Michel

Morin

Michel Morin est vice-président du Conseil régional de Bretagne en charge
de la formation initiale, professionnelle et de l'apprentissage

“Virtuelles", mais efficaces. En Bretagne, dix-neuf nouvelles “Maisons de la formation professionnelle" vont permettre à l'ensemble des structures d'accueil d'un même pays – sans qu'elles soient regroupées sous un même toit – de travailler en réseau et de délivrer une information claire et homogène.

Par - Le 15 octobre 2008.

Inffo Flash - Qu'est-ce qui justifie la création en Bretagne d'un réseau de Maisons de la formation professionnelle par pays ?

Michel Morin - Notre dispositif “Maison de la formation professionnelle" est né d'un double constat : avec tout d'abord celui, en Bretagne comme dans d'autres régions de France, d'une carence et d'une mauvaise articulation des services rendus à l'usager en matière d'accès à la formation et ce, malgré l'existence d'un réseau important d'acteurs dans le domaine de l'AIOA (accueil, information, orientation, accompagnement). Le public, qu'il s'agisse de demandeurs d'emploi ou de salariés, de jeunes scolarisés ou déscolarisés, ne savait pas toujours où s'adresser pour trouver la formation professionnelle répondant à ses besoins, connaître les dispositifs existants sur leur territoire, les modalités pour y accéder, les aides financières possibles, etc.

Parallèlement, les contrats d'objectifs signés avec les branches professionnelles ne nous ont pas suffisamment donné d'informations pour orienter nos politiques régionales de formation. Il fallait faire davantage remonter les besoins des entreprises et les spécificités et atouts de chacun des territoires bretons.
Dans ce contexte, et dans le cadre de la Sref (stratégie régionale emploi-formation), la Région Bretagne a souhaité développer une approche nouvelle pour, d'une part, coordonner l'ensemble des services d'accueil, d'information et d'orientation, pays par pays, et d'autre part, accompagner la concertation locale sur l'analyse et l'évaluation des besoins en formation.

Cette double volonté s'est concrétisée par la création, dans dix-neuf territoires, d'une “Maison de la formation professionnelle" qui permet à l'ensemble des structures d'accueil d'un même pays, sans qu'elles soient regroupées sous un même toit, de travailler en réseau et de délivrer une information claire et homogène. À tous, et dans les meilleurs délais, une réponse adaptée, de proximité, qui favorise l'accès à la formation et, par conséquent, une réelle égalité des chances.
Pour cela, le dispositif MFP propose une mise en réseau des différents acteurs : Missions locales, ANPE, CIO, Fongecif, Réseau information jeunesse, Points accueil emploi, etc., afin que chacun puisse délivrer, à toute personne, ce premier niveau d'information sur la formation et la VAE, puis proposer, lorsque la personne accueillie a besoin d'un conseil et d'un accompagnement, une mise en relation de qualité avec la structure spécialiste adaptée. En fait, cette démarche vise à atteindre une organisation efficace conduisant à une réponse de qualité ou à un accompagnement, sur la base de deux contacts maximum.

Il ne s'agit donc pas de créer une structure supplémentaire, mais de s'appuyer sur l'expertise des différents partenaires qui deviennent “points d'accueil" du réseau MFP, à raison de dix à vingt par pays, suivant la taille et l'organisation des territoires.

À terme, ce sont 250 points d'accueil qui seront ouverts sur l'ensemble de la Bretagne.

IF - Le bon fonctionnement de ce réseau suppose une coordination efficace des différents acteurs engagés dans ces structures. Comment vous y prendrez-vous ?

M. M. - La coordination locale entre les différentes structures du réseau est effectivement essentielle. Elle s'appuie à la fois sur des moyens humains et techniques.

Un comité de coordination local est chargé d'assurer la coordination et le pilotage de l'ensemble des travaux conduits dans le cadre de chaque Maison de la formation professionnelle sur le territoire. Présidé par un conseiller régional, ce comité associe les instances représentatives du territoire de référence, le pays et/ou la communauté d'agglomération, l'État, les Assédic, l'ANPE et les partenaires sociaux. Les Conseils généraux peuvent également y être associés. Ce comité de coordination peut aussi être élargi à d'autres partenaires en fonction des thématiques locales.

