Jean-Patrick, Mr Gille à l'Assemblée

Par - Le 16 mars 2012.

“La mise en place du crédit formation individualisé, c'est le tournant de ma vie…"

Un côté prof' tendance Cercle des poètes disparus quand il vous accueille sur son blog, un côté engagé tendance Mr Smith au Sénat[ 1 ]Mr. Smith goes to Washington est un film de Frank Capra sorti en 1939, avec James Stewart. sur la photo de sa biographie, rien n'est faux dans ces clichés. Soucieux de transmettre, n'aimant rien moins qu'agir sur la destinée humaine. Éphémère professeur de français et de philosophie par formation initiale, spécialiste de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion des jeunes par le terrain et la formation continue, responsable politique local et national par militantisme, Jean-Patrick Gille cultive patiemment son jardin à l'anglaise : des chemins sinueux qui n'ôtent rien à l'harmonie de l'ensemble.

Pourquoi des études de philosophie ? “Cela s'est un peu imposé à moi, des soucis de santé qui ont fait que, parti en filière scientifique, mon cursus a souffert et je n'ai pas passé le bac. Je suis ensuite revenu faire une terminale littéraire et voilà, j'aimais beaucoup la physique, j'aimais beaucoup la philo… Physique et métaphysique, mon côté aristotélicien sûrement…" Et d'ajouter : “Finalement, c'est intéressant en matière d'orientation : scientifique ou littéraire, ni l'un ni l'autre ne me convenaient parfaitement, alors j'ai un peu contourné le système : quand on ne rentre pas bien dans les cases prévues, il faut parfois bricoler un peu…"

Un “double militant"…

Passionné de politique depuis l'adolescence, l'homme affiche une forme de modernisme dans l'engagement qui l'a conservé “très proche et très accessible", estime Gaston Pineau, universitaire pionnier de la formation des adultes et certainement l'un de ses mentors. “Courageux, persévérant et intelligent", selon son ancien professeur, l'homme attire facilement les éloges, si ce n'est qu'“il mériterait d'être dans un autre parti !", plaisante le député UMP des Vosges Gérard Cherpion. Et de lui reconnaître d'être “un collègue constructif, qui cherche véritablement à faire avancer les sujets, avec la force de ses convictions mais sans polémique et sans surenchère".

Tombeur, à Tours, du maire Jean Royer, aux côtés de Jean Germain dont il devient le premier adjoint en 1995, Jean-Patrick Gille sait aussi batailler. Moteur de son action, un “double militantisme" : politique au sein du PS, professionnel en faveur de la formation et de l'insertion des jeunes. Élu député en 2007, il ne cache pas sa fierté : “Dès l'adolescence, je me suis dit que le plus beau dans la vie, c'était d'être parlementaire. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais je trouve que c'est une belle fonction : représenter les autres, essayer de comprendre leurs problèmes, voir comment on peut arranger les règles de la vie en commun…" Bref, heureux de siéger et pleinement conscient du chemin parcouru, comme lorsqu'il évoque son appartenance au CNFPTLV : “Rencontrer le président Balmary, je ne le lui ai pas dit mais quand même, pour moi, c'était une sorte de bouclage." Et de commenter son entrée, “par inadvertance", dans le monde de la formation : “Mitterrand est réélu, Laignel est à la formation professionnelle, il décide de passer de la logique de stage à celle de parcours d'insertion professionnelle pour les jeunes." Suivent la mise en place du crédit formation individualisé (CFI) et le recrutement de 400 coordonnateurs emploi-formation chargés de la coordination territoriale. Parmi les recrues, Jean-Patrick Gille.

…spécialiste de l'insertion

“J'ai fait un grand saut dans le vide et c'est là que ma vie a basculé, à la fois dans la formation continue et dans l'insertion professionnelle des jeunes." Souvenir de l'époque ? “Une grande aventure, sur le terrain avec toutes les résistances des gens déjà en place… très formateur !" Reprenant alors ses études en formation continue pour suivre le DESS de Gaston Pineau, “Stratégie et ingénierie de la formation pour adultes", il achèvera son mémoire dans le chalet québécois du professeur : “Leur liste venait de gagner les élections de la mairie de Tours et il lui devenait difficile de terminer, j'ai profité d'une de ses missions au Québec pour le bloquer : "Tu t'enfermes dans mon chalet et tu n'en sors pas tant que tu n'as pas fini !"." Libéré et de retour à Tours, Jean-Patrick Gille devient président d'une kyrielle d'institutions d'insertion et de formation, crée une Mission locale, une École de la deuxième chance… bref, “un grand terrain de jeu !" Devenu entretemps salarié à mi-temps de la direction de la formation professionnelle de la Région Centre, il reconnaît être passé par “tous les postes", justifiant là la réputation de “bon connaisseur du tissu économique et social de notre société" que lui accorde Gérard Cherpion.

“N'oubliez pas la dimension internationale !", s'inquiète Gaston Pineau, en rappelant sa constante préoccupation des relations franco-québécoises depuis son élection à Tours : “Son implication est particulièrement précieuse pour asseoir les partis politiques dans des mouvements qui doivent à la fois assurer l'ancrage local et l'ouverture mondiale."

Relancer la régionalisation

Fier des succès d'insertion de l'É2C, le Tourangeau d'adoption semble aussi poursuivi par une certaine obsession de la coordination : “Je n'ai pas tout réussi, je trouve par exemple que l'É2C n'utilise pas assez l'APP…", regrette-t-il. Autre sujet de satisfaction, les Missions locales, dont il préside l'Union nationale et entend célébrer les 30 ans avec l'Institut Bertrand-Schwartz qu'il a créé en 2011. Également secrétaire national du PS chargé de la famille, aujourd'hui chargé de l'enseignement professionnel et de la formation tout au long de la vie dans l'équipe de François Hollande, Jean-Patrick Gille défend “une approche renforçant le rôle des Régions dans la coordination et la gouvernance des politiques de formation professionnelle", avec un “accompagnement plus fort et plus individualisé" de tous les publics. Avocat du droit au retour à la formation, l'élu plaide aussi pour un “compte épargne pédagogique, sorte de droit à la formation initiale différé", assorti d'un “compte épargne temps tout au long de la vie, que l'on pourrait utiliser soit pour se former, soit pour des questions familiales ou autres…." Et Mr Smith de conclure : “C'est une forme d'utopie, mais les choses avancent comme ça !"

Notes   [ + ]

1. Mr. Smith goes to Washington est un film de Frank Capra sorti en 1939, avec James Stewart.