Patrick Mayen, professeur des universités en didactique professionnelle à AgroSup Dijon.

Donner du temps aux apprenants pour ne pas réduire leur capacité d'apprentissage (Patrick Mayen)

Par - Le 19 septembre 2017.

« Le lien entre analyses du travail et formation ne va pas de soi, d'où notre souhait de réfléchir à la façon dont ces deux mondes peuvent se rencontrer », a déclaré Paul Santelmann, directeur de la veille Emploi et qualifications à l'Afpa et coordinateur de la 6ème Journée d'études qui se tenait le 14 septembre au Cnam, à Paris. Une journée d'études qui faisait écho au numéro hors-série Éducation permanente-Afpa 2017 Analyses du travail et intentions formatives.

Pour Patrick Mayen, professeur des universités en didactique professionnelle à AgroSup Dijon, chercheur à l'UP DPF, il ne faut jamais dissocier analyses du travail et formation. Mieux, la formation doit susciter chez l'individu le développement d'une analyse de sa propre activité. « L'objectif de la formation, c'est d'outiller les personnes pour qu'elles puissent se transformer elles-mêmes et transformer leurs conditions de travail », affirme-t-il.

Donner du temps

Le chercheur insiste sur l'inévitable méconnaissance par les individus de leur environnement de travail. « Quel que soit leur niveau d'expertise, ils ont toujours des choses à redécouvrir dans leur environnement de travail. » Leur permettre de se situer plus précisément par rapport aux autres et dans leur manière de faire est à la base de toute bonne formation. Il plaide pour que les formations sortent les individus de leur routine et provoquent la pensée : « Le décentrement permet aux individus d'analyser leur environnement de travail et d'obtenir une représentation plus large de leur poste. » Grâce à ce cheminement, ils deviendront capables de prendre davantage d'initiatives.

Autre configuration essentielle pour susciter l'apprentissage : donner du temps aux apprenants. « Pour apprendre, il faut pouvoir expérimenter, faire et refaire, se tromper, débriefer. Sinon, on réduit le potentiel d'apprentissage des individus », poursuit-il.

Formateur expert des apprentissages

Pour le formateur, la tâche est vaste. « Son analyse du travail doit se prolonger tout au long de la formation.» Il doit être tout autant expert en analyse du travail, capable de comprendre, par exemple, pourquoi l'environnement du salarié est source d'erreur, tout en étant expert des processus d'apprentissage.

Patrick Mayen suggère de s'intéresser davantage aux parcours des salariés, de s'interroger sur ce qui a permis à certains de devenir des experts compétents et sur les raisons pour lesquelles d'autres se sont arrêtés en chemin. En s'inspirant des parcours qui fonctionnent, il est possible de définir des formations qui permettent à tous d'évoluer.

Enfin, il rappelle que l'un des buts de la formation est aussi de permettre aux salariés de poursuivre leur travail par-delà les épreuves souvent silencieuses qu'ils traversent (le vieillissement, la maladie, etc.) et l'évolution en apparence minime des conditions de travail autour d'eux. « Les gens ne sont parfois plus en phase suite à des changements anodins qui ont pu avoir lieu dans leur entreprise et auxquels ils n'ont pas su s'adapter. »