Thierry
Berthet
Peut-on se former tout au long de la vie ?
Pour sa douzième édition qui se déroulera du 13 au 15 novembre à Artigues-près-Bordeaux, l'Université de la formation, de l'éducation et de l'orientation (Uféo) s'interrogera sur les modalités que peut prendre la formation tout au long de la vie. En avant-première, Thierry Berthet, président de la manifestation, présente les grandes problématiques qui seront débattues lors de cette rencontre.
Par Centre Inffo - Le 01 octobre 2006.
Inffo Flash : Considérez-vous que la FPTLV est aujourd'hui une réalité en France ?
Thierry Berthet : La FPTLV est effectivement une réalité en France comme projet et comme discours, mais au concret, on en est relativement loin. Certes, des avancées notables ont vu le jour dans la foulée des dispositifs les plus récents. La validation des acquis de l'expérience, le droit individuel à la formation constituent ainsi des progrès considérables dans la réalisation de cette ambition. Pour se concrétiser, les compromis sociaux fondant nos systèmes d'éducation, de formation et d'orientation doivent évoluer dans le sens d'une plus grande fluidité et d'une meilleure transversalité. À défaut d'une telle évolution, il y a peu de chances que cette matérialisation couvre les différentes dimensions (juridiques, sociologiques, économiques, politiques) d'un large accès à la FPTLV. Ces interrogations seront au cœur de la 12e Université de la formation, de l'éducation et de l'orientation des 13 et 15 novembre prochains.
Inffo Flash : Quels sont les enjeux nationaux de la FPTLV ? Comment s'intègre-t-elle dans le paysage institutionnel français ?
Thierry Berthet : Il me semble que le principal enjeu de la formation tout au long de la vie est celui de l'équilibre que nos systèmes d'éducation, de formation et d'orientation parviendront à établir entre les responsabilités individuelles et collectives à l'égard de ce principe. Cela implique donc une réflexion de fond sur les cadres institutionnels dans lesquels elle s'inscrit. Aujourd'hui, l'initiative et la responsabilité des individus sont de plus en plus fortement sollicitées, elles ne peuvent se développer efficacement que si le système institutionnel qui les encadre est suffisamment souple pour s'adapter à la diversité des parcours individuels. Pour le dire autrement, il devient urgent d'aménager un système qui puisse dépasser les cloisonnements par publics, financeurs et décideurs pour aménager une gestion plus fluide de l'accès à la formation. Les passerelles entre dispositifs sont trop rares et les modes d'accès à la formation demeurent trop inégalitaires pour qu'on puisse, en l'état, aménager des trajectoires et des transitions professionnelles harmonieuses.
Inffo Flash : Quelle est la place de l'orientation dans la FPTLV ?
Thierry Berthet : Les logiques contemporaines des politiques d'éducation, de formation et d'emploi qui tendent à accroître l'implication individuelle dans la construction de parcours professionnels supposent qu'une attention particulière soit portée à l'orientation scolaire et professionnelle. Le système français demeure de ce point de vue cloisonné et fragmenté. Les résultats d'une étude européenne à laquelle mon équipe a collaboré sur les dispositifs d'orientation professionnelle des demandeurs d'emploi en Europe1 soulignent ces évolutions récentes, qui incluent un développement des pratiques de profilage des demandeurs d'emploi déterminant des densités d'accompagnement différentes selon la position au regard de l'employabilité, le recours croissant à des prestataires externes, et l'alourdissement des contraintes pesant sur les individus. Cet ensemble d'évolutions rythmées par la perspective d'orientation active tout au long de la vie déstabilise les systèmes nationaux de protection sociale en interrogeant les droits et devoirs réciproques de l'État social et de l'individu.
Propos recueillis par Patricia Gautier-Moulin
Programme disponible à l'adresse:
Site web : http://www.mps-ufeo.org