Au quotidien, un délégué territorial, employé par la Région et identifié pour chacun des pays, assure l'animation technique du réseau et accompagne les structures partenaires (journées de formation et appropriation d'un “kit MFP").

Enfin, la Région a mis à disposition des points d'accueil des moyens techniques : aide à l'équipement informatique dans le cadre de la mise en réseau, création d'un site MFP avec un espace privé dédié aux membres du réseau qui permet, en particulier, de mettre à jour en temps réel des fiches d'information.

IF - Quels seront les liens entre le réseau des Maisons de formation professionnelle et celui des Maisons de l'emploi ?

M. M. - Le projet des Maisons de l'emploi a été initié au niveau national, alors que la Bretagne délibérait sur sa démarche MFP. La Région était favorable à l'articulation des dispositifs, mais à deux conditions : que les compétences de chacun soient respectées et que les deux “Maisons" cherchent comment articuler au mieux leurs actions de manière à ce que le pilotage de la Région, sur les problématiques de formation professionnelle, soit clairement identifié.

Des négociations avec les instances régionales, en particulier avec les administrations déconcentrées, l'Unédic et les autorités locales concernées, ont permis de faire évoluer les statuts des Maisons de l'emploi afin d'y intégrer un axe “formation professionnelle", géré de manière indépendante par la Région.

La MFP, pilotée par la Région, autonome dans ses préconisations et décisions en matière de formation, peut ainsi constituer une des quatre grandes priorités des Maisons de l'emploi, complémentaire des trois autres.

IF - Quelle part la Région Bretagne compte-t-elle prendre dans le nouveau service public de l'emploi ?

M. M. - La place que la Région prendra dans le nouveau service public de l'emploi est décrite dans la loi de réforme du SPE. La Région devrait être appelée à siéger au sein du Conseil régional de l'emploi. Mais pour le reste, l'État n'a pas encore fait connaître ses positions.

IF - En tant que vice-président du Conseil régional en charge de la formation initiale, professionnelle et de l'apprentissage, quelle est votre sentiment sur la nouvelle réforme de la formation professionnelle ?

M. M. - Les Régions exercent la compétence de la formation et, à ce titre, ont une certaine vision de ce qu'il faudrait réformer en cette matière. Elles préconisent une clarification des compétences des différents acteurs, passant par un renforcement des compétences du Conseil régional en matière d'orientation et de gouvernance de la formation tout au long de la vie en région. Nous souhaitons également que chacun puisse bénéficier d'un droit à la formation initiale, que le PRDFP devienne prescriptif et que l'ensemble des acteurs soit appelé à contribuer à l'effort commun, dans un esprit de conférence des financeurs, c'est-à-dire dans le respect des missions de chacun. Notre vœu est aussi que la formation continue des demandeurs d'emploi cesse d'être considérée comme une marchandise mais, au contraire, qu'elle soit élevée au statut de service social d'intérêt général. Enfin, nous demandons à ce que les dispositifs de l'État qui participent de ce service social puissent être transférés aux Régions, et en particulier les APP, les ASF et les formations mises en œuvre par l'Afpa au titre des publics prioritaires, personnes handicapées, détenus, personnes issues des Dom, militaires en reconversion, etc.

En tant que vice-président du Conseil régional de Bretagne, je constate chaque jour la nécessité de ce service public et je mesure le travail réalisé en Bretagne avec les acteurs des territoires et les partenaires sociaux pour aider notamment les plus éloignés de l'emploi à trouver la voie d'une insertion professionnelle durable. Si la formation est considérée comme un service marchand, je ne vois pas comment tout ce travail peut se concrétiser au bénéfice des personnes concernées.

Ce que je peux apporter à ce débat, c'est un témoignage et une double conviction : sans proximité avec les bénéficiaires, il n'y a pas de dispositif pertinent, et il n'existe d'insertion professionnelle à long terme que dans l'accès à la qualification. Une insertion professionnelle réussie est gage de compétence collective, a contrario une insertion professionnelle visant le seul accès à l'emploi, sans logique de reconnaissance et de capitalisation des compétences, condamne la personne à la précarité. La réussite d'un parcours passe par la prise en compte de la personne dans sa globalité, et je formule le souhait que cette réforme intègre cette dimension dans ses fondements.

Propos recueillis par Knock Billy