La sous-traitance en formation : une pratique courante (Interview Pablo Martinez)

Par - Le 16 février 2013.

“Formateur-consultant est un métier qui ne garantit pas à tous des revenus conséquents. La précarisation est l'une des caractéristiques de ce métier. Malgré mon carnet d'adresses et mon activisme en matière de démarchage, je dois travailler pour des structures", indique Pablo Martinez, formateur-consultant en ressources humaines. “Pour qui est formateur-consultant en solo, que ce soit comme indépendant ou en portage, le démarchage commercial en direct demande de l'investissement financier et du temps, explique Claude Lépineux, dirigeant du cabinet Co-efficient. Passer par l'intermédiaire d'un organisme de formation est une option. Les démarches commerciales se limitent alors à se présenter aux principaux acteurs du marché, qui feront ensuite appel à vous pour animer l'un de leurs programmes. L'organisme, pour sa part, se charge de la promotion des ventes, du commercial, de la conception des grandes lignes du programme et la partie administrative de la relation et de la facturation au client final."

Pour les formations “catalogue" aussi

Selon lui, “les relations entre les formateurs-consultants et les organismes de formation évoluent, se diversifient et se tendent parfois. L'accès direct au client final est plus difficile pour les indépendants, mais des niches et positionnements existent toujours. _ De leur coté, les organismes de formation ont des politiques de sous-traitance qui s'accentuent".

Claude Lépineux distingue globalement deux tendances majeures de sous-traitance. La première, appelée “sous-traitance de spécialité", est celle qui fait appel à une expertise “pointue", pour des formations sur-mesure. L'autre, nommée “sous-traitance de capacités", correspond à des besoins de production standard, de type “catalogue", satisfaits par le recours à des CDD et/ou à l'externalisation de tâches.

Contrats de sous-traitance

En effet, “lorsqu'un organisme de formation ne peut assurer tout au partie d'une formation, il peut conclure un contrat de sous-traitance avec un autre organisme, qui doit lui aussi être préalablement déclaré. Ce contrat est obligatoirement écrit et porte sur une prestation de formation clairement déterminée dans ses contenus et dans sa durée", indique sur son site la Fédération de la formation professionnelle (FFP), qui a d'ailleurs créé un modèle de contrat de sous-traitance “pour favoriser et aider" ce type de contrat. Elle rappelle que l'organisme signataire de la convention première est le donneur d'ordre. C'est lui qui a la responsabilité du contrôle et du suivi de la formation dispensée par le sous-traitant.

De l'art de “vendre" les compétences des autres

Quel que soit le secteur d'activité, la tendance est à l'externalisation des prestations, avec notamment pour objectif, la réduction des coûts. “C'est une pratique courante que l'organisme de formation puise dans les nombreuses candidatures spontanées de formateurs qu'il reçoit ou de ceux qu'il connaît, et selon les spécialités pour répondre à des demandes", rappelle-t-il. C'est à l'organisme de savoir “placer" le formateur, en “vendant" les compétences de ce dernier. “Outre sa force de commercialisation ou d'influence, le cabinet se sert souvent de mon CV, de mes compétences et de mes références pour décrocher un marché !", témoigne Pablo Martinez, qui travaille avec un organisme proposant, notamment, des formations en Afrique. Répertoriée en tant que formatrice en finances locales auprès de l'organisme “Forum pour la gestion des villes et des collectivités territoriales", Christine Labrousse est souvent sollicitée pour intervenir sur des actions de formation liées à ses spécialités. “C'est l'organisme qui répond à une commande ou remporte un marché, et ensuite fait appel à moi !" Les deux formateurs reconnaissent qu'“il est important que le consultant ait une notoriété auprès du ou des organismes qui le sollicitent".

La sous-traitance “en cascade"

Mais il arrive que le formateur concerné ne puisse, pour une raison ou une autre, répondre à la demande de l'organisme donneur d'ordre. “Il est fréquent que je récupère en troisième une prestation. Cela ne me dérange pas, dès lors que j'ai les compétences pour assurer cette formation", confie Richard Boutiélé, formateur indépendant en management. En effet, indique Christine Labrousse, “la sous-traitance en cascade est une pratique courante. Si le formateur qui obtient une action n'a pas les compétences requises, il peut faire appel à un confrère. Ce dernier facture sa prestation au premier, qui refacture au donneur d'ordre".

Mais attention, conseille Pablo Martinez, “l'organisme qui fait travailler le formateur-consultant n'a pas le droit de s'immiscer dans son processus pédagogique. Si c'est le cas, c'est un indicateur important, qui, quel que soit son statut, prouve qu'il est son salarié. C'est pour cela qu'il faut toujours établir un contrat écrit précisant les engagements réciproques des acteurs..."

Le paiement des prestations

Le paiement s'effectue par une facture établie par le sous-traitant au nom de l'organisme donneur d'ordre et après réalisation de la prestation. “Dans le cas d'un formateur individuel, le contrat de sous-traitance n'est justifié que si ce sous-traitant a une activité régulière et conséquente dans le domaine de la formation, avec une clientèle qui lui est propre", précise la FFP. Qui rappelle : “Dans tous les autres cas, l'intervention (même courte) doit être rémunérée sous forme de salaire, y compris si le sous-traitant a, pour des activités dans un autre domaine, le statut de travailleur indépendant. Quels que soient la forme contractuelle et le mode de rémunération convenus initialement par les parties, l'Urssaf est seule compétente pour apprécier si la prestation relève ou non d'un contrat de sous-traitance."