Martial
Bourquin
À deux mois du vote de son PRDF, la Région Franche-Comté réaffirme sa volonté de promouvoir un nouveau modèle de développement continu des compétences. Il s'articule avec la nécessité de sécuriser les parcours, dans une logique de “projet partagé".
Par Centre Inffo - Le 01 septembre 2006.
Inffo Flash : Quels sont les problèmes d'emploi et de formation spécifiques à la Franche-Comté ?
Martial Bourquin : Plusieurs problématiques caractérisent la situation franc-comtoise en matière d'emploi et de formation. Notre région demeure la plus industrielle de France, mais aussi la plus spécialisée, autour de l'industrie automobile et du travail des métaux. Cette industrie franc-comtoise est structurée autour de grands groupes, avec de nombreuses PME et TPE en position de sous-traitance. Entre 1989 et 2003, elle a déjà perdu 18 800 emplois, et ce mouvement se poursuit. Concernées par des délocalisations, les entreprises doivent moderniser les méthodes de production, innover, et donc développer les compétences. La Franche-Comté connaît aussi un important déficit migratoire s'agissant des jeunes. Entre 1999 et 2004, le solde négatif s'élève à près de 7 700 jeunes entre 20 et 29 ans. Cette mutation est liée aux études, mais surtout à la recherche du premier emploi. Ces départs fragilisent la structure même de l'emploi en Franche-Comté, notamment en termes d'encadrement et de services aux entreprises. Et parallèlement, la région est bien sûr touchée par le choc démographique. Des secteurs entiers connaissent déjà des difficultés de recrutement : c'est le cas du bâtiment, des travaux publics, du secteur du bois, du commerce de proximité, de l'hôtellerie-restauration.
Inffo Flash : Quelles sont les actions engagées par la Région pour y répondre ?
Martial Bourquin : La “Stratégie éducation formation 2010" est structurée autour de trois grandes orientations. Tout d'abord, favoriser le développement continu des compétences. En Franche-Comté, le niveau moyen de formation de la population active est trop faible. Deuxième grande orientation : sécuriser les parcours, en réduisant notamment les ruptures dans l'accompagnement des jeunes, des salariés, des demandeurs d'emploi. Enfin, troisième grande orientation : se mettre collectivement “en projet" - observer, anticiper et innover. Cette nécessité s'impose aux entreprises, mais aussi aux établissements et organismes de formation.
Inffo Flash : Comment pensez-vous intégrer le “développement continu des compétences" aux défis économiques régionaux ?
Martial Bourquin : De manière globale, la solution passe bien par des modalités de partenariat renforcées entre éducation, formations, emploi et économie. La Région souhaite favoriser un accompagnement par la formation à la création et à la reprise d'entreprise. Elle a aussi décidé de donner priorité à l'accompagnement des demandeurs d'emploi “micro-créateurs". Ensuite, la Région s'engage à conforter les secteurs traditionnels structurants (agriculture, artisanat, etc.), en leur donnant priorité dans les différentes actions retenues au titre de la Stratégie éducation formation 2010. Il s'agit aussi de favoriser l'ouverture, en développant les relations interrégionales, en renforçant les coopérations transfrontalières, et la maîtrise des langues. Nous entendons également appuyer le rôle d'entraînement des pôles de compétitivité et des grands projets structurants, en cernant les besoins de main d'œuvre et de formation à court, moyen et long terme. Enfin, la Région doit promouvoir un modèle de développement intégrant les nouvelles contraintes, et ceci comprend la mise en place de formations innovantes dans le secteur des énergies renouvelables, du marketing et des TIC, l'organisation d'actions de sensibilisation des chefs d'entreprise au développement durable, ainsi qu'à la GPEC.
Inffo Flash : La “sécurisation des parcours" est une thématique très présente actuellement. Comment la déclinez-vous ?
Martial Bourquin : À travers la sécurisation des parcours, nous souhaitons réduire les ruptures dans l'accompagnement des jeunes, des salariés, des demandeurs d'emploi. Cet aspect est pour nous indissociable de l'élévation globale du niveau de formation : “des compétences validées dans un parcours plus sûr". Il faut garantir à chaque citoyen l'accès aux savoirs indispensables. Cette action passe par la prévention du “décrochage" des jeunes, avec notamment la mise en place d'un “plan concerté de l'école au lycée et au CFA". Nous souhaitons aussi réduire les inégalités d'accès à la formation par le développement de “bourses de la vocation scientifique et technique", et de l'appui aux personnes handicapées. Cette réduction de la “non-qualification" doit également se traduire par une véritable innovation dans la prise en charge des publics en phase d'insertion et dans les modes de reconnaissance des acquis des adultes, autour des Points relais conseils VAE. Dans le même temps, il faut développer l'ingénierie de formation dans les organismes de formation.
