Pierre

Guénant

Poitou-Charentes : le CESR propose un nouveau statut juridique pour l'Afpa.

L'Afpa est à la croisée des chemins. Pour le Conseil économique et social de Poitou-Charentes, seuls des statuts juridiques de type “SIEG" ou “SSIEG" peuvent permettre de déroger aux règles de commande publique, et garantir à l'Afpa la continuité de ses “actions de formation d'intérêt général". Pierre Guénant, président du CESR, répond à nos questions.

Par - Le 28 janvier 2009.

Inffo Flash - Depuis le 1er janvier, les financements des activités de l'Afpa ont été entièrement transférés à la Région. Dans son avis du 8 décembre dernier, le CESR a souhaité que l'organisme de formation se dote d'un nouveau statut juridique. Pour quelles raisons ?

Pierre Guénant - En l'absence d'un nouveau statut, toutes les actions de formation conduites par l'Afpa seront soumises à la logique du marché. Une mise en concurrence de ces formations conduirait inévitablement à remettre en cause la qualité des services à rendre, car elles nécessitent un investissement lourd en termes de ressources, de contenus et de méthodes, difficiles à standardiser et, donc, à rentabiliser.

Pour le Conseil économique et social de Poitou-Charentes, les stages de formation à destination des publics en difficulté – jeunes sortis du système scolaire sans qualification, chômeurs longue durée ou travailleurs handicapés, etc. – doivent continuer à relever de missions de service public.

Seuls des statuts juridiques de types SIEG (services d'intérêt économique général) ou SSIEG (service social d'intérêt économique général), tels qu'ils sont appelés au niveau européen peuvent permettre de déroger aux règles de commande publique et garantir à l'Afpa la continuité de ses actions de formation d'intérêt général.

IF - Comment conduire efficacement une telle mutation ?

P. G. - Dans le cadre d'un conventionnement entre l'État, le Conseil régional et l'Afpa dans la continuité du partenariat conduit en 2007 pour anticiper la décentralisation. Il est important que l'État accorde une certaine souplesse dans la mise en œuvre du transfert de compétences en donnant la possibilité aux Conseils régionaux de subventionner en 2009 (pour une durée déterminée) les stages de formation d'intérêt général.

Dans le même temps, au regard de l'utilité sociale de l'Afpa, il est essentiel que le Conseil régional continue à inscrire ses actions de formation dans le cadre d'un service public régional de formation professionnelle.

IF - La convention-cadre de transfert anticipé signée entre l'État, la Région et l'Afpa, en octobre 2007, ne prévoit pas de report des actions de formation après 2009. Comment y remédier ?

P. G. - Par le biais d'une subvention dite de “raccord" pour prolonger le dispositif transitoire de manière dérogatoire aux règles de mise en concurrence.

Cette solution proposée dans certaines régions est acceptée par l'État si elle reste temporaire, le temps de mettre en place un nouveau statut juridique permettant à l'Afpa de répondre aux objectifs de service public régional de formation professionnelle et de préserver son rôle d'opérateur de formations.

IF - Les activités d'accueil-information et orientation de l'Afpa reviennent désormais au Pôle emploi. Vous recommandez la construction d'un dispositif régional qui intègrerait ces prestations. Comment l'imaginez-vous ?

P. G. - Les conditions du transfert des activités d'accueil-information-orientation de l'Afpa au Pôle emploi ne sont pas encore connues. Pour le Conseil économique et social de Poitou-Charentes, elles devraient être déterminées en fonction du rôle et des futures missions qui seront confiés à l'Afpa par les Régions. Dans le cadre d'un service public régional de formation professionnelle à destination des publics en difficulté, il est indispensable que l'Afpa puisse conserver une partie de ses prestations d'accueil-information-orientation.

À l'image du dispositif “Quart'Avenir" expérimenté en Poitou-Charentes, l'Afpa assurerait alors, en lien avec le Pôle emploi, une prise en charge globale des publics en difficulté, de l'accueil-information-orientation jusqu'à la qualification.

IF - Pourquoi redoutez-vous que la décentralisation de l'Afpa n'entraîne sa régionalisation ?

P. G. - L'organisation et le financement des missions de service public de l'Afpa dépendent dorénavant du Conseil régional et de l'utilisation qu'il fera des moyens financiers transférés par l'État. Celui-ci peut décider d'exercer la compétence qui lui est transférée directement en régie autonome, transformant ainsi l'Afpa en un établissement public régional. C'est la raison pour laquelle le Conseil économique et social de Poitou-Charentes souhaite que l'Afpa reste une association de dimension nationale. De même, si l'assemblée soutient la création d'un service public régional de la formation professionnelle, son statut (un SIEG ou un SSIEG) doit permettre à l'Afpa de garder sa double compétence (service public et activités marchandes).

De même, le Conseil économique et social de Poitou-Charentes considère que l'Afpa doit conserver la gestion de son outil de production si elle veut garder son autonomie et développer, à côté des stages de formation d'intérêt général, une offre de formation répondant aux appels d'offres des entreprises, des branches professionnelles et des autres collectivités territoriales.

Propos recueillis par Knock Billy