Contrats de génération : de nombreux points à préciser par la négociation en entreprise
Par Philippe Grandin - Le 16 octobre 2012.
“Au stade où nous en sommes, nous avons quelques certitudes et beaucoup de questions", a observé Franck Morel, avocat associé du cabinet Barthélémy avocats, au sujet du contrat de génération, qui a fait l'objet d'une table ronde lors du 24e Congrès HR, le 3 octobre.
Le gouvernement a annoncé un projet de loi pour décembre 2012, suite à la négociation nationale interprofessionnelle qui a débuté fin septembre. La loi serait promulguée au cours du premier trimestre 2013. Les premiers contours figurent dans le document d'orientation du 4 septembre, remis aux partenaires sociaux. Au regard des chiffres de l'emploi des jeunes et des seniors, le contrat de génération sera-t-il la bonne réponse ? Pour Franck Morel, il faut se saisir des expériences menées dans le cadre des autres dispositifs, notamment les accords et “plans d'action seniors" (loi de 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009). Comme plusieurs commentateurs, Franck Morel a relevé dans le document d'orientation, la “logique bâton" pour les entreprises de plus de 300 salariés et la “logique carotte" pour les plus petites (voir encadré). Concernant les premières, de nombreux points restent à préciser. Par exemple, a pointé l'avocat, l'obligation de négociation sera-t-elle applicable aux entreprises de moins de 300 salariés appartenant à un groupe de 300 salariés et plus ? Ou encore, quel sera le mode de validation des accords ? “L'administration aura un rôle à jouer, “mais au regard de quel cahier des charges ?", a interrogé Franck Morel. Et pour les moins de 300 salariés, pourra-t-on envisager “une application des mêmes règles d'absorption des accords seniors que pour les entreprises de 300 salariés et plus ?" Autres questions : quelles seront les conditions de versement et de maintien de l'aide en cas de transformation d'un CDD en CDI, de démission du senior ou du jeune, de licenciements, de temps plein ou temps partiel, etc. ?
Dans la lignée des Ani de 2011
“C'est une négociation assez particulière, car elle correspond à une promesse d'un candidat devenu président de la République", a observé Hervé Garnier, secrétaire national et membre de la délégation CFDT à la négociation nationale interprofessionnelle sur le contrat de génération. D'autant qu'elle intervient parallèlement à d'autres, notamment celle sur la sécurisation de l'emploi, qui a débuté le 4 octobre. “Tous les acteurs ont la volonté d'entrer dans le vif du sujet et des bilatérales ont débuté entre partenaires sociaux. L'entrée dans la négociation s'est faite à travers la problématique des jeunes, assez peu sur celle des seniors." Concernant la portée de l'obligation de négocier dans les entreprises de 300 salariés ou plus, la CFDT souhaite laisser des marges de manœuvre et incite à se concentrer sur les aspects qualitatifs de l'emploi des jeunes et des seniors (embauche, sécurisation des parcours, transmission des compétences, formation des tuteurs, etc.).
“Pour les partenaires sociaux, le contrat de génération peut être un bon moyen de prolonger les quatre accords nationaux interprofessionnels de 2011 sur l'emploi des jeunes", a considéré Jean-Baptiste Prévost, rapporteur de l'avis sur l'emploi des jeunes du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Il a d'ailleurs rappelé le caractère alarmant des chiffres du chômage, avec un taux de chômage des moins de 25 ans de près de 23 %, celui des jeunes peu ou pas qualifiés s'élevant à 44 %. “Les jeunes supportent les effets de la flexibilité du marché du travail. La question de leur emploi doit être un thème régulier du dialogue social à tous les niveaux. C'est une des recommandations de l'avis du Cese qui préconise l'instauration d'une obligation légale de négocier, notamment en intégrant cette question aux thèmes de la négociation annuelle obligatoire, au même titre que les salaires, le temps, de travail, ou l'égalité entre les sexes."
Selon le document d'orientation, les entreprises de 300 salariés et plus ne bénéficieront pas d'aide financière et seront assujetties à une obligation de négociation puis d'accord collectif ou, à défaut, de plan. En l'absence d'un accord (validé par l'administration), avant une date qui pourrait être le 30 septembre 2013, elles s'exposeront à une sanction financière. Également prévue : une “absorption" des accords seniors par les accords relatifs au contrat de génération.
De leur côté, les entreprises de moins de 300 salariés auront la possibilité de négocier un accord collectif ou un contrat individuel tripartite avec un jeune embauché en CDI et un senior nominativement identifiés. Les TPE pourront conclure un contrat de génération entre un chef d'entreprise senior et un jeune embauché en CDI. Surtout ces entreprises bénéficieront d'une aide financière forfaitaire pour les jeunes de 16 à 25 ans embauchés en CDI, pendant trois ans, et les seniors de 57 ans et plus maintenus en emploi jusqu'à l'âge de départ en retraite, aide forfaitaire qui serait de deux fois 2 000 euros par an.