Jérôme

Lesavre

Depuis sa constitution en février 2005, la Commission territoriale d'insertion (CTI) de Nancy et Couronne a engagé de nombreux chantiers dans le cadre d'ateliers de réflexion auxquels participe l'ensemble des partenaires locaux. À partir de ces travaux et en prenant appui sur les orientations du Conseil général de Meurthe-et-Moselle, la CTI a élaboré et adopté en 2007 un programme territorial d'insertion (PTI) pour trois ans, qui fixe des objectifs stratégiques adaptés au territoire.

Par - Le 08 septembre 2008.

Inffo Flash - Dans quel contexte propre à votre territoire la CTI a-t-elle été installée en février 2005 ?

Jérôme Lesavre - À la suite de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI) et créant un revenu minimum d'activité (RMA), les Départements ont été conduits à redéfinir leurs politiques d'insertion en direction des bénéficiaires du RMI. Les élus ont ainsi fixé des orientations et revisité l'ensemble du dispositif partenarial et pratique pour traduire dans les faits l'insertion, prioritairement le droit à l'emploi durable pour chaque bénéficiaire du RMI, quels que soient les freins et la distance par rapport à l'emploi. Le Département de Meurthe-et-Moselle compte 16 000 bénéficiaires du RMI pour 720 000 habitants. Le territoire de Nancy et Couronne, l'un des six territoires du Département, en comptabilise 9 000 pour 300 000 habitants. Dans ce contexte, chaque territoire réfléchit et discute avec les acteurs de ces mêmes territoires, compte tenu des situations des personnes qui ne sont pas identiques partout. Il existe en effet six Commissions territoriales d'insertion (CTI), une par territoire ; celle de Nancy et Couronne est composée de représentants du Département, des services de l'État et collectivités locales (CCAS, DDTEFP, communautés de communes, ANPE, Région Lorraine, etc.), des Plie, et d'autres structures qui interviennent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion (Secours catholique, Médecins du monde, etc.). La CTI de Nancy et Couronne est constituée de 35 représentants qui se réunissent notamment au sein d'ateliers thématiques techniques en fonction des compétences de chacun. Les thèmes des ateliers sont les suivants (jusqu'à ce jour) : interface pour l'accès à l'emploi, accompagnement vers l'emploi, lien social et insertion, culture et lien social, clauses d'insertion dans la commande publique, services d'appui aux bénéficiaires du RMI porteurs de projets de création d'activités, accès des bénéficiaires du RMI à la formation professionnelle.

IF - Ces ateliers de réflexion spécifiques ne tendent-ils pas à segmenter les actions d'insertion au détriment d'une action globale ?

J. L. - Les ateliers ne portent pas sur l'ensemble des thématiques du programme d'insertion de notre territoire. Ils portent sur des enjeux bien précis et visent à renforcer les partenariats. Les animateurs des ateliers restituent, suite à un travail de réflexion de six mois, les conclusions des travaux en réunion plénière de la CTI afin de garantir la cohérence des actions à mener. Les travaux au sein des ateliers ont permis de construire un programme territorial d'insertion (PTI). Pour résumer, le Conseil général de Meurthe-et-Moselle a fixé en 2004 des orientations départementales en matière d'insertion et sur cette base, les six territoires ont chacun élaboré un PTI, tous adoptés au cours de 2007. À partir de là, le Département doit opérer une synthèse des six PTI pour en dégager un programme départemental d'insertion (PDI). L'élaboration de ce plan stratégique est en cours ; il sera vraisemblablement ajusté en fonction du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion dont nous ne connaissons pas encore précisément le contenu et la portée.

Dans le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), la CTI finance 175 postes en contrats aidés. Tous les territoires ont inclus dans leur PTI la démarche TTEMM (tremplin pour travailler en Meurthe-et-Moselle) voulue par le Conseil général. Cette démarche, construite sur mesure, est une passerelle pour l'emploi durable dans les secteurs marchand et non marchand à destination des bénéficiaires du RMI. Elle s'appuie sur le contrat d'avenir (CA) et le contrat d'insertion - revenu minimum d'activité (CI-RMA). TTEMM s'inscrit dans le cadre de l'expérimentation nationale prévue par l'article 142 de la loi de finances 2007. Lorsque nous signons un contrat TTEMM, le Département garantit à l'employeur une aide maximale de 10 000 euros par contrat, donc plus que ce que la loi prévoit. Il s'agit d'une aide incitative, objet d'une convention avec la Région, les Opca, les chambres consulaires, etc., et qui doit être consacrée à la formation professionnelle, à l'accompagnement dans l'entreprise, ou au tutorat. En outre, nous avons missionné des acteurs de l'IAE, via une convention, pour un accompagnement des bénéficiaires du RMI ou des entreprises qui embauchent ces derniers. L'ANPE est délégataire pour le compte du Conseil général pour des actions de promotion de TTEMM auprès des entreprises mais apporte également l'ingénierie nécessaire au montage, au financement et au suivi du dispositif.

