Annie

Thomas

Annie Thomas se prononce pour une obligation conventionnelle.

La CFDT prône l'émergence d'une logique de financement conventionnelle. Annie Thomas, secrétaire nationale, propose aussi une solidarité financière pérenne en direction des salariés peu qualifiés et des demandeurs d'emploi. Une politique des petits pas où la gouvernance demeure un sujet encore difficile à aborder.

Par - Le 29 juillet 2008.

Inffo Flash - La CFDT prône la substitution d'une logique d'obligation conventionnelle à la logique d'obligation légale pour les employeurs. Comment justifiez-vous votre position ?

Annie Thomas - Nous défendions déjà cette idée au moment de la négociation de l'accord national interprofessionnel en 2003, mais, depuis, le débat n'avait pas progressé. Le rapport Carle l'a remise à l'ordre du jour. La raison principale de notre position est la priorité que notre organisation accorde à la négociation collective. Cette négociation porterait sur l'ensemble des champs de la formation avec une “sanctuarisation" du Cif et de la professionnalisation. Pour ce qui est du plan de formation, on pourrait imaginer un cadre général négocié branche par branche qui vaudrait pour les entreprises n'ayant pas de plan. Pour les autres, les plus grandes, la négociation du plan se ferait au niveau de l'entreprise. Un simple avis consultatif ne suffit pas.

IF - Les organisations patronales, le Medef en tête, ne sont guère favorables à la disparition de cette obligation légale.

A. T. - Nous pourrions les convaincre en leur démontrant l'efficacité économique de deux secteurs hors champ, l'agriculture et les professions libérales, qui panachent obligations légale et conventionnelle, cette dernière étant liée à des dépenses bien précises. Les exploitations relevant du Fafsea cotisent pour moitié à une contribution volontaire conventionnelle. Nous pourrions nous acheminer vers un système mixte ouvert à la négociation.

IF - Pour la formation des plus en difficulté, quelle solidarité financière imaginer : au coup par coup ou de manière pérenne, avec la création d'un fonds ad hoc ?

A. T. - L'article 15 de l'Ani du 11 janvier 2008 prévoit la mise en place d'un fonds de sécurisation des parcours professionnels en vue de former ceux qui sont en transition par rapport à l'emploi. Nous pourrions bâtir une solidarité intersectorielle entre Opca qui garantirait un traitement égal des salariés et des demandeurs d'emploi. Tous les Opca verseraient une contribution négociée branche par branche qui irait dans un fonds qu'il n'est au demeurant pas nécessaire de créer. Le Fup et les Fongecif existent déjà. Ils pourraient garantir la mobilité et la sécurisation qui n'ont pas présidé à leur création, mais qui, aujourd'hui, s'imposent. Il pourrait ensuite y avoir conventionnement avec d'autres contributeurs tels les Régions, l'État, les Conseils généraux, l'Unédic. Serait ainsi créé un système pérenne garantissant un guichet unique pour les publics. Avançons sur ce terrain, avant de parler gouvernance.

IF - Un consensus semble se dégager sur
la nécessité de regrouper les Opca sur des critères de seuil et de leur demander
un effort accru en termes de services.
Qu'en pensez-vous ?

A. T. - Les Opca pourraient en effet se regrouper par familles de métiers fonctionnant avec les mêmes logiques de professionnalisation. Je pense au commerce, à la santé qui pourraient se voir doter d'un seul Opca. Quant aux services qu'ils pourraient rendre, ceux-ci touchent non seulement les entreprises, mais aussi les individus. Bien sûr, aider des PME à entrer dans des démarches anticipatrices telles la GPEC mais aussi à gérer le Dif grâce à des outils logiciels ad hoc, comme le fait déjà l'Agefos-PME. On pourrait aussi imaginer une aide à la professionnalisation de l'achat de formation, et la liste peut s'allonger.

IF - Le rôle des Régions à travers le PRDF est aussi en question, et le dialogue n'est pas toujours facile entre elles, l'État et les branches. Comment la CFDT se positionne-t-elle sur ce terrain ?

A. T. - Une des grandes faiblesses du débat en cours réside dans la liaison entre formations initiale et continue. Il y a là comme une sorte de “trou noir". Ainsi, certaines personnes se traînent une “double peine" avec une formation initiale insuffisante – notamment pour les 100 000 jeunes sortant sans qualification du système scolaire – et les salariés peu qualifiés qui, de ce fait, accèdent moins à la formation continue et risquent plus souvent le chômage. Le travail en commun, État-Région, m'apparaît indispensable. De leur côté, les partenaires sociaux qui répugnent à se laisser entraîner dans une temporalité politique, pourraient entretenir un dialogue facilité avec les Régions grâce aux Copire. Ainsi, nous pourrions parvenir à une forme de PRDF négocié, mais avec des clauses de révision en cours. Cinq ans, c'est bien long pour certains secteurs d'activité.

Propos recueillis par Renée David-Aeschlimann