Maïté

Errecart

La ville de Paris s'est engagée sur le terrain de la lutte contre les discriminations au travail à travers l'adoption en mai 2008 d'une “charte pour l'égalité dans l'emploi". Début février, 800 cadres de la ville ont entamé une formation sur trois ans à la prévention, la détection et le traitement des discriminations.

Par - Le 24 mars 2009.

Inffo Flash - La “charte pour l'égalité dans l'emploi" a été adoptée pour répondre à quels besoins, quels constats ?

Maïté Errecart - Représentant une collectivité humaine de 50 000 agents, la mairie de Paris se devait de prendre en charge, de manière volontariste et concrète, la question des discriminations au travail. La démarche d'égalité professionnelle, dont la charte constitue une avancée importante, répond à trois impératifs.

Tout d'abord à un impératif éthique et de justice sociale : le maire de Paris a, dès 2001, témoigné de son attachement à la question de l'égalité réelle en chargeant sa première adjointe, Anne Hidalgo, de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Aujourd'hui, la ville compte autant de directrices que de directeurs et les femmes bénéficiant de promotions, en proportion de la population “promouvable", sont même légèrement plus nombreuses que leurs collègues masculins. Fatima Lalem, adjointe au maire de Paris en charge de l'égalité femmes-hommes, met toute sa compétence et son énergie à poursuivre ce chantier.

La prévention et le traitement des discriminations au travail est également un impératif pour la qualité du service rendu aux Parisiens : la diversité de l'administration et sa capacité à prévenir les comportements discriminants sont le meilleur gage du respect de l'égalité de tous les citoyens face au service public, valeur à laquelle la mairie de Paris est particulièrement attachée.

Enfin, il s'agit également d'un impératif d'efficacité dans la mesure où la discrimination au travail, qui est parfois inconsciente et fait appel au ressenti et à la subjectivité, crée des malentendus et des tensions qui perturbent le travail de tous.

IF - Pourquoi former les cadres de la ville ? Comment vont s'organiser les formations, qui va les assurer ?

M. E. - Nous avons choisi d'appuyer le déploiement de cette politique sur les cadres, car nous savons que c'est dans le management de proximité que s'insinuent les discriminations professionnelles. C'est donc à ce niveau que nous agirons en priorité. Tous les agents en charge de fonctions RH pourront être formés. Notre objectif est de former environ 800 agents par an, sur trois ans.

Chaque session, dont la première a été organisée à la fin du mois de février, se déroule sur une journée et a pour objectif de présenter et d'expliquer le cadre juridique, de mettre en évidence le rôle des représentations et des stéréotypes dans les processus de discrimination et d'identifier des bonnes pratiques et des moyens d'action. Nous avons choisi de nous faire accompagner par un prestataire spécialisé, doté d'une grande expérience dans ce domaine.

IF - Vous allez réaliser une enquête pour mieux connaître les discriminations au travail. Avec quels objectifs ?

M. E. - Cette enquête est fondamentale à plus d'un titre. De nombreuses organisations avant nous se sont heurtées à la complexité de mesurer les discriminations, qu'il est parfois difficile de traduire en éléments objectifs. C'est pourquoi cette enquête comportera un volet qualitatif important, permettant d'analyser le ressenti des agents. Cela nous permettra, le cas échéant et dans un second temps, d'orienter nos travaux vers tel ou tel type de discrimination : sexe, âge, origine réelle ou supposée, religion, etc.

Toutefois, cela ne nous exonère pas d'une réflexion approfondie sur nos procédures, et c'est le second volet de cette étude. Les collectivités publiques, dont les agents sont régis par un statut, se croient souvent – et à tort – à l'abri des discriminations à l'embauche. En effet, le concours apparaît comme un mode de recrutement objectif, qui ne repose que sur l'évaluation des compétences. Malheureusement, ce n'est pas aussi simple : nous devons donc analyser en détail les facteurs d'exclusion qui interviennent dans ce processus. Le travail réalisé par Yamina Benguigui, adjointe au maire en charge des Droits de l'homme et de la lutte contre les discriminations, va nous aider à cibler ce qui, de manière inconsciente et involontaire, nuit à la diversité de notre administration. Une projection de son film, Le plafond de verre, sera d'ailleurs organisée pour les agents de la ville dans les mois qui viennent.

IF - Comment vont être constitués les groupes de suivi, et avec quelles missions ?

M. E. - Ces groupes-projets, constitués sur la base du volontariat, vont regrouper des agents et agentes de directions, de filières et de catégories différentes. Ils ont deux objectifs principaux : aider tout d'abord les agents eux-mêmes dans le travail qu'ils mèneront dans leur service, avec leurs collègues. La lutte contre les discriminations au travail est, malgré tout, une démarche relativement nouvelle à la ville, et il est important que ceux qui en sont les principaux acteurs puissent échanger et mettre en commun leurs expériences.
D'autre part, ils vont également nous aider à identifier, de manière très concrète et au plus près du terrain, des processus discriminatoires qui auraient échappé à une étude par nature un peu théorique, et évaluer ainsi, au quotidien, l'avancée de notre démarche.

IF - Quels sont les projets à venir de la ville en matière d'emploi ?

M. E. - La démarche d'égalité professionnelle participe d'une volonté plus large de modernisation de l'administration parisienne. Là encore, nous ne partons pas de rien, et beaucoup a été fait, lors de la mandature précédente, notamment en matière d'outils de pilotage et de gestion.

Nous travaillons sur des questions statutaires, en déclinant notamment la réforme de la catégorie C, qui nous a conduits à diminuer le nombre de “corps". Mais la question centrale reste celle de la gestion des compétences : parallèlement à une démarche en termes de métiers, nous ouvrons un grand chantier de concertation sur le champ de la formation.

Le rythme soutenu d'ouverture de nouveaux équipements, la mise en place de nouveaux services à destination des Parisiens et la prise en compte des nouveaux moyens d'expression de la démocratie de proximité imposent à l'administration parisienne de gagner encore en souplesse et en réactivité.

Propos recueillis par Sandrine Guédon