IF - Le développement d'accords avec de nouveaux partenaires prospecteurs d'emploi autres que l'ANPE est-il envisagé ?

J. L. - Le partenariat avec l'ANPE s'explique en partie par la signature d'un accord-cadre national entre l'ANPE et l'ADF (Assemblée des Départements de France) le 6 décembre 2005, formalisant le partenariat entre l'ANPE et les Conseils généraux pour le suivi professionnel des bénéficiaires du RMI. Le Département ne concevait pas dans un premier temps de faire de l'ANPE un partenaire obligé, tout en réfléchissant à la manière de travailler avec l'Agence. En matière de formation professionnelle, par exemple, on constate une faible proportion de bénéficiaires inscrits dans les formations proposées par la Région, soit moins de 3 % de bénéficiaires sur le bassin d'emploi de Nancy en 2006. Dès septembre 2007, un atelier a été mis en place avec la Région, l'ANPE, l'Afpa, des représentants du plan d'insertion par l'économique de l'agglomération nancéienne (PIEAN), la Maison de l'emploi, le Centre d'accueil permanent de l'Éducation nationale (Capen) et les chambres consulaires, pour étudier notamment la mise en place d'une instance de coordination et de validation des projets de formation individuelle des personnes, habilitée à adapter des actions de formation au public. Cet atelier a permis de réaliser de façon sommaire un inventaire des outils existants de validation d'un parcours de formation pour mieux les connaître et surtout mieux les utiliser. Le principe d'une validation préalable des demandes de formation par l'ANPE, chargée également d'examiner le montage financier, a été retenu. À ce titre, le Département s'adosse à la Région, qui est compétente en matière de formation. La CTI n'a donc pas vocation à mettre en place des conventions dans ce domaine avec des partenaires autres que la Région et l'ANPE. L'essentiel est que les bénéficiaires du RMI soient considérés comme des demandeurs d'emploi ordinaires et qu'ils aient le même droit d'accès aux offres de formation professionnelle.

IF - Parmi les priorités 2007-2010 du PTI figure la levée des freins à l'accès à l'emploi. Pouvez-vous préciser lesquels, et la manière de les dépasser ?

J. L. - La CTI Nancy et Couronne s'est fixé quatre objectifs prioritaires pour permettre de lever les freins à l'accès à l'emploi. Ces objectifs prioritaires se situent dans les domaines de la mobilité géographique, la garde d'enfants, la santé et la lutte contre la discrimination à l'embauche. Au sujet de la mobilité, nous essayons de mettre en place des solutions spécifiques comme, par exemple, le “transport à la demande" pour les bénéficiaires reprenant une activité professionnelle, sans permis de conduire ou sans moyen de locomotion, et dont les besoins de mobilité ne peuvent être assurés par les transports en commun. Nous souhaitons également permettre à ce public de s'organiser vers une solution à plus long terme en l'aidant à passer le permis de conduire ou à acquérir un véhicule. Concernant la garde d'enfants, nous partons des structures existantes en nous demandant comment garantir un quota de places pour les enfants de familles bénéficiaires du RMI. En matière de santé, la CTI inscrit comme priorité de favoriser l'accès aux soins des bénéficiaires en veillant à ce qu'ils procèdent chaque année au renouvellement de leur droit à la CMU. Pour lutter contre la discrimination à l'embauche des bénéficiaires, notre objectif est de proposer des actions de sensibilisation et de formation à destination des professionnels de l'insertion. L'ANPE forme d'ailleurs ses conseillers emploi et nous finançons des actions sur la valorisation des différences en direction des entreprises, via le Medef.

Propos recueillis par Philippe Grandin