Plan de formation 2014 : faire “autant avec moins", ou “plus avec autant" ?

Par - Le 16 octobre 2013.

La saison de préparation du plan de formation est revenue. Il est encore trop tôt pour dégager les grandes
tendances, mais une certitude s'affiche d'ores et déjà : les budgets resteront... contraints. Avec une
obligation d'optimiser ces fonds et d'intégrer le retour sur investissement dans les projets. Témoignages.

D'après le planning de l'élaboration
du plan de formation
2014, à la mi-octobre,
la plupart des entreprises
devraient avoir bouclé la deuxième
consultation des représentants
des salariés. Celle consacrée au bilan de
l'exécution de l'année précédente et de
l'année en cours.

Premières requêtes

La première consultation, qui a eu lieu
en septembre au plus tard, a fait l'objet
de délibération et d'avis des représentants
sur les orientations générales de
la formation dans l'entreprise. “À cette
période de l'année, les plans ne sont pas encore
totalement finalisés. La délibération
et les avis des représentants de salariés sur
le projet de plan pour l'année prochaine
n'auront lieu que vers la fin de l'année",
précise Jérôme Lesage, PDG de Place
de la formation, société spécialisée dans
l'externalisation de la formation professionnelle
pour plus de 400 entreprises.
Globalement, “les demandes seront les
mêmes que les années précédentes", analyse-
t-il. En effet, selon le baromètre
annuel réalisé par cet organisme, en
2012, les cinq domaines de formation
La saison de préparation du plan de formation est revenue. Il est encore trop tôt pour dégager les grandes
tendances, mais une certitude s'affiche d'ores et déjà : les budgets resteront... contraints. Avec une
obligation d'optimiser ces fonds et d'intégrer le retour sur investissement dans les projets. Témoignages.
les plus demandés (regroupant 69 %
des requêtes) sont les langues (31 %),
la bureautique et l'informatique (11 %,
comprenant les logiciels Microsoft, les
bases de données, Linux, Java, la mise en
réseau, etc.), le développement personnel
(11 % également, avec la communication
orale, l'“efficacité personnelle", la
gestion de carrière, celle du stress et celle
du temps), la sécurité (8 %, comprenant
les premiers secours, etc.), et enfin
le “management des hommes" (7 % :
management opérationnel, leadership,
etc.).

“L'élaboration du plan de formation
repose à la fois sur les projets de
l'entreprise, sa stratégie de développement
et l'évolution de ses métiers.
Compte tenu de la spécificité des
nôtres, les grandes orientations de notre
plan de formation sont la sécurité et
le développement des techniques métiers
sur la voie, la caténaire, la signalisation
et la conduite de projets", indique
Martine Serres, responsable formation
chez Colas Rail, qui a pratiquement
terminé l'élaboration du plan
de formation de la filiale du groupe
de travaux publics Colas, appartenant
lui-même au groupe Bouygues, et
qui emploie près de 4 000 personnes.
À ces formations s'ajoutent celles réglementaires
et obligatoires, ainsi que les
actions visant à améliorer les compétences
managériales de l'encadrement
de proximité (chefs d'équipe, conducteurs
de travaux, etc.).

La lutte contre l'illettrisme au nombre des priorités

Chez Saint Gobain Glass France, l'entité
du groupe français spécialisée dans la fabrication
des glaces et vitrages, la sécurité
et les préoccupations environnementales
constituent les priorités en matière de
formation. “Il n'y a pas d'orientations générales
imposées par la direction du groupe.
Chacune des entités élabore ses propres
priorités en matière de développement
des compétences de ses collaborateurs",
explique Catherine Ducastel-Fredet, responsable
formation. Nous gérons le plan
de trois sociétés, pour un effectif d'environ
450 collaborateurs, majoritairement des
cadres fonctionnels."

Pour nombre d'entreprises, “la lutte
contre l'illettrisme constitue une des
grandes orientations de la politique de
formation", note Gaëtan Le Manchec,
nouveau délégué général du Garf
(Groupement des acteurs et responsables
de formation). En effet, confirme
Sandrine Fleury, directrice réseau au
Forco, l'Opca du commerce et de la
distribution, “certaines entreprises du
commerce et de la distribution, notamment
les grands groupes, mènent des
réflexions sur des actions en lien avec le
socle des connaissances ou des compétences
de base, voire l'illettrisme des bas niveaux
de qualification". Elle est en charge de
l'animation des 10 délégations régionales
ou interrégionales de l'Opca, du
développement de l'offre de services et
de la cohérence des actions conduites
en faveur des entreprises.

