Rencontres avec les organismes de formation des élus

Par - Le 01 mai 2014.

195 organismes agréés en France. Associations,
instituts ou centres de formation, les acteurs sont
aussi nombreux que diversifiés. Et avec plus de
36 000 maires et près de 520 000 conseilleurs municipaux,
le public susceptible de se former est large.
D'où l'intérêt, pour les organismes, de se positionner
sur ce type de prestation.

Droit et marchés publics

Depuis plusieurs années, Jean-Henri Berger forme
les élus dans le Vaucluse. Son école des candidats
et des élus élabore des sessions à la demande. “Nous
proposons des formations personnalisées selon les destinataires."
Les nouveaux élus y trouvent des formations
très techniques, axées sur l'acquisition de notions
de base dans le domaine juridique, financier,
ou encore des marchés publics. Une manière pour
eux d'acquérir toutes les compétences pour diriger
au mieux leur territoire. Les candidats aux élections
y trouvent aussi leur compte. En effet, des modules
sont organisés autour de la préparation d'une campagne,
pour qu'ils acquièrent les notions fondamentales
avant de se lancer sur le terrain. “Les cours sont
étalés sur 18 heures et les stagiaires sont répartis successivement
en trois groupes : celui des candidats, celui des
directeurs de campagne et, enfin, celui des journalistes.
Cela permet à chacun d'appréhender toutes les dimensions
d'une campagne." Une formation payante, qui
récolte le plus souvent des retours positifs. “Tout le
monde n'a pas gagné les élections, mais on constate une
amélioration nette des scores dès le premier tour pour
les candidats ayant suivi la formation."

Des formations très techniques...

À l'Institut de formation des élus territoriaux (Ifet),
les élus départementaux sont formés depuis 1994.
Jean-Yves Gouttebel, président de l'institut et président
du Conseil général du Puy-de-Dôme, souhaite
aujourd'hui s'adresser à tous les élus. “Nous
formons depuis maintenant quelques années les élus
municipaux et nous allons lancer prochainement des
actions spécifiques pour les maires ruraux. Elles seront
mises en place dès le milieu de l'année pour permettre
aux nouveaux maires d'en bénéficier." Ancien professeur
d'université, Jean-Yves Gouttebel est arrivé à
la tête de l'Ifet grâce à sa connaissance du milieu
de la formation. “J'ai suivi beaucoup de formations
en tant qu'élu et ce qui me plaisait surtout, c'était la
richesse des échanges entre les différents participants.
Les séminaires sont des lieux de partage d'expériences
très enrichissants. C'est ce que nous essayons de continuer
à développer à l'Ifet." L'institut se concentre
surtout sur des formations très techniques répondant
aux demandes concrètes des élus. Comment
réaliser sa déclaration sur le patrimoine, quels sont
les responsabilités engagées et les risques juridiques,
toutes sortes de questions auxquelles les formateurs
apportent des éclairages nécessaires.

... et partisanes ?

Des organismes de formation indépendants ?
Difficile à dire. Beaucoup d'entre eux sont dirigés
par des personnes clairement encartées dans un
parti politique. C'est le cas pour l'Iforel, dirigé par
Sophie Montel, secrétaire national aux élus au Front
national. Ou encore l'Ifet, dirigé par l'élu socialiste
Jean-Yves Gouttebel.

Charge à eux de prendre garde au délit de favoritisme.
En témoignent les démêlés de la société
Bygmalion, fondée en 2008 par deux anciens collaborateurs
du président de l'UMP, Jean-François
Copé [ 1 ]Selon le magazine Le Point (n° 2164, en date du 6 mars 2014),
Bygmalion aurait facturé une formation fictive au Conseil général des
Alpes-Maritimes. Une plainte a été déposée pour diffamation.,
et pointée du doigt par des journalistes de
notre confrère Le Point. Ideepole, organisme de formation
des élus, est une filiale de Bygmalion.

