Jacques

Coudsi

Par - Le 16 janvier 2012.

2012, année de tous les dangers pour l'Afpa ?

Le 24 janvier prochain aura lieu le séminaire du conseil d'orientation de l'Afpa qui définira de nouvelles orientations stratégiques de l'association. Avec pour objectif annoncé “le retour à une Afpa structurée pour ses missions de service public : formation qualifiante des publics éloignés de l'emploi et peu qualifiés, intégrant tous les services nécessaires à une véritable sécurisation des parcours, de l'orientation jusqu'au titre professionnel". Cette situation est nouvelle et résulte d'un “coup de force" des membres du conseil d'orientation vis-à-vis du conseil d'administration.

[(Depuis le 1er juillet 2011, l'Afpa connaît une nouvelle gouvernance, composée de deux instances : le conseil d'orientation et le conseil d'administration. Le premier est chargé de déterminer les orientations stratégiques et est composé de 20 membres : 4 représentants des Conseils régionaux, 4 de l'État, 4 des confédérations syndicales, 4 des organisations d'employeurs et 4 personnalités qualifiées, dont Jean-Luc Vergne, président de l'Afpa. Le conseil d'administration détermine le budget et contrôle la gestion en fonction des orientations fixées par le conseil d'orientation. Il est composé de 8 personnalités qualifiées, le président de l'Afpa (sans voix délibérative) et 2 représentants du personnel. )]

“La question du partage des responsabilités entre ces deux instances constitue une des questions-clés de la situation actuelle, explique Jacques Coudsi, délégué syndical CGT. Soit le conseil d'orientation, et donc, à travers lui, les quatre grands acteurs de la formation professionnelle en France, joue son rôle, soit la seule approche de l'avenir de l'Afpa devient une approche purement gestionnaire." Réuni le 13 décembre 2011, “le conseil d'orientation a refusé le coup de force de ceux qui ont tout fait pour l'empêcher d'exercer ses prérogatives", comme l'ont indiqué ses membres dans un communiqué, et a décidé d'engager la réflexion sur l'avenir de l'association. “Pour la première fois depuis longtemps, une porte s'est entrouverte sur un autre avenir", estiment les organisations syndicales (CGT, CFDT et Sud-Solidaires).

“L'urgence à définir le cap"

À l'issue de cette réunion, le conseil d'orientation a annoncé engager un travail “en vue de fixer les axes stratégiques qu'il entend donner à l'association pour les années qui viennent". “Tous les membres ont souligné l'urgence à définir le cap, pour le management et l'ensemble des salariés de l'association", a ajouté le président de l'Afpa.

Les décisions ainsi prises par le conseil d'orientation engagent la nouvelle gouvernance de l'Afpa issue de la modification de ses statuts en juillet 2011. Il s'agit d'une “nouvelle approche constructive de son avenir et de ses missions de service public", selon ses membres. L'objectif est de contrer “la logique de destruction de l'Afpa". Les organisations syndicales CGT, CFDT et Sud-Solidaires ont demandé au directeur général “de respecter les décisions prises par le conseil d'orientation et, en conséquence, de suspendre toute décision remettant en cause les prérogatives de cette instance, en premier lieu celles remettant en cause les emplois et l'implantation des centres de formation".

Car l'Afpa connaît depuis plusieurs années une histoire difficile, conséquence de la volonté des pouvoirs publics d'ouvrir l'association au marché concurrentiel. L'Afpa est aujourd'hui dans une situation jugée “catastrophique". Et ce n'est pas par hasard, selon Jacques Coudsi : “Des problèmes, il y en a eu, il y en a, mais on ne nous a pas laissé le temps de les résoudre."

Genèse d'une situation “catastrophique"

L'Afpa a été créée au lendemain de la guerre pour aider à la reconstruction du pays, l'idée étant de former des adultes aux métiers du bâtiment. Peu à peu, l'Afpa s'est ouverte à d'autres métiers avec pour public des salariés peu qualifiés. Organisme de formation, l'Afpa a également offert un service global d'orientation et de construction de parcours grâce à ses psychologues, à présent rattachés à Pôle emploi. Au total, 200 centres de formation étaient répartis sur l'ensemble du territoire, offrant un maillage important de plateaux techniques, principalement dans les banlieues et des zones industrielles.

À partir des années 1980, alors que le chômage structurel s'installait, l'Afpa est devenue un outil de politique de l'emploi, en complément de l'ANPE. Le public salarié a laissé la place aux demandeurs d'emploi. Et le système fonctionnait. Tout a basculé au début des années 2000 et plus précisément en 2004, avec la loi sur la décentralisation. Décentralisation des fonds de la formation professionnelle, soit un milliard d'euros, parmi lesquels les crédits alloués à l'Afpa (500 000 millions d'euros). “À aucun moment l'État n'a ordonné que les crédits décentralisés soient réaffectés à l'Afpa !", pointe Jacques Coudsi.
En 2009, l'État impose la mise en concurrence et le système des appels d'offres en matière de formation. “Il a invoqué des règles européennes sur la concurrence, en oubliant que les activités de l'Afpa sont des services d'intérêts généraux", s'insurge le délégué syndical CGT. Rapidement, l'Afpa a assisté à la fermeture de ses plateaux techniques en même temps l'État poursuivait sa politique de désengagement. “Tout a fondu comme neige au soleil : orientation, ingénierie, formation des publics spécifiques, maintien du maillage de proximité, tout a été transféré."

Autre étape pour l'Afpa : le transfert de l'orientation à Pôle emploi. Une décision qui a touché de plein fouet les psychologues de l'Afpa. “Devenus salariés de Pôle emploi, ils n'ont pas conservé leurs missions. L'État s'était engagé sur la continuité du service. Mais rien n'a été fait en ce sens, assure Jacques Coudsi. Il n'y a même pas eu de discussions entre Pôle emploi et l'Afpa. C'est tout un patrimoine intellectuel qui a été démoli !"

La question du patrimoine immobilier

Un autre sujet affecte la situation de l'Afpa : son patrimoine. Terrains et bâtiments étant la propriété de l'État, ce dernier a souhaité les transférer à l'Afpa, pour “capitaliser" l'association et en faire une entreprise autonome. Ce projet a été inscrit dans la loi de finances 2009 dans son article 54, qui a été rejeté par le Conseil constitutionnel. Aujourd'hui, le patrimoine de l'Afpa appartient donc toujours à l'État, qui considère que l'association doit en assumer les charges d'entretien, qui s'élèvent à 100 millions d'euros, une ligne considérable dans son budget.

En parallèle, la direction a choisi de geler les embauches et de ne pas remplacer les départs des salariés. Depuis deux ans, 3 000 emplois ont ainsi été perdus. “Le peu de personnes embauchées l'est en CDD et certains centres de formation n'ont même plus de standard ou de référents hiérarchiques", précise Jacques Coudsi. Début 2011, La direction a présenté un nouveau projet stratégique dont l'objectif est de restructurer l'association et de l'aider à prendre le virage concurrentiel.

Fin 2011, la mobilisation était forte pour que l'Afpa ne sombre pas. De nombreuses actions ont été réalisées émanant des représentants des salariés et du personnel de l'Afpa lui-même : droit d'alerte, intervention des représentants du personnel aux réunions du conseil d'administration, lettres ouvertes aux membres du conseil d'orientation, pétitions, actions locales du personnel, etc.
Après le séminaire du 24 janvier, “le budget 2012 pourra, si besoin, être revu et adapté par le conseil d'administration, tant en fonction des orientations arrêtées que de l'évolution de l'environnement", selon les organisations syndicales. Autant dire que cette réunion est très attendue.