Yves Beauvois, chef du bureau de la formation professionnelle continue à la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGesco).

Quel impact du décret qualité pour les financeurs et pour le réseau des Gréta ?

Opcalia, le Fongecif et la Région Île-de-France étaient invités par le réseau des Gréta à débattre du décret qualité, de son impact, et de leurs attentes en tant que financeurs, lors d'une journée d'étude organisée par trois centres de ressources de l'Éducation nationale.

Par - Le 06 février 2017.

Entré en vigueur au 1er janvier 2017, le décret qualité du 30 juin 2015 semble avoir déjà un vrai impact sur la manière de travailler des Opca et financeurs de formations professionnelles. Ce décret définit six critères à respecter pour qu'une action de formation puisse être financée (objectifs de formation ; les dispositifs d'accueil, de suivi pédagogique et d'évaluation ; les moyens techniques, pédagogiques et d'encadrement ; l'information sur l'offre de formation ; et la prise en compte des appréciations des stagiaires). Ces six critères sont évalués au moyen de 21 indicateurs que les organismes de formation doivent renseigner sur la base de données commune à l'ensemble des Opca, Datadock.

Travail en commun des financeurs

“Premier impact du décret, nous avons dû travailler ensemble, entre financeurs - ce qui était une grande nouveauté - pour élaborer cette base de données Datadock", souligne Amine Gharbi, responsable du pôle relations avec les organismes de formation au Fongecif Île-de-France. Le Fongecif a choisi d'ajouter trois indicateurs d'évaluation pour référencer un organisme : le coût de la formation, la durée, et le taux de réussite à l'examen. “Nous finançons des formations longues diplômantes pour un coût moyen de 28 000 euros (salaires compris) et nous souhaitons optimiser ces dépenses", précise Amine Gharbi.

Le décret demande aussi aux Opca d'évaluer la cohérence entre coût et contenu de formation. “Nous comparons dans le détail les coûts et les prestations, et quand on observe une nette différence entre deux OF on demande des explications", poursuit-il.

Pour Agnès Domenech, d'Opcalia Île-de-France, “l'obligation de recenser l'offre de formation et de référencer les prestataires de qualité nous permet de mieux aiguiller les entreprises dans leur choix. Notre objectif est maintenant d'aider les entreprises à mesurer l'impact de leur investissement de formation sur le développement de leurs collaborateurs et de leur activité". Une mission d'évaluation qui concerne aussi les centres de bilan de compétences et de VAE au Fongecif.

Évaluation et amélioration des procédures d'achat

À la Région, gros acheteur de formations, le décret a eu un impact à plusieurs niveaux. D'abord sur les modalités de recueil de la satisfaction des stagiaires : “D'ici le mois de mai, nous allons mettre en place un forum en ligne pour recueillir ces avis", explique Jean-Philippe Boulineau, chef de service.
Concernant le taux de réussite des organismes, la Région fera désormais appel à un tiers extérieur, au lieu de s'en tenir aux résultats communiqués par l'organisme lui-même. Elle s'est aussi engagée dans l'amélioration de ses procédures d'achat de formation : sur l'identification des besoins, l'ingénierie, l'analyse des offres et le suivi des formations. “Nous avons rédigé une charte qualité qui figurera dans nos prochaines commandes de formations, explique Jean-Philippe Boulineau, concernant le suivi on intensifie nos visites sur site pendant les formations pour vérifier les moyens mis en œuvre."

La Région a dressé une liste d'organismes qu'elle a référencés, diffusée sur le site de Défi Métiers (le Carif-Oref francilien) et d'autres partenaires. “L'information sur l'offre de formation est un point essentiel pour nous, ajoute le chef de service. Avec le décret qualité nous sommes passés d'une logique de moyens à une logique d'objectifs à atteindre."

Du côté des Gréta, le décret a eu un effet structurant et d'harmonisation des pratiques. “Nous avons travaillé à partir des réponses aux appels d'offres et nous avons identifié parmi les 21 indicateurs ceux que nous pouvions garantir pour l'ensemble des Gréta, explique Joël Pavageau, correspondant qualité de l'académie de Lille. L'objectif est de tendre vers une identité commune du réseau et de travailler sur une harmonisation de nos pratiques et de nos procédures."

Individualisation des parcours et des durées de formation

Les financeurs, interrogés sur leurs attentes vis-à-vis des Gréta, se sont accordés sur la force de leur réseau présent sur tout le territoire. “Le fait d'avoir le label Éduform est aussi un atout important, car beaucoup de demandes des entreprises portent sur des organismes labellisés, souligne Agnès Domenech. En revanche, les entreprises ne sont pas sûres que les modules répondent bien aux besoins de l'entreprise."

Les attestations de compétences délivrées par les Gréta sont justement faites pour valoriser les compétences acquises par les stagiaires, précise Joël Pavageau. Le Fongecif et la Région ont exprimé le souhait d'une plus grande individualisation des parcours et des durées de formations, “pour les ajuster aux besoins des personnes".

Selon les financeurs, le développement des formations en ligne et à distance pourrait faciliter cette individualisation. La Région souhaiterait en outre une information plus centralisée sur l'ensemble de l'offre de formation des Gréta, et un suivi administratif et financier plus réactif.

Pour répondre à ces attentes, le réseau des Gréta va organiser des enquêtes de satisfaction en ligne auprès des stagiaires, clients et financeurs, et progresser sur l'individualisation et sur le suivi administratif et financier, qui correspondent aussi aux exigences du label Éduform.

Éduform, le nouveau label de l'Éducation nationale

“Nous avons rénové notre démarche qualité autour d'un nouveau référentiel réalisé avec l'Afnor", explique Yves Beauvois, chef du bureau de la formation professionnelle continue (DGesco). Ce label Éduform, délivré par le ministère de l'Éducation nationale, a été d'emblée validé par le Cnefop (Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles), en juin 2016. Il doit être officialisé très prochainement. Il va au-delà des exigences du décret qualité, puisqu'il intègre les champs de la gouvernance et du pilotage. “Nous avons souhaité remplacer les deux labels existants, Gréta + et VAE +, qui ne permettaient pas de couvrir toutes les structures de formation continue de l'Éducation nationale, poursuit Yves Beauvois. Et nous avons décidé d'ouvrir le nouveau label Éduform à tout organisme de formation, public ou privé, préparant à un diplôme de l'Éducation nationale." Ils devront se soumettre à un audit, payant, par des auditeurs mis à disposition dans chaque académie.