Michel

Clézio

Par - Le 20 janvier 2009.

 “Il faut lever des ambiguïtés liées à la déclaration d'activité"

Substitution d'un portail-répertoire à la déclaration d'activité, labellisation des prestataires, développement des “services sociaux d'intérêt général" : le président de la Fédération nationale des Urof, Michel Clézio, fait le point sur ces grands enjeux du secteur.

Inffo Flash - Dans son rapport, le groupe de travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation recommande l'inscription (libre et gratuite) des prestataires sur un “portail-répertoire". Approuvez-vous cette proposition ?

Michel Clézio - Cette proposition, à laquelle la Fédération des Urof n'est pas opposée, découle de plusieurs constats largement partagés, me semble-t-il :

  • une inflation déclarative que la déclaration d'activité n'a finalement pas freinée et qui ne reflète pas la réalité du tissu des organismes de formation ;
  • une ambiguïté persistante entre déclaration d'activité et “agrément", notamment utilisée dans le champ marchand pour des usages commerciaux et publicitaires, qui altère la lisibilité et la crédibilité de l'offre de formation.

Par contre, cette déclaration volontaire ne permet pas d'éviter un usage abusif : des formateurs que des organismes obligent à se déclarer comme organisme de formation afin d'éviter les devoirs et les charges sociales liés à l'établissement d'un contrat de travail. Outre la précarisation qu'elles induisent, ces pratiques nuisent aussi à la crédibilité du secteur.

IF - Il est question que cette auto-inscription n'entraîne pas d'exonération de la TVA. Qu'en pensez-vous ?

M. C. - La Fédération des Urof a fait savoir que si nous comprenions le souci de l'État d'éviter les effets d'opportunisme liés à l'activité de formation, une telle préconisation nous semblait précipitée et hasardeuse.

Précipitée, parce qu'elle doit être précédée d'une étude d'impact précise et de discussions avec Bercy, afin d'obtenir des assurances sur le périmètre des missions exonérées.
Hasardeuse, parce qu'une telle différence de traitement nous parait introduire le risque d'une requalification de l'exonération en aide d'État qui, vous le savez, est interdite par le traité de la Communauté européenne. Pour être autorisé, cet avantage économique accordé aux uns (les organismes publics et les autres organismes reconnus par l'État comme concourant aux mêmes missions) et non aux autres, devra s'inscrire comme une juste compensation d'obligations de service public, imposée aux acteurs exonérés dans le cadre d'un service d'intérêt général.

IF - Pourquoi considérez-vous la labellisation des prestataires de formation comme une “fausse bonne idée" ?

M. C. - La labellisation semble une bonne idée, parce qu'elle répond aux besoins légitimes des acheteurs de mieux identifier la professionnalisation des offreurs de formation ; mais c'est en réalité une fausse bonne idée, parce qu'elle nous semble impraticable, notamment dans le champ de la commande privée, tant les acteurs et les prestations sont diversifiés. Outre le problème de l'“euro compatibilité" d'un tel label, qui de facto restreindrait le libre accès au marché de la formation, qui le gérerait ? Selon quels critères, pour embrasser une telle diversité de situations ?

IF - Votre fédération est-elle favorable à l'intermédiation préconisée par le groupe sur l'offre ?

M. C. - La préconisation visant à optimiser et à rendre plus transparente la relation entre la demande de formation et l'offre de formation nous parait de bon sens. La confusion d'intérêt que l'on constate souvent et qui se traduit par de l'autoprescription vers les organismes de son propre réseau ne concerne pas que la sphère consulaire ; les services d'orientation de l'Afpa souffrent aussi de cette image, et il y a bien lieu à clarifier cette fonction nécessaire en la rendant plus transparente, y compris par une comptabilité séparée et par une plus grande lisibilité des orientations et des prescriptions.

IF - La Fédération nationale des Urof milite activement pour que la formation des demandeurs d'emploi soit intégrée dans le périmètre des “services sociaux d'intérêt général" (SSIG). A-t-elle été entendue ?

M. C. - Il semble en tout cas que soit largement partagé le constat selon lequel le Code des marchés publics n'est pas le bon outil d'achat pour des formations de demandeurs d'emploi qui demandent co-construction, ancrage territorial, ajustements.

La problématique liée aux SSIG a pu paraître plus absconse et, il faut l'admettre, elle l'est ! Elle constitue pourtant la seule porte de sortie pour que cet assouplissement soit conforme au droit national et au droit communautaire. C'est la raison pour laquelle nous avons joint au rapport une contribution spécifique sur ce sujet. Rappelons que, selon la Commission européenne, la formation professionnelle relève en droit communautaire d'un “service social d'intérêt général". La Commission reconnait ainsi qu'elle est un élément clé de cohésion sociale, économique et territoriale.

Propos recueillis par Knock Billy