Patrick

Cotrel

En période d'incertitudes, il faut compenser toute forme de précarisation, assure la Région Pays de la Loire, qui met l'accent sur la formation des personnes en chômage partiel. Stigmatisant plusieurs autres mesures qui lui apparaissent comme relevant d'une volonté de recentralisation.

Par - Le 24 mars 2009.

Inffo Flash - Votre Région a déclaré son intention d'investir dans la formation des salariés en chômage partiel. La situation est-elle particulièrement préoccupante dans votre région, dont le taux de chômage est inférieur à la moyenne nationale ?

Patrick Cotrel - Notre région est la troisième en matière d'activité industrielle. Les grandes entreprises de la métallurgie et de la construction nautique se sont déjà séparées de leurs intérimaires. Les entreprises ligériennes comptaient pour 6 % des demandes de mise en chômage partiel aux DDTE en France en 2008. En janvier 2009, elles étaient 11 %. C'est dire qu'il y a urgence. Notre initiative répond à l'impératif de conserver la capacité de production et la compétitivité des entreprises ayant recours au chômage partiel.
Le budget de la Région voté récemment a provisionné 10 millions d'euros pour la formation des salariés en chômage partiel, en plus des 42 millions d'euros consacrés à la formation des demandeurs d'emploi dans le cadre de sa compétence de droit commun.

IF - Où en est le plan “6 000 compétences" lancé en 2008, et qui vise à former à certains métiers en tension ou compétences nouvelles ?

P. C. - Ce plan axé, au départ, sur certains métiers en tension de la métallurgie, a permis, grâce à des journées portes ouvertes, aux Olympiades des métiers et à d'autres événements, d'apporter des compétences à ce secteur. Le comité de pilotage comprend les grands chantiers navals, Airbus, plusieurs Opca, des sous-traitants, les syndicats patronaux et de salariés, la DRTEFP, le préfet. Il vient de se réunir pour étendre le dispositif, en y incluant notamment d'autres secteurs, comme le BTP.
Grâce à ce plan, nous sommes aussi intervenus dans la formation du personnel de sous-traitants, dont l'activité était particulièrement menacée si les compétences de son personnel n'étaient pas réorientées. La formation des chômeurs partiels pourrait y être intégrée.

IF - Comment imaginez-vous les modalités de cofinancement de la formation des chômeurs avec l'arrivée du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FFSPP) décidé par l'Ani du 7 janvier dernier ?

P. C. - Nous sommes dans une situation d'urgence. Après le chômage partiel, se profilent les licenciements. La coopération entre la Région et les partenaires sociaux est bonne. Nous sommes sur la même longueur d'onde. On ne peut pas en dire autant du côté de la préfecture, où nous percevons la volonté de tout recentraliser. Ceci dit, nous sommes conscients que ce FPSPP est lui-même très centralisé et appelé à être décliné via les Copire. Nous avons de bonnes relations avec la Copire des Pays de la Loire, avec laquelle nous avons monté plusieurs projets de conseil en GPEC en direction des PME. Mais le cadre régional ne bénéficie d'aucune marge de manœuvre. Il faudra toujours l'accord du CPNFP au national. Et disons-le, le Fup rebaptisé reste sous le contrôle de l'État, vu la nature de l'obligation légale.

IF - Comment envisagez-vous la collaboration avec Pôle emploi en matière de formation des demandeurs d'emploi, sachant qu'est prévu à l'Ani un programme opérationnel vers l'emploi (POE) comprenant 400 heures de formation ?

P. C. - Nous ne sommes pas parvenus à rencontrer pour le moment le directeur régional de Pôle emploi. Nous nous interrogeons en effet sur ce que vont devenir nos conventions avec l'ANPE et les Assédic en matière d'aide au recrutement par la formation.
Notre vision du retour vers l'emploi est collective et passe par des certifications de type CQP, CCP, qui constituent un élément fort de la sécurisation de parcours professionnels.
Le POE semble obéir à des logiques d'insertion dans l'emploi individuelles, et non pérennes, éloignées de notre vision de l'insertion durable dans l'emploi.

IF - Que va changer le passage de la formation des infirmiers dans le système universitaire licence-master-doctorat (LMD) ?

P. C. - Nous avons mis un certain temps à remettre un peu d'ordre dans la formation des personnels sanitaires et sociaux, dont les formations, sous le contrôle des Ddass et Drass, se sont souvent avérées de mauvaise qualité.
Il a fallu évaluer le coût réel des formations d'infirmiers noyé dans des budgets globaux de CHU. Une chose est sûre : le passage sous LMD, sur cinq ans au lieu de trois ans, va mobiliser encore davantage les fonds de la Sécurité sociale et des Régions, pour les transferts non compensés...

IF - Comment analysez-vous le détachement de personnels de l'orientation de l'Afpa vers Pôle emploi ?

P. C. - Jusqu'à présent, l'ANPE avait recours à ces personnels dans le cadre de prestations payantes. Or, la Région, dans le cadre de la décentralisation de la commande publique de l'Afpa, envisageait d'ouvrir ce qu'il est convenu d'appeler les prestations associées (hébergement, restauration, orientation-accompagnement) à des stagiaires venant d'autres organismes de formation. Avec le détachement des personnels chargés de l'orientation, on assisterait à un véritable démantèlement. Or, les services associés conditionnent l'entrée effective en formation des personnes peu solvables.

Propos recueillis par Renée David-Aeschlimann