“Seulement des clés pour réussir
leur mandat"


Pourtant, si les suspicions peuvent naître au regard
de ces éléments, les organismes se défendent de
toute orientation idéologique de leur formation.
Au contraire, la majorité d'entre eux revendiquent
leur neutralité politique. À l'école des candidats et
des élus du Vaucluse, Jean-Henri Berger souhaite
orienter ses formations sur la forme, mais se refuse
d'intervenir sur le fond. “Nous n'avons pas pour vocation
de dicter le contenu des programmes aux élus ou
aux candidats que nous formons. L'idée, c'est seulement
de leur donner les clés pour réussir leur mandat ou leur
campagne, mais pas de nourrir l'idéologie." À l'Ifet,
si le président agit clairement sous les couleurs du
Parti socialiste au niveau de son département, il
confirme qu'il n'y a pas d'orientation politique de
l'organisme. “Nous nous contentons de délivrer des
formations techniques. Les formateurs ne sont pas des
idéologues, mais des spécialistes qui ne se préoccupent
pas de l'idéologie partisane".

“Les partis envoient de la publicité"

Au niveau de la commune, les informations en
termes de droit de la formation ont du mal à parvenir
jusqu'aux oreilles des élus. Régis Roussel,
conseiller municipal d'une petite commune dans
le Valenciennois et par ailleurs responsable de mission
à Centre Inffo, explique que ce sont les partis
politiques qui se mobilisent pour démarcher
les élus afin de vendre des formations :
“Les partis envoient de la publicité
dans les mairies pour
faire connaître
les organismes de
formation affiliés.
Ce sont eux les
principaux relayeurs
d'information sur les
droits en la matière.
C'est aussi une manière
pour les plus petits partis
de se faire connaître."

Quels profils pour les
formateurs ?


Des coachs. Ou des techni- c i e n s .
Selon le contenu de la forma- tion, les instituts
font appel à différents profils pour suivre les
élus. À l'école des candidats et des élus, le coaching
personnel proposé est délivré par des formateurs
spécialisés et issus de l'équipe nationale d'haltérophilie.
Des sportifs au mental d'acier pour former
les élus, une tendance qui n'est pas sans faire penser
au récent développement du coaching dans tous les
aspects de la vie. “Les formations comportementales
sont assez récentes. Elles suivent un effet de mode que
l'on retrouve dans de nombreux domaines", explique
Régis Roussel.
Pour les formations techniques, ce sont les spécialistes
qui sont mobilisés. L'Ifet est un “centre de
ressources de formateurs" qui intervient auprès des
élus selon les besoins. Universitaires, consultants
ou encore professionnels du droit, des profils variés
et particulièrement aguerris dans les domaines
concernés.

Admettre son besoin de
professionnalisation


“On remarque qu'il est plus facile de former les candidats
que les élus déjà en place. Une fois qu'il est aux
commandes, le « leader » a du mal à admettre qu'il a
besoin de développer ses connaissances." Perçu comme
un aveu d'échec, la formation n'a pas toujours la
cote auprès de certains élus, comme l'explique Jean-
Henri Berger. Même si cela a tendance à changer,
selon Jean-Yves Gouttebel. “Cette démarche de formation
était auparavant plus timide, car vécue comme
un aveu de non-savoir. Aujourd'hui, la demande est
assez spontanée, j'ai de moins en moins l'impression
que l'élu admet une lacune en venant vers nous."

Connaître les risques qu'un élu encoure

Les élus ont pourtant besoin de maîtriser des notions
essentielles à l'exercice de leur mandat. Leur responsabilité
peut être engagée dans certains cas et
il est donc essentiel pour eux de
connaître les risques juridiques
qu'ils encourent. Les
formations techniques
contribuent à ce savoir.
Mais ils peuvent aussi
compter sur de véritables
professionnels
constituant leurs
équipes pour
orienter leur politique
et leur
action. “Le
maire est là pour
trancher. En revanche,
tout ce qui relève du technique est
pris en charge par les directeurs et les secrétaires
de mairie qui sont choisis pour leurs compétences
et leur savoir. Cela est d'autant plus vrai dans les
petites villes.". D'où, selon Régis Roussel, le manque
d'appétence dans les petites villes de la formation,
notamment par les conseillers municipaux. “La fonction
est conçue comme un engagement associatif. On
ressent moins la nécessité de se former car les premières
compétences nécessaires sont celles du contact humain et
de la proximité avec les administrés afin de répondre très
concrètement à leurs attentes."

Notes   [ + ]

1. Selon le magazine Le Point (n° 2164, en date du 6 mars 2014),
Bygmalion aurait facturé une formation fictive au Conseil général des
Alpes-Maritimes. Une plainte a été déposée pour diffamation.,