Inffo Flash : Vous souhaitez le renforcement de la logique de projet partagé. S'agit-il de mettre l'accent sur la dimension
territoriale ?
Martial Bourquin : Nous voulons en effet favoriser les “projets de territoires". Le Conseil régional s'engage ainsi à aider au développement d'une capacité d'observation “éducation-formation-emploi" dans chacun d'eux, et à les aider à organiser la concertation et l'élaboration de projets. L'objectif est de promouvoir une offre de formation équilibrée, à travers la poursuite du développement de pôles de formation sur chaque territoire. La Région choisit aussi d'expérimenter dans le domaine de la pluriactivité et la “bi-qualification", en lien, en particulier, avec les besoins des personnes en milieu montagnard et rural. Et puis les ressources de formation peuvent être mises en commun, mutualisées. La Région s'engage aussi à encourager le mixage de publics dans les actions de formation, et l'ouverture des établissements sur leur environnement.
Inffo Flash : Quelles sont vos pistes de travail avec les acteurs de l'information et du conseil ?
Martial Bourquin : La Région favorise la diffusion et l'appropriation collective des études conduites et organise une veille permanente sur l'évolution des contenus et modalités de formation en relation avec l'emploi. Nous voulons construire progressivement un cadre régional de coopération entre acteurs de l'information et de l'orientation (élaboration d'une “charte des bonnes pratiques") et développer une politique de contractualisation avec ces structures - par exemple, les contrats d'objectifs avec les Espaces jeunes. La Région estime qu'il est capital de développer une évaluation permanente et partagée de la qualité et de la “performance" des dispositifs de formation, à l'aide d'un outil complet et cohérent.
Inffo Flash : Dans notre précédent entretien (Inffo Flash n° 660, p. 13), vous nous présentiez votre méthode de travail pour l'élaboration du PRDF. A-t-elle porté ses fruits ?
Martial Bourquin : L'année 2005 a été une année de concertation, avec la tenue de sept ateliers thématiques, cinq ateliers territoriaux et neuf rencontres et ateliers sectoriels ont réuni 1 500 participants. Le bilan des concertations s'est effectué au second semestre 2005 avec l'élaboration du “diagnostic". Le premier semestre 2006 a été marqué par l'élaboration du “plan d'actions", de fiches territoriales et la mise au point du dispositif de suivi et d'évaluation. Le PRDF 2006-2010 est actuellement présenté à l'ensemble des partenaires, et le vote du document dans son ensemble par l'Assemblée régionale interviendra en novembre.
Inffo Flash : Le schéma des formations sanitaires et celui des formations sociales sont intégrés au PRDF. Quel premier bilan faites-vous de la mise en œuvre de vos nouvelles responsabilités ?
Martial Bourquin : Ces deux schémas sont en cours d'élaboration. Dans notre Région, le bilan de la décentralisation des formations sanitaires et sociales est globalement positif. Le partenariat de qualité, qui existait déjà avant le transfert, avec la Drass de Franche-Comté est un facteur facilitateur. Néanmoins, comme toutes les Régions, la Franche-Comté ne bénéficie pas d'une dotation suffisante pour couvrir l'ensemble des dépenses actuelles. Les derniers ajustements prévus par l'État devraient couvrir la majeure partie de ce déficit, mais ne permettront pas de faire face aux nécessaires augmentations d'effectifs dans certaines filières (masseurs kinésithérapeutes, etc.), ni à l'impact de décisions prises par l'État en matière d'augmentations de durées de formations, de créations de nouvelles filières, d'augmentation du nombre de rentrées (ambulanciers). Et en ce qui concerne l'investissement, aucune dotation spécifique n'existe. Pour répondre aux besoins croissants de ces secteurs d'activités, une plus grande efficacité des formations passe par des mutualisations de moyens entre les écoles, et un travail en commun avec les Conseils généraux, les établissements de santé et du social, ainsi que les Opca.
Propos recueillis par François Boltz