 2014.

Egilia, un cas d'école ? En tous cas, celui d'un organisme
de formation sanctionné par l'administration
pour des dépenses “hors action de formation"
qui se sera pourvu jusqu'au Conseil constitutionnel
dans le cadre d'une QPC (voir L'Inffo n° 819),
sans succès, mais à qui la justice aura finalement
donné raison contre l'administration, soulignant
le flou qui entoure la notion de “bien-fondé des
dépenses de formation". Décryptage.

“Dépenses non rattachables"

C'est en novembre 2009 que la sanction administrative
est tombée sur Egilia, organisme de formation
spécialisé dans le domaine informatique,
condamné à devoir verser au Trésor public la
somme de 176 649,56 euros (ramenée, par la suite,
à 159 122,11 euros). La cause ? Dans le cadre de la
dématérialisation de ses services, l'OF offrait à ses
clients un “kit pédagogique" comprenant notamment
de petits ordinateurs portables sur lesquels les
stagiaires pouvaient se former aux différents logiciels
inscrits au catalogue d'Egilia. Le coût d'un nouveau
paramétrage des machines étant jugé trop onéreux
par l'entreprise, celle-ci avait pris pour habitude, de
2007 à 2008, de les offrir à ses anciens clients, une
fois la formation achevée. “Dépenses non rattachables
à l'activité de formation", avait alors estimé l'administration
de contrôle qui percevait, dans ce don,
un cadeau publicitaire dont le coût n'avait pas à être
assumé par les fonds de la formation.

“Dépenses utiles"

Le 21 septembre 2012, Egilia – ainsi que la
Fourmi Immo, autre OF spécialisé, lui, dans la
formation aux métiers de l'immobilier – tentait de
faire “casser" cette décision administrative dans le
cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité,
portée devant le Conseil constitutionnel. Las,
suivant en cela les arguments présentés par Xavier
Pottier, alors chargé des questions de constitutionnalité
auprès du Premier ministre d'alors, le
Conseil avait rejeté la demande de l'OF. Toutefois,
dans leurs considérants, les Sages avaient substitué
la notion de “dépenses utiles" à celle de “dépenses
nécessaires". Une évolution sémantique que Pierre-
Manuel Cloix, l'avocat d'Egilia, avait alors estimé
de nature à “élargir le champ des dépenses susceptibles
d'être effectuées par un organisme de formation sans
le limiter à la seule action pédagogique" et qui l'avait
encouragé à poursuivre le marathon judiciaire devant
le tribunal administratif de Paris.

Distinguer la formation
de la communication


Avec raison, puisque dans son jugement
rendu le 26 février 2013, celui-ci donnait
finalement raison à l'OF et sommait
l'administration de lui restituer
les sommes versées au Trésor public,
ainsi que de prendre en charge les frais
de procédure d'Egilia, estimés à 1 500
euros, estimant que le don du “kit pédagogique"
informatique aux anciens
stagiaires relevait bien d'une action de
formation et non de dépenses marketing.
En revanche, sur la somme totale
redressée, 16 282, 30 euros, dépensés,
eux, pour l'achat de peluches, sacs à dos,
T-shirts et autres gadgets, ont bel et bien
été considérés comme relevant d'actions
de communication et n'ont donc pas été
restitués à Egilia.

“S'il y a une leçon à retenir de cette affaire,
c'est que l'administration a tout intérêt à
écouter les entreprises lorsqu'elles lui justifient
leurs dépenses de formation", expliquait Me
Cloix à L'Inffo. “En privilégiant la notion de dépense
utile à celle de dépense nécessaire, le Conseil
constitutionnel avait tenu compte des évolutions
techniques de la formation – en matière de FOAD
particulièrement – même s'il avait finalement rejeté
la demande d'Egilia."

Le jugement du tribunal administratif de Paris
sera-t-il de nature à faire jurisprudence en matière
de dépenses de formation ? “Il est trop tôt pour
le dire, répond l'avocat, mais peut-être le jugement
rendu par le tribunal administratif aidera-t-il, à
l'avenir, l'administration à regarder les situations
des OF au cas par cas plutôt que d'appliquer la lettre
de la loi."