Félix

Dossou

“La formation professionnelle des couvreurs et maçons ne tient pas suffisamment compte des réalités du terrain".

Chercheur au CNRS, Félix Dossou nous explique pourquoi la “professionnalisation durable" et la VAE constituent des leviers pour ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles aux maçons et couvreurs. À partir de ses travaux sur les référentiels, il estime que ceux-ci doivent être mieux formés aux réalités du terrain.

Par - Le 15 octobre 2008.

Inffo Flash - La validation des acquis de l'expérience est très peu utilisée par les maçons et les couvreurs. Pourquoi est-il nécessaire de la développer ?

Félix Dossou - Les artisans et professionnels du secteur du bâtiment ont acquis par leur expérience professionnelle un niveau de qualification supérieur à celui attesté par les certifications obtenues (diplômes, titres, etc.). Cet état de fait constitue souvent un obstacle à leur évolution professionnelle et à leur mobilité. Une analyse systématique de leurs activités et compétences, dans un objectif de validation des acquis de l'expérience, ouvrirait des opportunités nouvelles de recrutement, notamment chez les jeunes et les femmes.

IF - Développer la VAE serait aussi, selon vous, l'occasion de repenser les référentiels de compétences des métiers de couvreur et de maçon...

F. D. - J'ai effectivement travaillé, dans le cadre du projet Equal Trans-formations, à la construction d'outils référentiels de formation pour les métiers de couvreur et maçon, en collaboration avec des artisans, des formateurs, et des techniciens de la Capeb. Mes travaux de recherche, qui s'appuient sur de nombreux entretiens menés avec des professionnels, me conduisent à penser que la formation professionnelle ne tient pas suffisamment compte des compétences requises pour le terrain. Il n'est pas rare que les formations, quel que soit leur niveau (CAP, BEP, bac pro, licence pro), s'élaborent à partir d'objectifs de connaissances. Je pense qu'il faut d'abord dégager les compétences, et, à partir de là, définir les objectifs de certifications (diplômes). Cette question se pose aujourd'hui avec d'autant plus d'acuité que les métiers du bâtiment connaissent un bouleversement en raison du Grenelle de l'environnement.

IF - On pourrait pourtant penser que ces formations professionnelles, construites le plus souvent en alternance, permettent aux apprentis et lycéens de se rendre compte de la réalité du terrain...

F. D. - Ce n'est pas l'avis de tous les professionnels, loin de là ! Certains, que j'ai pu rencontrer, se plaignent de la formation reçue par les jeunes. Ces derniers, lorsqu'ils arrivent sur le marché du travail, manquent de compétences pour être opérationnels rapidement sur le terrain. Quand on y regarde de près, les démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) prennent elles aussi une toute autre allure, si on dispose d'un outillage centré sur les compétences. Il en est de même pour la validation des acquis de l'expérience (VAE) avec ce qu'elle entraîne comme lien avec les dispositifs de professionnalisation.

IF - Quelles grandes familles de compétences ont tendance à faire défaut chez les jeunes ?

F. D. - Le conseil au client (le fait de travailler en collaboration avec lui) est un des axes à améliorer. Or, le conseil au client, qui recouvre une vingtaine de compétences, ça ne s'invente pas, ça s'apprend... Une autre grande famille de compétences mériterait aussi d'être mieux explorée durant la formation professionnelle : la coopération avec les autres corps de métiers. Pour qu'un chantier soit bien mené, il est crucial que les différents acteurs communiquent. C'est un critère de professionnalisme. Or, pour communiquer, faut-il encore pouvoir entendre et comprendre les exigences des autres métiers... Là encore, les formations professionnelles ont un rôle à jouer pour donner une idée de l'étendue des métiers du bâtiment.

IF - Que faudrait-il pour que les formations professionnelles des métiers de maçon et couvreur soient plus en prise avec la réalité du terrain ?

F. D. - Il faudrait favoriser et encourager la communication entre professionnels et pédagogues, lesquels ont du mal à se rencontrer. Et lorsqu'ils se réunissent, ils peinent à parler le même langage ! Résultat : professionnels et pédagogues construisent peu de choses ensemble. Dans le cadre du projet Equal Trans-formations, nous avons commencé à rebâtir des référentiels activités, tâches, compétences, sur le modèle du projet pilote européen de “professionnalisation durable" (voir encadré). L'idée étant de privilégier une entrée “métier-activité" : pour chaque métier, on analyse les activités et les tâches qui doivent être réalisées et les compétences nécessaires pour en assurer la bonne exécution. À partir de ce socle, restent à définir les objectifs de certification, c'est-à-dire ce que le certificateur doit vérifier à l'issue d'un parcours de formation ou dans le cadre d'une validation des acquis de l'expérience.