Bourquin

Inffo Flash : Quels sont les grands défis spécifiques qui ont fondé l'élaboration de la stratégie régionale ?

Martial Bourquin : La Région se trouve confrontée à trois défis majeurs, qui auront un impact important sur la formation et la qualification des hommes et des femmes de Franche-Comté : la réduction très importante de l'emploi industriel, l'exode d'une proportion importante de jeunes, notamment parmi les plus diplômés qui quittent la région, et enfin, le départ en retraite de très nombreux actifs.
L'économie franc-comtoise est effectivement en profonde évolution. Notre région a un taux d'emplois industriels parmi les plus élevés. Or, il faut aujourd'hui faire face à la réduction de ces emplois, et se tourner plus encore vers des domaines relevant de “l'économie de la connaissance", conforter l'agriculture et l'agroalimentaire, secteurs qui bénéficient d'une forte notoriété nationale, voire internationale, et maintenir et développer le secteur de l'artisanat qui “maille" les territoires, dans un souci renouvelé de développement durable.

La seconde difficulté à laquelle nous sommes confrontés concerne l'emploi des jeunes. Chaque année, des jeunes s'installent en Franche-Comté, mais davantage quittent la région, notamment, ceux qui bénéficient des niveaux de formation les plus élevés. Il est indispensable de développer l'attractivité de la région dans le domaine de la formation, notamment supérieure, et dans celui de l'emploi et du cadre de vie. Ces objectifs sont naturellement au cœur des politiques conduites par le Conseil régional.
Enfin, bien des métiers sont déjà en tension. Or, les toutes prochaines années vont voir partir à la retraite de très nombreux actifs. Nous allons devoir faire face à des besoins importants, aussi bien pour les métiers relevant d'un premier niveau de qualification (des ouvriers qualifiés, des assistantes maternelles, etc.) que pour des professions qui exigent de longues années d'études (des infirmiers, des médecins, des enseignants, etc.).
Il est donc plus que jamais nécessaire que les hommes et les femmes de cette Région soient inventifs, imaginatifs, bien préparés pour s'adapter aux évolutions du monde du travail. Il s'agit bien de relever ces défis et d'accompagner la montée en puissance de gisements d'emplois nouveaux liés au développement des services, de l'aide à la personne, des énergies renouvelables, ou encore des grands travaux de la LGV [ligne à grande vitesse Rhin-Rhône], etc.
Nous devons tout à la fois nous montrer capables de développer la diversité des formations et leur attractivité, d'accroître le niveau global de formation, tout en maintenant la tradition de formation professionnelle et technologique qui caractérise la Franche-Comté.

Inffo Flash : La préparation du schéma régional de l'éducation et de la formation a mobilisé l'ensemble des acteurs francs-comtois de l'emploi, de l'éducation, de la formation et du monde socio-économique. Quelles grandes orientations ont-elles été adoptées ?

Martial Bourquin : Les concertations ont été très nombreuses et enrichissantes. Les acteurs de la formation se sont mobilisés parce qu'ils mesurent bien les défis que je viens de citer, et qui s'imposent naturellement à tous.
Plusieurs principes forts, qui peuvent apparaître comme des évidences, sont apparus lors de ces rencontres. Ces convictions ont guidé notre travail. Nous n'hésitons pas à rappeler, en préambule, que l'éducation et la formation sont les moteurs de l'emploi et du développement durable. Elles sont de puissants agents de cohésion sociale, une valeur à laquelle nous sommes profondément attachés. L'éducation et la formation contribuent aussi à l'équilibre entre les territoires, et à ce titre, l'échelon régional pour la mise en place du schéma apparaît particulièrement pertinent. Le renforcement de la qualité et de la performance des dispositifs d'éducation et de formation est donc essentiel pour la réussite.

En nous appuyant sur ces principes, nous avons fait émerger quatre grandes orientations :

 favoriser le développement continu de la qualification et des compétences ;

 mettre en place des parcours de formation et des parcours professionnels plus sûrs ;

 favoriser les projets de territoires, la mise en réseau des ressources de formation, le développement des innovations ;

 clarifier, anticiper, évaluer et renforcer les partenariats.
Il appartient à tous les acteurs de travailler selon ces orientations.

Inffo Flash : Aujourd'hui, l'apprentissage est présenté comme un investissement stratégique essentiel. Avez-vous pris des mesures particulières en ce sens ?

Martial Bourquin : La Région Franche-Comté est traditionnellement l'une des premières régions pour la part de l'apprentissage dans les dispositifs de formation professionnelle. Il faut d'ailleurs noter que depuis plusieurs années, cette voie de formation s'est fortement développée vers les niveaux supérieurs. On peut désormais obtenir un diplôme d'ingénieur en suivant ce type de parcours. Les effectifs de l'apprentissage ont d'ailleurs
fortement augmenté depuis deux ans (9 500 en 2007 contre 8 500 en 2005), vraisemblablement en raison des communications nationales menées dans le cadre du plan de cohésion sociale, et d'une image de plus en plus positive de ce mode de formation.

La Région Franche-Comté a, comme les autres, négocié avec l'État un contrat régional d'objectifs et de moyens visant un développement maîtrisé de l'apprentissage, afin de ne pas mettre en difficulté les lycées professionnels qui sont aujourd'hui fortement touchés par la baisse démographique. Le développement de l'apprentissage concerne des publics qui sont actuellement encore peu engagés dans cette voie de formation, notamment les demandeurs d'emploi ou les jeunes en échec à l'Université. Les politiques conduites aujourd'hui visent aussi à ouvrir les grandes entreprises à l'accueil de jeunes apprentis.

Pour accompagner ce développement, le Conseil régional a mis en place la gratuité du premier équipement dans les formations relevant des secteurs en tension. Cet effort sera étendu aux autres filières dans les deux années à venir. La Région a aussi créé un fonds régional de développement de la qualité, de manière à soutenir les établissements dans leurs efforts d'accompagnement des publics en difficulté. Enfin, pour accueillir les jeunes dans de meilleures conditions, le Conseil régional de Franche-Comté s'est engagé sur la voie de la mutualisation en recherchant avec les établissements scolaires les moyens de rendre plus efficaces les financements régionaux.
C'est en étant toujours plus exigeant, c'est en étant toujours plus innovant, en développant la recherche, et en utilisant au mieux les talents des Francs-Comtois que nous pourrons ensemble relever les défis qui s'annoncent.

Propos recueillis par Knock Billy