Jean-François
Bernardin
Avec un taux proche de 25 %, le chômage des jeunes est une vraie spécificité française. Le diplôme permet-il de s'en prémunir ? Et que faire pour les jeunes sans diplôme ? Ces questions seront débattues lors du 12e Carrefour de la formation et de l'emploi[[Voir dans ce numéro, p. 31, rubrique Agenda.]], organisé par l'Assemblée des Chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) à Tours les 22 et 23 novembre prochain. Jean-François Bernardin, président de l'ACFCI, propose une première analyse de la relation entre diplôme et chômage, thème de cette manifestation.
Par Centre Inffo - Le 01 novembre 2006.
Inffo Flash : Quel lien établissez-vous entre diplôme et chômage ?
Jean-François Bernardin - Je distinguerais deux catégories de jeunes qui rencontrent des difficultés liées à la relation entre diplôme et emploi. La première est constituée de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification. Beaucoup sont en échec dès l'école primaire et ne sont pas en situation de progresser au collège. La seconde concerne ceux qui s'engagent dans des études universitaires sans se soucier des débouchés, convaincus que leurs études, quelle que soit la discipline, leur permettra d'accéder à l'emploi. Le chômage des jeunes révèle un vrai problème d'inadaptation du système de formation.
Inffo Flash : Comment expliquez-vous ces dysfonctionnements ?
Jean-François Bernardin : La question de l'orientation est cruciale. Autrefois, les métiers et leurs voies d'accès étaient relativement simples à identifier. C'est beaucoup plus difficile aujourd'hui. Les salariés construisent d'ailleurs davantage leur identité professionnelle par rapport à l'entreprise qui les emploie qu'en référence à un métier. Les postes étant déjà difficiles à définir, l'information sur leurs filières de formation est a fortiori plus complexe. Ces inconvénients sont aggravés pour les jeunes issus de milieux défavorisés, moins au fait des méandres des parcours de formation. Il serait temps que le décret du 6 février 1986, qui assignait aux Services communs universitaires d'information et d'orientation (Scuio) une mission d'orientation et de préparation à l'emploi des étudiants, soit pleinement appliqué. Cependant, une volonté réciproque de coopération anime aujourd'hui entreprises et Universités, et je crois qu'une transformation de l'Université est en cours.
Inffo Flash : Quelles évolutions percevez-vous dans les relations entreprises-Universités ?
Jean-François Bernardin : À titre d'exemple, la CCI de Versailles, que je préside, gère un CFA d'ingénieurs en collaboration avec l'Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI) et un autre, commun à la CCI et à l'Université de Cergy-Pontoise, est en cours de constitution.
Actuellement, l'alternance est mesurée en pourcentage (environ 10 %) et concerne souvent la dernière année, alors que les stages devraient avoir lieu plus tôt dans les cursus universitaires. Les licences professionnelles mises en place depuis six ans sont intéressantes, mais souffrent d'un manque de lisibilité : plus de 1 000 sections sont ouvertes et coexistent, par ailleurs, avec plus de 4 000 masters proposés. L'offre est donc particulièrement atomisée.
L'ACFCI propose de professionnaliser l'ensemble des études universitaires et qu'une partie se déroule en mobilisant le dispositif de l'apprentissage. Celui-ci est encore trop concentré sur le niveau V (54 % dans les CCI), mais ses résultats sont très supérieurs à tous les autres systèmes : le taux d'emploi moyen, tous diplômes et toutes zones confondus, dépasse les 85 %. Il offre également une grande souplesse d'adaptation. Régulièrement, de nouvelles sections sont ouvertes ou fermées pour répondre aux besoins des entreprises. Les démarches qualité qui se sont développées ont participé de la relance. L'apprentissage est désormais une filière de réussite, du CAP au BTS et au-delà. Les chargés de relation avec les entreprises dans les CFA permettent de réaliser en permanence les ajustements nécessaires.
Inffo Flash : Comment analysez-vous les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises ?
Jean-François Bernardin : La majorité des chefs d'entreprise éprouvent des difficultés à recruter : certains reçoivent 200 CV pour un emploi, mais beaucoup d'autres n'arrivent pas à trouver le personnel dont ils ont besoin. Quand ils déclarent “ne trouver personne", cela signifie : “aucune personne suffisamment motivée pour le travail proposé". L'offre et la demande ne se rencontrent pas. Les entreprises ont besoin de collaborateurs avec des bases solides : les jeunes changeront de métier, ou leur métier changera. Ils doivent être à la fois opérationnels dès leur premier emploi et capables d'évoluer.
Propos recueillis par Patricia Gautier-Moulin
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