Questions à Jérôme Torchet, responsable d'audit QSE et responsable développement produit Iso 29990 chez LRQA
Par Nicolas Deguerry - Le 16 mars 2012.
“Le marché passe par la réforme des Opca"
Quel est selon vous le principal apport de la norme 29990 ?
En complément de l'Iso 9001, c'est une norme centrée sur les bonnes pratiques qui va permettre aux organismes de formation, de tout type, secteur et taille, de les orienter vers une méthodologie pour déployer la prise en compte des exigences de leurs clients. De plus, l'apport méthodologique permet aussi à l'entreprise de se construire un système pérenne.
Quel est le temps moyen d'un processus de certification 29990 ?
À peu près six mois, mais tout dépend de la maturité du système existant. Il faut avoir identifié les exigences qui ne sont pas mises en œuvre dans l'entreprise, puis répondre à ces exigences manquantes sous forme de plan d'action, formaliser certains enregistrements par rapport à ce qui est demandé dans la norme. Quand tout est prêt et planifié, il faut démontrer par ces enregistrements que le système est mis en œuvre. L'idée est bien d'identifier les points à formaliser, d'écrire une procédure, puis de la mettre en œuvre et de le prouver. Bien sûr, le temps de certification peut être considérablement raccourci pour une entreprise déjà certifiée Iso 9001, qui pourra obtenir l'Iso 29990 en un mois, puisqu'un système de management est déjà en place.
Le processus de certification va-t-il, selon vous, continuer de s'inscrire dans le cadre d'une démarche volontaire, ou évoluer vers une forme d'obligation ?
À mon avis et compte tenu du nombre d'organismes de formation et de formateurs, le marché de la formation a besoin d'être régulé. La question de l'obligation pourrait se traiter au niveau des Opca et des donneurs d'ordres, dont il est possible d'imaginer qu'ils demandent à ce que les prestataires de formation soient certifiés Iso 29990. Mais le simple fait d'associer une norme Iso, beaucoup plus parlante que les normes OPQF, à une sorte de standardisation du marché peut suffire.
Que répondez-vous aux organismes qui regrettent que le processus d'audit ne soit pas assorti d'une prestation de conseil ?
Cela n'est pas de notre fait et relève des exigences de l'Iso 17021, qui s'imposent aux certificateurs : nous sommes des organismes tierces parties, donc nous ne pouvons être juges et parties. C'est le B.A-Ba et le fondement des principes d'audit, ce qui se comprend puisque l'on ne peut pas à la fois mettre en place un système et le certifier. La crédibilité des certifications tient justement à notre indépendance et à une procédure de vérification portant sur des exigences neutres.
Alors que moins de cinq organismes de formation sont certifiés 29990 à ce jour, combien sont, selon vous, réellement susceptibles de l'être dans les deux ans à venir ?
Il est encore trop tôt pour envisager des prévisions fiables. Toutefois, si apparaît demain cette notion d'obligation par les grands donneurs d'ordres ou les Opca, le marché devrait être substantiel. À l'heure actuelle, cela dépend du rythme auquel ce secteur se professionnalisera. Le marché devrait être multiplié par dix d'ici deux ans.
Nous serons donc loin d'une “masse critique" qui permette de faciliter la valorisation…
Tout à fait, mais c'est difficile tant que le marché n'est pas plus réglementé. Nous le voyons bien avec certaines normes pour l'énergie, avec seulement un ou deux certifiés en France alors que l'Allemagne et l'Italie en sont déjà à plus d'une vingtaine. Particulièrement en France où la tendance est de ne pas faire si ce n'est pas obligatoire ! Tant que les entreprises n'auront pas compris qu'elles ont un intérêt à être certifiées 29990, elles ne le feront pas. Je pense que l'obligation viendra petit à petit mais ne se fera pas du jour au lendemain. Cela passera par la réforme des Opca, la communication, etc.
Les certifications sont aussi présentées comme une aide au choix pour les individus, pensez-vous que cela soit réellement le cas, compte tenu de la multiplicité des normes et labels présents sur le marché ?
Il y a eu, notamment avec l'OPQF, des essais de régulation des exigences pour que les gens puissent parler le même langage. Mais cela s'est fait indépendamment des normes Iso, qui sont à mon sens beaucoup plus parlantes, avec cette notion de reconnaissance et de valeur ajoutée qui va de pair avec les trois lettres I S O.
Y compris auprès des bénéficiaires finaux ?
Oui, ne serait-ce que parce que les individus sont confrontés à ce phénomène de labellisation et de normalisation dans leur quotidien, en allant faire leurs courses, par exemple. Ils sont confrontés à une multitude de labels et de produits certifiés, cela ne veut pas forcément dire grand-chose à tout le monde mais entraîne le réflexe d'associer la qualité d'une prestation à un standard.
Ne serait-il pas opportun d'imaginer une communication standardisée sur les normes à l'attention du grand public ?
Certainement, et c'est sans doute de la responsabilité des branches métier et des Opca. Si on raisonne sur du long terme dans le nouveau contexte de formation tout au long de la vie, la communication sera très importante.