L'évolution des modes de transmission questionne l'orientation (Comité mondial pour les apprentissages tout au long de la vie)
Par Nicolas Deguerry - Le 16 avril 2011.
Invitée du séminaire international sur les apprentissages tout au long de la vie sur “Les mutations qui bouleversent les apprentissages tout au long de la vie", organisé par le Comité mondial pour les apprentissages tout au long de la vie, au Cnam, le 31 mars, Britt-Mari Barth, professeur émérite des sciences de l'éducation à l'Institut supérieur de pédagogie de l'Institut catholique de Paris, conserve de sa scolarité suédoise le souvenir d'un objectif qui ne l'a toujours pas emporté dans la plupart de nos systèmes éducatifs : “Nous n'apprenons pas pour l'école mais pour la vie."
Aujourd'hui riche d'une observation de terrain internationale, Britt-Mari Barth ne peut que constater que “trop d'élèves s'ennuient dans les lieux d'apprentissage traditionnels, jusqu'à quitter le système sans qualification". Et de s'interroger : “Pourquoi l'école ne profite-t-elle pas davantage des mutations technologiques et cognitives?" Parmi les axes d'amélioration jugés indispensables, la nécessité d'une plus grande participation des élèves à la construction du savoir est soulignée. “Connaître est un processus et non pas un produit", rappelle-t-elle : “En participant plus activement, guidés par le professeur, les élèves apprendront à apprendre. C'est à l'école qu'ils vont construire leur confiance et trouver la motivation pour continuer à apprendre tout au long de la vie."
À lire - “Faut-il encore apprendre ?"
Provocatrice, la question n'appelle pas de réponse négative mais invite à reconsidérer le sens de l'apprentissage dans la société du tout au long de la vie : “Nous vivons la fin d'un modèle, une nouvelle aventure apparaît, un champ des possibles s'ouvre parce que nous sommes en train de découvrir un nouveau rapport au savoir, dans trois dimensions", commente Olivier Charbonnier, directeur général du cabinet Interface et co-auteur de l'ouvrage “Faut-il encore apprendre ?" avec Sandra Enlart, directrice générale d'Entreprise & Personnel. D'abord, du fait de la “délégation à la machine de la mémoire", voire de certaines “opérations cognitives" ; ensuite, du fait de la “transformation permanente du savoir", qui s'oppose aux logiques d'“acquisition programmatique" et devrait inciter “le système éducatif [à considérer] l'information sous forme de flux plutôt que sous forme de stock" ; enfin, sous l'effet de la “fragmentation du savoir, qui pose la question de la mise en lien", au risque de la “perte de sens". Des évolutions qui “réinterrogent la notion même de transmission", avec une montée en puissance de l' “accompagnement". Et des conséquences évidentes sur l'orientation : “Il faudra aider les apprenants à se poser les bonnes questions face à des milieux évolutifs qui renvoient sans cesse à l'employabilité, (...) accepter de décider aujourd'hui pour des futurs que l'on ignore."
Dunod, juin 2010.
Enjeu de l'apprentissage, la compétence. Et pour cela, “il faut que l'école change de théorie d'apprentissage : il n'y a pas de compétence sans connaissance, mais il y a des connaissances sans compétences". Que faire ? “Les élèves ont besoin de participer, d'apprendre à penser, d'apprendre à apprendre, de collaborer pour résoudre des problèmes, de milieux qui favorisent l'émulation et non pas la compétition." Et de souligner que c'est “cette perspective [qui] devrait changer la formation des enseignants : c'est le rôle d'organisateur qui devient le plus important". Or, regrette-t-elle, “pas seulement en France, mais dans un grand nombre de pays, une telle réalité n'est pas prise en compte : il y a une inadéquation entre les programmes, la volonté de rendre compte de la réalité des apprentissages et la finalité de l'éducation, qui souhaite développer des futurs citoyens responsables".
Posant clairement des enjeux de société, la question de l'éducation et de la formation tout au long de la vie nécessite, selon Britt-Mari Barth, un “soutien politique" à la nécessaire “mutation pédagogique". Avec pour “défi" la construction d'une “nouvelle culture à l'école", portée par une “réflexion sur la nature des savoirs et des modes d'évaluation : pour faire quoi, pour quelles compétences ?" Et de convoquer Einstein pour conclure : “Apprendre n'est pas un devoir mais plutôt une opportunité enviable de prendre conscience de la force libératoire du savoir", pour son épanouissement personnel comme pour une accession pleine à la citoyenneté.