Peu de visibilité, mais les budgets seront maintenus

Selon ces interlocuteurs, l'imminence
d'une réforme n'offre pas aux
chefs d'entreprise ou aux personnes
en charge de la formation une visibilité
suffisante sur ce qui doit ou non
être mis en place. Bien que le secteur
du commerce-distribution soit moins
touché que d'autres par les difficultés
économiques, la vigilance est de mise.
Ainsi, selon Sandrine Fleury, “les plans
de formation des entreprises sont davantage
orientés vers des actions en lien avec
leurs activités que sur le développement de
l'employabilité des salariés vers d'autres
secteurs. Il s'agit donc de privilégier les
actions qualifiantes courtes, plutôt que
les parcours très longs". C'est d'ailleurs
pourquoi le Forco “propose aux TPE
et PME des diagnostics et accompagnements
RH leur permettant de faire le lien
entre les mutations sectorielles et économiques
et la nécessité d'adapter ou réorienter
leurs plans de formation".
Les responsables formation l'assurent :
globalement, il n'y aura pas de baisse
des budgets. Pourquoi une telle bonne
nouvelle ? Parce que, explique Jérôme
Lesage, “on observe des signes de reprise,
psychologiquement on se dit que les choses
vont être « moins pires », et que, sûrement,
les budgets seront maintenus". Ce
que confirme Martine Serres. “Malgré
la situation économique difficile, le budget
formation de Colas Rail reste stable :
4,7 % de la masse salariale."

“Mieux acheter, mieux administrer"

De même que sa consoeur, Catherine
Ducastel-Fredet note une stabilité des
budgets alloués à la formation chez Saint
Gobain Glass France. Ils sont compris
entre 4 et 5 % de la masse salariale, selon
les sociétés. “Même si leurs budgets restent
stables, nombre de responsables formation
se demandent comment faire autant avec
moins ou plus avec autant", relève Jérôme
Lesage. En effet, les deux responsables
formation reconnaissent avoir “une obligation
d'optimiser ces fonds et d'intégrer le
retour sur investissement dans nos considérations".
Dans cette optique, l'activité
vitrage de Saint Gobain recourt, par
exemple, notamment à des engagements
de développement de l'emploi
et des compétences (Edec), ces actions
qui visent à anticiper les mutations économiques,
sociales et démographiques
en réalisant des actions concertées dans
les territoires pour permettre aux actifs
occupés de faire face aux évolutions de
l'emploi. L'année dernière, certaines
entités ont mis à profit les périodes de
chômage partiel pour former de nombreux
collaborateurs.

Les responsables formation vont devoir
“mettre en oeuvre de manière de plus
en plus accélérée, des systèmes leur permettant
à la fois de mieux acheter, mieux
administrer leur politique de formation,
et mieux partager les informations avec
les salariés, les Opca ainsi que les prestataires
de formation internes ou externes",
soutient Jérôme Lesage. Il affirme
observer “un vrai mouvement de besoins
qui renforce les demandes d'externalisation
de la formation, et au-delà de
moyens permettant de fluidifier la mise
en oeuvre de la formation".

La réforme en préparation

Mais les éventuelles modifications
issues de la réforme en préparation,
notamment l'arrivée − imminente ?
− du compte personnel de formation
(CPF), sans doute en lieu et place du
Dif, constituent des points de préoccupation
dans l'élaboration des plans
de formation à venir. La simple évocation
d'une possible défiscalisation
de l'obligation légale est, par exemple,
préoccupante pour les entreprises. Le
fait de basculer d'une obligation de
dépenser à une obligation de former
influerait forcément sur les orientations
des politiques de formation. La
préparation de la nouvelle réforme de
la formation pourrait donc retarder
la définition des plans pour l'année à
venir.

Pour l'heure, chez Catherine Ducastel-
Fredet, “nous continuons à encourager les
salariés à prendre leur Dif ". Elle pense
que cette réforme “rendra sûrement
plus simple la gestion de ces dispositifs".
Pourquoi ne pas l'espérer ?