François

Godlewski

Par - Le 27 novembre 2007.

Le déploiement de la e-formation dans les administrations françaises

Invité du cabinet de conseil Secteur public pour sa journée pédagogique du 13 novembre consacrée à la e-formation dans les administrations, François Godlewski, chargé de mission “technologies pour la connaissance" au ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables, a bien voulu s'entretenir avec nous sur la place de la e-formation dans la fonction publique.

Inffo Flash : Quel est le rôle d'un chargé de mission “techno-logies pour la connaissance" ?

François Godlewski : J'ai créé cette fonction à partir de mon expérience professionnelle en matière de systèmes d'information documentaire. Il s'agit de sensibiliser l'administration à la question de l'innovation technologique dans les processus de gestion des connaissances. J'essaie de réaliser une veille sur le sujet et, plus particulièrement, sur la e-formation, ce qui m'a amené à entamer en septembre 2006 un tour de piste des principaux acteurs. D'un autre côté, la e-formation ne doit pas rester isolée et doit savoir trouver des correspondances. C'est pourquoi l'intitulé fait référence aux “technologies pour la connaissance", concept plus large.

Inffo Flash : Quelle est la réalité des pratiques de e-formation dans
les administrations à l'heure actuelle ?

François Godlewski : Il est assez difficile de répondre, dans la mesure où il est probable qu'un certain nombre d'actions ne sont tout simplement pas connues, faute de communication. Mais même si l'administration ne bouge pas en bloc, des initiatives existent, à l'image de la formation en alternance dispensée par l'École nationale des techniciens de l'équipement (ÉNTÉ)1 d'Aix-en-Provence, qui intègre des sessions en formation ouverte et à distance.

Le ministère des Finances est également en pointe, avec l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE)2, centre de formation qui organise depuis 2002 une “Journée de la e-formation" et possède depuis 2005 une plate-forme de e-formation. Environ 180 000 agents disposent ainsi d'un accès à des contenus, notamment dans les domaines de la bureautique et des préparations aux concours. On peut aussi évoquer le site de la Direction générale de la modernisation de l'État (DGME)3, qui rend compte des pratiques de
e-formation.

Inffo Flash : Pensez-vous que les modalités de formation innovantes ont vocation à s'appliquer à tous les domaines de compétences et à tous les métiers de l'administration ?

François Godlewski : Oui, dans la mesure où l'environnement de travail des agents, l'intranet, devient riche en connaissances. On devrait davantage s'appuyer sur les contenus en ligne pour faire des parcours d'insertion et de formation. Une plus grande convergence entre systèmes d'information et systèmes de formation, dans une logique de knowledge management, est souhaitable. Les environnements de travail devraient intégrer des outils d'apprentissage collaboratifs.

Il est certain que le travail en réseau et les communautés de pratique deviendront des endroits bien repérés pour l'insertion et la formation. Mais malheureusement, le mot “formation" crée une frontière entre les différents “lieux" de formation, alors qu'il y a un continuum. Quand je me forme en interrogeant mes collègues, ça ne débouche pas sur un diplôme – mais c'est efficace.

Inffo Flash : La démarche de mise en œuvre doit-elle être différente selon que l'on vise la fonction publique d'État, territoriale ou hospitalière ?

François Godlewski : Il y a, au moins en ce qui concerne les deux premières, beaucoup de métiers communs et donc beaucoup de ressources pédagogiques communes. Mais si la mutualisation est souhaitable, elle nécessiterait un signalement, ce qui n'existe pas encore. Il y a très peu de réflexe “mutualisateur", parce que le présentiel ne se prête pas à ça et qu'il demeure la modalité dominante. Cela étant, peut-être que les collectivités territoriales représentent un échelon plus léger, moins difficile à faire bouger qu'un ministère.

Inffo Flash : Subsistent-t-il des freins spécifiques au développement de la e-formation ?

François Godlewski : En ce qui concerne l'administration, personne n'ose “tirer le premier" et tout le monde s'attend dans un système décisionnel compliqué. On peut regretter un certain manque de professionnalisme chez les maîtres d'ouvrage. Contrairement au privé, la rotation des effectifs fait que les personnes en poste ne sont pas toujours des professionnels du secteur. Cette faiblesse des ressources humaines ne facilite pas le “benchmarking" de l'univers numérique. On rate des sujets par manque de veille. Par ailleurs, le fait que la e-formation figure rarement à l'agenda politique en tant que tel aboutit à une absence d'émulation.

Inffo Flash : Vous êtes l'auteur d'un blog4 sur la e-formation à destination de vos collaborateurs qui n'est pas hébergé par le ministère. Coïncidence ?

François Godlewski : On sait que blogs et wikis5 ont leur importance dans la gestion des connaissances et j'ai souhaité disposer de cet outil en pensant qu'il serait utile à mes collaborateurs. De fait, le ministère ne proposant pas d'outil collaboratif, il se trouve hébergé chez un prestataire privé.

Inffo Flash : De quoi a besoin le chargé de mission “technologies pour la connaissance" que vous êtes pour réussir ?

François Godlewski : Je suis à la fois certain du bien-fondé de la cause et habité d'un certain “complexe de Don Quichotte"…

Il manque une impulsion en faveur des technologies de la connaissance. Dès lors que l'on sort des “initiés", le sujet reste confidentiel. Les agents sont pourtant intéressés et mobilisables, mais la difficulté est de faire éclore l'envie d'agir à une masse critique d'individus : pour que ça bouge, il faudrait que tout le monde bouge en même temps. Il faudrait plus d'outils collaboratifs et moins de réticences de la part des plus de 40 ans.

Propos recueillis par Nicolas Deguerry

  1. www.ente.equipement.gouv.fr
  2. www.institut.minefi.gouv.fr
  3. www.thematiques.modernisation.gouv.fr
  4. Quelques informations sur la e-formation

    http://veille-e-formation-medad.blogspot.com
  5. Un wiki rend les pages web librement modifiables par tous les visiteurs autorisés.